Sommaire
EDITORIAL
1.
L'automne du désenchantement.
ENJEUX
2.Les négationnistes
sur le net : au delà de l'affaire Yahoo.
3.
Et si l'UMTS était une arnaque?
4.Napster
BILLETS
5.
Le Monde inrteractif : une galaxie de
publi-reportage
6.
La publicité est un art.
LE DOSSIER
7.
Incertitude et délices de la poésie en ligne.
ON A LU
8.
Philippe Lemoine: "Cahier Laser n°3".
9.
Jeremy Rifkin "L'âge de l'accès".
SUIVI
10.
Fathom.
11.
Stainboy.
ON AURAIT PU...
12.
00h00
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EDITORIAL
1. L'automne
du désenchantement.
Rien ne va plus
vraiment au pays des start-up et des jeunes pousses.
Il y a un an, nous connaissions
les flonflons de la nouvelle économie. Cela semble bien fini. Qu'on en
juge. En France, le groupe Arnault semble pris de doute alors que la cote
de sa marque de fournisseur d'accès "Libertysurf" ne cesse de baisser.
En Europe, c'est le gentil portail suédois "Spray" qui est racheté par
le géant Lycos. On murmure que les dirigeants ne voyaient pas comment
atteindre rapidement le seuil de rentabilité. Aux États-Unis, MTV interactive
repousse sine die son introduction en bourse et se déleste d'une bonne
centaine d'employés alors que le portail de divertissement "Pop", sur
lequel Spielberg et quelques autres avaient misé, ne verra sans doute
pas le jour. Une des premières télévisions sur l'internet "Pseudo" arrête
les frais et les entreprises qui tenaient la tête d'affiche ne cessent
de débaucher. L'époque sonne aussi la fin des petits prodiges et le retour
de managers seniors. Ainsi, par exemple, Philippe Jaffré, ancien PDG d'Elf
Aquitaine rejoint Zebank.
Au delà des investissements
trop rapides sur des projets sans grand bon sens, au delà des effets de
mode et des modèles économiques copiés qui nous ont été servis toute l'année
écoulée, quels débuts d'explication peut-on donner à ce désenchantement?
D'abord la réalité
de l'internet lui-même: une technologie imparfaite. On l'a dit et redit,
cela reste encore trop compliqué. Les ordinateurs plantent, les programmes
bloquent, les systèmes d'exploitation s'encrassent et ralentissent. L'internet
garde un aspect de bricolage et d'outil expérimental non achevé.
Ensuite, des
débits encore trop faibles. En effet, les hauts débits se font attendre.
Les opérateurs payent des milliards pour acheter des fréquences mais en
attendant, on rame toujours autant. On nous présente le Wap comme une
révolution avant de dénoncer la supercherie et d'en annoncer la mort.
La plupart des utilisateurs restent sur les vicinales de l'information.
De plus, les
usages de l'internet restent indéfinis. L'internet marchand s'est fait
à coups d'injonctions plus que de propositions: vous devez acheter à distance,
vous devez acheter aux enchères, vous devez former des communautés. Mais
ce qui marche, en réalité, c'est surtout le courrier électronique, qui
est, lui, en passe de devenir universel et qui permet à peu de frais,
en fichier attaché, d'échanger les photos de ses vacances.
Est-ce l'internet
qui est en cause ou ce que l'on essaye d'en faire? Ce qui est intéressant
dans l'internet, c'est avant tout le réseau, la possibilité d'avoir des
échanges et des activités en réseau. Le protocole IP n'a jamais été fait
pour acheter des billets d'avion en ligne. On essaye de faire de l'internet
un Minitel en couleur. Alors, et c'est normal, cela n'a pas grand intérêt.
Autre point,
il faut replacer l'internet dans l'ensemble des technologies et des applications
numériques. Pourquoi ferait-on sur l'internet ce que l'on peut faire sur
une télévision interactive? Pourquoi écouter de la musique sur un mauvais
PC alors que l'on peut le faire sur un baladeur MP3? C'est dans ce paysage
là que l'internet trouve sa place? Il ne sert à rien de le penser et de
l'imaginer indépendamment de cet univers. Bref tout est encore à inventer.
Pierre
Bastogne
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ENJEUX
2. Les négationnistes sur
le net : au delà de l'affaire Yahoo.
L'affaire
Yahoo, et la campagne de boycott lancée par le Nouvel Observateur, ont
relancé la question de la présence des néo-nazis et des négationnistes
sur le net. C'est un sujet- comme le montre le forum du Nouvel Observateur-
qui irrite beaucoup d'internautes: le topos des "contenus illicites" et
l'appel à la répression ou à la régulation trouvent ici une justification
politiquement correcte qui camoufle mal une volonté d'officialiser, ou
d'institutionnaliser le net, au seul profit des puissances dominantes
en matière d'expression.Dans
un article récent sur Minirézo, Mona Chollet dénonce ainsi la fixation
"Internet = nazis".
Mais cela n'empêche pas de se demander ce qu'il en est réellement de la
présence et de la stratégie des négationnistes sur le net. Après nos premières
analyses de l'affaire Yahoo, nous avons essayé de réunir un dossier sur
cette question. Les informations que nous avons rassemblées, sur le web
ou ailleurs, sont accessibles à tous et facilement vérifiables.
PARCOURS AU SEIN DU NEGATIONNISME BRANCHE
Une
première constatation d'évidence: il faut trois minutes à quelqu'un
qui connaît le sujet, et une dizaine de minutes à un internaute moyennement
informé, pour dénicher et consulter les sites ouvertement racistes,
néo-nazis ou négationnistes. Les hébergeurs français effectuent une
certaine surveillance, bien que aaargh, le principal site français,
probablement géré par Serge Thion, dispose,sur Voilà, d'une page renvoi.
Mais les moteurs de recherche, dans toutes les langues permettent
d'identifier les principaux sites, notamment ceux d'entre eux qui
fonctionnent comme des portails. C'est ainsi qu'Alta Vista signale
en neuvième réponse Codooh, une des principales entrées américaines
sur le négationnisme international.
Deuxième constatation: ils y sont tous. Les propagateurs les plus
connus disposent tous de sites copieux: Faurisson, Fisher, Zundel,
Walendy ou Butz. Les organisations négationnistes sont, elles aussi,
bien représentées, comme l'Institute for Historical Review, aux États-Unis,
ou le VHO allemand. Certains ont saisi l'occasion de créer de nouveaux
médias négationnistes ou fascistes, comme Codoh, ou Radio-Islam, avec
son site abbc.
Les négationnistes savent parfaitement tirer parti du net, non seulement
pour compenser leurs difficultés sur les médias classiques, mais pour
adopter une politique de communication assez achevée.
Toute la propagande de base est numérisée et mise en ligne. Les archives
sont complétées par des agendas des principales rencontres et des
chroniques comme celle de Thion, ou le bulletin quotidien Z-grams,
publié par la webmestre de Zündel. Il n'était pas difficile de repérer
sur certains forums commerciaux et sur le site même de l'Union des
Etudiants Juifs de France, à propos de Yahoo, des interventions typiques
des manipulations d'extrême droite. Aaarg donne d'ailleurs des conseils
pour infiltrer les listes, en particulier H-Holocaust de l'Université
du Michigan.
Les États-Unis font table d'hôte pour les négationnistes. Le Net confirme
parfaitement ce que Pierre Vidal Naquet écrivait en 1985: "A examiner
un ensemble de ces documents dans les rayons d'une bibliothèque, à
constater la multiplicité des traductions d'un seul et même texte,
à lire ces multiples références savantes à des journaux ou à des livres
obscurs, on a le sentiment d'une seule et vaste entreprise internationale.
Conclusion excessive, peut être, encore qu'il existe indiscutablement,
en Californie, le centre d'une Internationale révisionniste qui accueille
et redistribue toute cette littérature. Il n'y a rien là de surprenant;
c'est simplement une conséquence de la planétarisation de l'information
et de la position dominante qu'occupent les Etats-Unis dans le marché
mondial."
Avec l'internet, la Californie et les États-Unis sont plus que jamais
le centre de l'Internationale révisionniste. Le net a permis à l'Institute
for Historical Review, auquel Vidal Naquet fait allusion, de rebondir.
Il facilite l'ouverture de portails comme Codoh, "Committee for open
debate on the holocaust" dont l'animateur californien, Bradley Smith,
harcèle les universités américaines autour d'un programme "universités
et révisionnisme".
Gérald Pancaer, de l'Université de Lyon 1, donne, dans "L'internationale
négationniste sur le net", une série d'indications sur le contexte
très favorable dont le négationnisme bénéficie aux États-Unis, en
particulier sur les soutiens des Universités ou serveurs universitaires.
Car l'Internet n'est pas seulement l'occasion pour les négationnistes
de poursuivre leur activité par d'autres moyens plus modernes. C'est
aussi, pour eux, la possibilité de réajuster leur stratégie.
STRATEGIE
DES NEGATIONNISTES SUR LE NET
En résumé, ces réajustements peuvent être présentés de la manière suivante:
les négationnistes ne se contentent pas d'utiliser les ressources du
net comme instrument médiatique; ils se sont trouvé de nouvelles alliances,
et une forme de légitimation, au sein du monde américain de l'internet.
Un premier exemple de ces nouvelles alliances est le pacte entre le
négationnisme et le courant du "skepticism". Ce scepticisme a peu à
voir avec Pyrrhon et ses adeptes. Le sceptique américain se voudrait
un dénonciateur du mensonge officiel.
C'est souvent un paranoïaque convaincu de vivre dans un monde où toutes
les informations sont des constructions et des manipulations fomentées
par l'état. Les sujets favoris du skepticism sont les OVNIS, le triangle
des Bermudes, l'origine cachée des maladies et des crashs aériens. Il
y a des sceptiques X-files et des sceptiques ultra-matérialistes, des
sceptiques créationnistes et des darwiniens. Ce courant, presque exclusivement
américain sous cette forme extrême, est très répandu sur le web, où
il s'exprime à travers d'innombrables pages personnelles, dont beaucoup
sont franchement allumées. Il fait bon ménage avec le négationnisme
qu'il traite comme une sorte de département spécialisé: c'est Faurisson
chez Lucullus.
Mais la principale alliance est celle que le négationnisme a scellée
avec le courant libertarien sur le net. D'une certaine manière, les
négationnistes tentent de refaire ici, en plus grand, ce qu'ils ont
déjà obtenu avec Chomsky: un soutien non pas sur le fond mais sur leur
droit à s'exprimer. La différence tient à ce que, dans la première période,
les négationnistes se contentaient de prétendre "défendre leurs droits";
ici, ils tentent de se mettre au premier rang des défenseurs des libertés
sur l'internet. Ils font campagne pour le respect du premier amendement
américain, ou l'article 19 de la Déclaration universelle des droits
de l'homme. Fréquemment leurs sites arborent le ruban bleu de la liberté
d'expression sur le net. Un site outrancièrement raciste, s'intitule
FAEM (Machine à exercer le premier amendement). Codoh donne dans une
longue rubrique les adresses des sites de "libre expression". Bradley
Smith se présente d'ailleurs lui même comme un libertarien, et débat
longuement avec un comparse sur "libertarisme et révisionnisme".
Du côté des français, le ton était donné, dès 1996, avec l'article du
"temps irréparable", "le gouvernement français instaure la censure sur
l'internet". Il s'agissait alors de critiquer la loi Fillon. Mais aujourd'hui,
aaargh fait campagne contre l'amendement Bloche.
ALLIANCES CONTRE NATURE?
Peut-on pour autant dire, comme Gerald Pancaer, que le "web illustre
également les alliances "contre-nature" et les passerelles entre ultras
"rouges" et "bruns"?
C'est aller un peu vite en besogne, pour au moins trois raisons.
1/ Pour l'essentiel, ce n'est pas aux libertaires, mais aux "libertariens"
que les négationnistes tendent la main. S'il y a des libertariens de
gauche, "progressistes", le libertarisme est plutôt un courant de la
nouvelle droite, qui s'est signalé par son engagement derrière la présidence
Reagan.
2/ A la différence des alliances précédentes, celle ci ne porte pas
sur le fond, mais sur la liberté d'expression. On ne peut pas confondre,
sans amalgame, l'opposition à toute législation limitant l'expression
publique - comme la loi Gayssot- et le ralliement explicite aux thèses
des "Eichmann de papier".
3/ On ne trouve aucun élément sérieux permettant de prouver que certains
courants libertaires sur le net répondraient favorablement aux appels
du pied des négationnistes. Il faut dire que ces appels sont grossiers:
Bradley Smith mêle sa propre image à celle de Georges Orwell. Aaargh
publie l'intégrale des communiqués de Myriam Marzouki, animatrice de
l'Iris (Internet solidaire). Mais c'est à sens unique. Les sites libertaires
américains, par exemple, ne renvoient pas sur les sites négationnistes
de campagne contre la censure.
Si on veut parler d'alliances contre nature, il faut rendre compte d'un
phénomène plus large: comment le négationnisme qui méprisait si ouvertement
la démocratie s'est-il reconverti en avocat des droits de l'homme et
des libertés publiques, et avec quels succès?
SUCCES DES NEGATIONNISTES
En effet,
grâce à leur présence sur le net, les négationnistes ont engrangé quelques
succès incontestables. Le principal, c'est qu'ayant réussi à s'approprier
le thème de la liberté d'expression sur le net, ils ont ainsi reconquis
le terrain perdu avec les formes classiques de communication.
Cette situation crée un trouble évident dans le monde de l'internet. De
nombreuses universités américaines ont accepté d'héberger les sites révisionnistes.
Dans certains cas, elles adoptent la posture de l'hébergeur irresponsable,
simple prestataire technique. C'est le cas du serveur de la North Western
University, qui héberge Butz. Mais, dans bien des cas, les sites universitaires
américains vont plus loin, jusqu'à reconnaître la qualité scientifique
des négationnistes (textes de Thion sur le Cambodge hébergés par les universités
de Berkeley et Princeton) ou l'origine "universitaire" de la communication
(le Student Revisionnist Ressource Site hébergé par l'université de l'Etat
de Washington). Certaines universités ont organisé des débats avec Bradley
Smith du Codoh (Maryland et Chicago).
Des organismes non suspects de compromission avec le négationnisme concourent
pourtant à sa banalisation. C'est ainsi que l'annuaire demoz.org les regroupe
avec les autres formes de scepticisme: c'est exactement la dénomination
reprise chez Zundel ("holocaust scepticism"). Le comble, c'est que demoz.org
présente aussi sous cette rubrique les interventions des adversaires du
négationnisme.
Contrairement au rideau de fumée qu'elle a rapidement suscité, l'affaire
Yahoo n'est pas d'abord une illustration de la responsabilité - ou non-
des prestataires techniques dont on nous rabat les oreilles. Elle rappelle
qu'aux États-Unis, un courant important n'hésite pas à se compromettre
avec les négationnistes, ou les néo-nazis. Ce courant ne pose pas seulement
que la constitution américaine autoriserait l'expression des négationnistes.
Il les aide, les héberge, les encourage à s'exprimer, organise le débat
avec eux, leur assure une reconnaissance officielle, en tire un profit
commercial.
Cette situation est purement et simplement le résultat de la stratégie
d'alliance libertarisme-négationnisme.
Dans
un prochain article, nous comparerons les conceptions européennes et américaines
de la liberté d'expression sur le net, et les différentes propositions
pour contrer le négationnisme.
Francis
Linart
Clics
officiels:
[http://www.codoh.com]
un portail négationniste et libertarien, qui coopère avec les allemands
de vho.
[http://www.abbc.com]
radio-islam, raciste, adopté par les négationnistes français dont aaarg.
Sources:
[http://www.amnistia.net]
pour trouver le texte de Gerald Pancaer, "L'internationale négationniste
sur le net", initialement publié aux Editions Syllepse.
[http://www.minirezo.net/article49.html]
pour trouver l'article de Mona Chollet "Internet=nazis, genèse d'un abcès
de fixation", 06/08/00.
A
lire :
Pierre Vidal-Naquet "Les assassins
de la mémoire", La Découverte, 1991, notamment "Thèses sur le révisionnisme"
de 1985, sur les Etats-Unis.
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3. Et si l'UMTS
était une arnaque?
Cela aura été en Europe le feuilleton high tech du deuxième
semestre: l'attribution des fréquences UMTS et les sommes importantes,
voire gigantesques, qui auront été dépensées pour leur acquisition.
Les enchères à peine fermées, les appels d'offre à peine clos, les plaintes
et les conflits, les doutes aussi, affluent.
Ainsi, en Allemagne, les opérateurs contestent la façon dont les enchères
se sont déroulées, la présence de Deutsche Télécom et menacent d'une plainte.
Toujours en Allemagne, l'opérateur Mobilcom, dont France Télécom détient
28,5%, annonce des pertes jusqu'en 2007. Il a payé 8,4 milliards d'Euro
une des licences allemande. Dommage pour les actionnaires, Mobilcom avait
réalisé 170 millions de marks de bénéfice l'an passé.
En Espagne, les quatre détenteurs d'une licence UMTS, crient au scandale
devant le projet d'impôt supplémentaire du gouvernement espagnol et, là
aussi, menacent conjointement de porter plainte.
Enfin, un expert finlandais crie à la supercherie et annonce que l'UMTS,
ça ne marchera jamais...
Pendant ce temps là, les réseaux filaires se déploient, notamment par
l'action des collectivités territoriales, les services interactifs s'inventent
et le GPRS, GSM à meilleur débit, arrive bientôt.
Il n'est pas certain que des réseaux mobiles à haut débit trouvent facilement
leurs usages et leur économie.
Pierre
Bastogne
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4.
Napster.
Le procès contre Napster a commencé
le 2 octobre à San Francisco, en attendant le verdict définitif, il n'est
pas inutile de faire un petit résumé des épisodes précédents.
Début 1999:
la Recording Industry Association of America (RIAA) a intenté - et perdu
- un procès contre la compagnie Diamond, fabricant et distributeur du
baladeurs MP3 "Rio".
Le procès est perdu car les tribunaux américains
ont estimé que les baladeurs MP3 facilitent l'utilisation d'enregistrement
présent dans l'ordinateur de l'utilisateur et donc servent essentiellement
pour une utilisation personnelle et non commerciale.
Juillet 2000: plainte de la RIAA contre Napster
(voir 19clics n°9) pour infraction aux droits d'auteurs et piratage à
grande échelle de la musique sur l'internet.
Napster, qui devait fermer son site le 28
juillet à minuit, obtient finalement un sursis à exécution et l'autorisation
de continuer jusqu'à son passage en appel - prévu en septembre et repoussé
au 2 octobre.
La RIAA publie sur son site, dans un rapport de 32 pages, une requête
contre la décision de la cour tandis que Napster développe un argumentaire
en six points et appelle au "buy-cot" (incitation à acheter les disques
des artistes qui le soutiennent).
Août 2000:
l'industrie du cinéma, en l'occurrence huit grands studios d'Hollywood,
porte plainte contre des hackers qui ont publié sur l'internet le code
du programme permettant de copier les DVD. Hollywood gagne.
10 septembre
2000: le gouvernement américain (le ministère de la Justice, le
bureau des droits d'auteurs et le bureau des brevets et marques de commerce)
et une vingtaine d'organisation (dont la Motion Picture Association of
America) grossissent les rangs des plaignants contre Napster.
Dans le même temps, MP3.com, société de diffusion de musique en ligne,
bénéficiant pourtant d'accords avec certaines maisons de disque comme
Sony, Time Warner ou EMI, perd contre Universal et risque de payer 25
000 dollars par titre de disque diffusé sur le web.
L'équipe juridique de Napster - le cabinet d'avocats Bois, Shiller et
Flexner connu aux États-Unis pour avoir géré une partie du dossier Microsoft
au nom du gouvernement - met en avant les cas Diamond et Sony: autorisation
de copie d'œuvres protégées par les lois du copyright, à titre privé.
Elle rappelle que, comme avec le magnétoscope, le logiciel Napster permet
la diffusion aussi bien des œuvres non protégées par le droit d'auteur
et celle des œuvres protégées dont le titulaire autorise la communication
que celle des œuvres protégées dont le titulaire ne permet pas la communication.
L'objectif des plaignants est bel et bien la mise
à mort, à travers Napster, du partage et du libre échange de fichiers
(peer-to-peer). Les industries du disque, comme du livre, s'aperçoivent,
mais un peu tard, qu'ils perdent la mainmise de la diffusion du contenu
numérique. Certains artistes s'intéressent à l'autodistribution: les dernières
prévisions financières des analystes du Forrester Research indiquent qu'elle
leur rapporterait 2,3 milliards de dollars et coûterait 3,1 milliards
de dollars à l'industrie du disque et 1,5 milliards de dollars à l'industrie
du livre. Les nouveaux services de distributions en ligne gagneraient
2,8 milliards de dollars.
Mais que veulent les consommateurs? Selon la même source, les fidèles
de Napster n'ont pas un comportement calqué sur celui des amateurs de
films et vidéos, ils veulent se construire leur propre collection de CD
et leur liste d'usagers.
En attendant donc le verdict, Napster compte ses
supporters car il y en a: la Digital Media Association (dont font partie
America Online et Real Networks), l'ACLU (Union américaine de défense
des libertés individuelles), la CEA (Consumer Electronics Association)
.Quelques bibliothèques et universités, et non des moindres: le MIT (Massachusetts
Institute of Technology), Stanford University, Georgia Institute of Technology,
Princeton University, the University of North Carolina, Chapel Hill préfèrent
elles aussi, la liberté d'expression.
Hank Barry, PDG de Napster a proposé, lors de cette
première audience du 2 octobre, que chaque utilisateur paie un abonnement
mensuel de 4,95 dollars. Ce forfait, estimé à 500 millions de dollars,
reviendrait aux auteurs et à leurs producteurs. La proposition est rejetée
par la RIAA .
En attendant (aucune date n'est fixée) Napster reste ouvert.
Catherine
Ficat
Clics
officiels:
[http://www.napster.com/]
Sources:
[http://www.wired.com]
[http://www.cnn.com/2000/TECH/computing/09/22/schools.napster/index.html]
[http://salon.com]
Clics internes:
"Napster : le frisson du MP3": [http://19clics.citeweb.net/Numero02/2000-01-02.htm#9]
"Va te faire napsteriser": [http://19clics.citeweb.net/Numero09/2000-06-09.htm#6]
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BILLETS
5.
Le Monde interactif: une galaxie de publi-reportage.
Le
Monde Interactif du 13 septembre dernier, dans le cadre de son "partenariat
exclusif" avec Business Week, publiait un article, non signé, intitulé
de manière fort prometteuse "Cap Gemini: une galaxie de matière grise".
Tant que le droit de citer ne nous a pas été totalement enlevé, faisons
en profiter nos lecteurs: "Grâce au Web, cette science nouvelle qu'est
la "gestion du savoir" produit, au sein de Cap Gemini Ernst &Young, première
société européenne de services informatiques et de conseil, de précieuses
pépites". Et chacun, chez Cap Gemini, de pouvoir "puiser en temps réel
dans les compétences des autres, elles-mêmes venant enrichir le fonds
déjà en réseau sur l'intranet de l'entreprise". Et, comme Galaxy, c'est
pas cher, l'article conclut sur ces "facteurs qui lui ont valu un succès
tel que Cap Gemini propose à ses clients des logiciels destinés à leur
permettre de créer leur propre version de Galaxy". J'en veux du galaxy!
Soit
l'article concourt pour Kasskooye.net, soit l'auteur vient de s'évader
de Corée du Nord. On ne veut pas passer pour des maniaques de l'indépendance,
mais, entre les accords avec Vivendi, les annonceurs, et maintenant le
publi-reportage sournoisement attribué aux américains, y a des trous dans
la charte de déontologie.
A propos de la dite déontologie, rappelons que Le Monde s'est signalé
en Août avec un article que Daniel Schneidermann, expert mondialement
reconnu de la discipline, avait piqué dans la poche de Pierre Lazuly.
Lisez Lazuly, son article est poilant.
Edgar Lulle
Source:
[http://menteur.com/chronik/000826.html]
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6.
La publicité est un art.
C'était
un hébergeur "sympa". Citeweb offrait gratuitement à ses clients un hébergement
performant, des outils professionnels et tout cela sans aucune contrepartie.
Citeweb ne mettait pas de publicité sur les sites: aucune bannière. Citeweb
n'était pas détenu par un opérateur de télécommunications. Cela ne pouvait
bien évidemment pas durer
.
Cet été, les sites hébergés sur Citeweb se sont vu ajouter une "frame"
accueillant un bandeau publicitaire. On avait déjà connu cela avec Multimania
et d'autres hébergeurs. Cependant, la manière de faire de Citeweb appelle
quelques commentaires.
1.
L'ajout d'une frame se fait par modification du code de la page hébergée,
au mépris de toutes les règles du droit de propriété intellectuelle, notamment
celle du droit moral. Au passage, cela détruit la revendication des hébergeurs
de non responsabilité par rapport aux contenus hébergés et jette une autre
lumière sur les débats autour de l'amendement Bloche. Qu'en est-il de
la nécessaire neutralité de l'hébergeur par rapport aux contenus hébergés
et, par là même, de sa responsabilité?
2.
Citeweb prend ses "abonnés" pour des imbéciles. Allez lire les argumentaires
sans doute issus de panels de recherche d'idées. "La publicité est un
art", raconte le texte, sur le ton du copinage, pour faire avaler la pilule.
3. Le modèle économique, en lui-même est débile. Tous les sites se sont
vus ajouter une bannière, même le site familial qui ne sert qu'à montrer
les dernières photos de bébé et qui cumule à trois visites par mois. Si
j'étais annonceur, je ne serais pas enthousiaste.
On aurait pu donner d'autres conseils à Citeweb: demander une contrepartie
financière à ceux qui ne voulaient pas de publicité. Associer les "gros
sites" à la rémunération publicitaire. On aurait même pu fournir des argumentaires
moins indécents et moins stupides. Mais pour cela, il aurait fallu que
Citeweb respecte vraiment les contenus qu'il hébergeait et ceux qui les
créent.
Pierre
Bastogne
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LE DOSSIER
7.
Incertitude et délices de la poésie en ligne.
A priori, les raisons pratiques pour présenter de
la poésie en ligne ne manquent pas. Les textes sont courts et supportent
bien d'être lus à l'écran ou imprimés. Les courants qui mettent l'accent
sur les dimensions sonores ou visuelles de la poésie peuvent utiliser
le multimédia. Le réseau est le lieu d'expérimentation naturel de l'écriture
électronique. D'ailleurs, en France, la réflexion sur la littérature assistée
par ordinateur a été stimulée par des poètes. Enfin, le peu d'espace que
la politique culturelle, l'édition classique et les médias lui attribuent
devraient conduire naturellement la poésie à recourir au réseau.
Il était donc tentant d'examiner ce qu'il en est de la présence de la
poésie sur le net. Je me suis limité, par paresse, à la poésie française.
Il faut faire un sort distinct à la poésie contemporaine, et à la poésie
générale (sur la définition précise que l'internet donne de la poésie
contemporaine, voir plus bas).
On peut effectuer la recherche à partir de plusieurs annuaires: Zazieweb,
ou Clicnet. Les moteurs de recherche donnent des références sur la plupart
des poètes contemporains. On retrouvera, par exemple, Pascalle Monnier
ou Jean-Marc Baillieu. Plusieurs sites institutionnels présentent des
bio-bibliographies: les Affaires étrangères, la Maison du livre et des
écrivains de Montpellier. Des internautes ont entrepris de rassembler
des répertoires, comme Labyrinthe, qui valent bien ceux des organismes
spécialisés. Certains éditeurs proposent aussi de telles notices sur leurs
auteurs. POL dispose d'un site agréable pour présenter ses turcs, jeunes
et moins jeunes (Alféri, Cadiot); en revanche, Gallimard est aux abonnés
absents. L'éditeur et lui-même poète Jean-Michel Maupoix a un site intéressant,
à la fois personnel et professionnel, qui fonctionne presque comme un
petit portail sur la poésie. La revue "Le Matricule des Anges" associé
à un libraire, assortit ces notices bio-bibliographiques de commentaires
de lecture. Un site est consacré spécifiquement à l'Oulipo.
Sur le net, les poètes contemporains
existent, mais par personnes interposées. Je n'ai pas trouvé de pages
personnelles: le site de Petchanatz n'est plus maintenu.
Un poète contemporain, c'est donc quelqu'un qui a un éditeur, est connu
des institutions, participe à des manifestations, bref, qui laisse des
traces.
Quant à la poésie elle même, les textes, les revues, les performances:
presque rien.
La revue Dock(s) fait ici exception puisqu'elle propose ses archives en
libre accès, et plusieurs textes électroniques dans un esprit d'expérimentation.
Tapin qui s'apparente au courant de la poésie cinétique et sonore (Bernard
Heidsieck) est une revue électronique créée sur le web.
C'est à peu près tout.
Ainsi, un poète contemporain sur le net, c'est un auteur dont on parle
sans pouvoir le lire.
En tant que poète contemporain, il a des droits d'auteur. Ce doit être
au nom de ces droits d'auteurs, qu'on imagine colossaux, que les éditeurs
se refusent à le diffuser sur le net.
Dans "Poésie, ménage, et cetera", Jacques Roubaud écrit:"Le constat de
l'absence de la poésie est souvent fait, n'est plus à faire. On pourrait
même dire qu'il occupe plus de place dans les journaux que la poésie elle-même".
C'est pareil sur le net, sauf que c'est le contraire. Le constat de la
présence de la poésie y occupe plus de place que la poésie elle-même.
Pour trouver des poètes avec de la poésie, il faut quitter les contemporains.
Passez par clic-net, ou par le québecois web-net, ou par le site personnel
muse.
C'est un autre monde: les sociétés littéraires, les Amis de…, les bibliophiles
devenus éditeurs numériques, les produits dérivés, le poétiquement correct.
Toujours farceur, Apollinaire a un site officiel. Rimbaud, c'est tout
une start-up.
Pourtant, s'il surmonte ses irritations, quelques délices attendent le
lecteur de poésie. Trouver tous les Amours Jaunes de Corbière. Lire sous
la forme d'un traitement de texte, les lettres de Rimbaud, négociant français
à Menelik, Négus de son état. Découvrir un article de Stevenson sur Villon,
et un autre (ancien…) de Raoul Vaneigem sur Lautréamont. Et, si l'idée
d'un top-ten des textes poétiques ne vous dégoûte pas définitivement,
imaginez qui est classé n°10 sur web-net? Papillon de Lasphrise, et pour
ce papillon là, il sera beaucoup pardonné à Web-net.
La poésie sur le net? Elle y va comme les écrevisses
officielles d'Apollinaire: à reculons, à reculons.
Edgar
Lulle
Clics officiels:
[http
//zazieweb.com]
[http://www.swarthmore.edu/Humanities/clicnet/litterature/sujets/poesie_contemporaine.html],
une entrée assez complète.
[http://www.france.diplomatie.fr/culture/france/biblio/folio/poesie/index.htmll],
le who's who institutionnel.
[http://www.mle.asso.fr/poete.htm],
version numérique d'un répertoire papier de 120 noms par la maison
du livre de montpellier.
[http://www.pol-editeur.fr/],
site chic.
[http://perso.cybercable.fr/naintern/labyrinthe],
pas seulement un répertoire, mais le début de deux annuaires (écrivains
vivants; "classiques du XXème siècle).
[http://perso.club-internet.fr/pretexte/],
autre répertoire.
[http://www.maulpoix.fr.fm/],
pour le contenu, les liens, les pages hébergées.
[http://www.lmda.net/revue.html],
le Matricule des Anges, associé avec LeLibraire.com: des critiques, mais
pas les textes de la revue.
[http://eclia5.ec-lille.fr/~book/oulipo/],
comme son nom l'indique.
[http://www.sitec.fr/users/akenatondocks],
la revue Dock(s) est associée à l'Electronic poetry center. [http://epc.buffalo.edu/]
[http://tapin.multimania.com/],
poésie cinétique et sonore.
[http://www.telerama.fr],
quelques enregistrements.
[http://perso.wanadoo.fr/pmo/]
le site non maintenu de Christophe Petchanatz, comprend aussi des textes
anciens, intéressants ou curieux.
[http://www.poesie.webnet.fr/],
grosse anthologie de poésie classique.
[http://ambafrance.org/FLORILEGE],
petite anthologie de poésie classique par nos agents à Ottawa.
[http://muse.base.free.fr/],
une entrée assez complète pour la poésie classique.
[http://www.franceweb.fr/poesie],
le site du club des poètes, un certain genre, mais une entrée facile sur
les grands (Villon, Lautréamont, etc).
|
ON A LU
8. Philippe Lemoine: "Cahier Laser n°3".
Vous trouverez sur les piles des libraires, et vous
éviterez difficilement dans les médias dominants trois produits de rentrée
du litteratron sur l'internet: dans l'ordre alphabétique, Messieurs Messier,
Minc, et Wolton. Nous les avons lus, hélas.
En revanche, deux publications intéressantes: Jeremy Rifkin, "L'âge de
l'accès", et le Cahier Laser n°3, publié par Philippe Lemoine.
Félicitons d'abord les éditeurs. Le livre de Rifkin a été publié en 2000
chez Putnam; les Editions de la Découverte en proposent la traduction
française dans l'année: bravo. Quant à la publication de Philippe Lemoine,
elle permet de disposer de plusieurs textes de référence du débat sur
la nouvelle économie.
Lemoine est une figure à part chez les capitalistes français qui s'intéressent
à l'internet. D'une part, il sait de quoi il parle. L'actuel co-président
des Galeries Lafayette a été chercheur à l'I.N.R.I.A dans les années 70,
un des "nègres" du rapport Nora-Minc, conseiller des ministres de l'époque.
Il fait du commerce électronique depuis quinze ans et a créé l'Echangeur,
centré sur le commerce électronique, la seule initiative intéressante,
à part l'Atelier de la Compagnie Bancaire, d'un entrepreneur français
pour faire comprendre l'internet. Mais Lemoine se singularise aussi par
un vrai travail théorique sur la nouvelle économie; au lieu de singer
le style prophétique à la Bill Gates, il prend le temps de présenter ses
idées à la critique.
Dans le Cahier Laser n°3, "la nouvelle économie et ses paradoxes", Lemoine
publie notamment Kevin Kelly, l'éditorialiste de Wired, Allan Greenspan,
Président de la FED, Edward Yardeni, économiste en chef de la Deutsche
Bank. Les textes traduits ici présentent les notions clés du débat des
économistes libéraux sur la nouvelle économie: le paradoxe de Solow, le
paradoxe du chômage bas sans inflation (the famous NAIRU). En gros, il
s'agit surtout de comprendre une chose: la réalité du lien entre le développement
de la nouvelle économie et la bonne santé de l'économie américaine en
général; en quoi la deuxième dépend de la première.
La contribution propre de Lemoine tourne d'abord autour du déplacement
des technologies de l'information vers l'échange.
Lemoine revient sur la distinction banale entre "vieille" et "nouvelle"
économie, celle qui serait extérieure aux technologies de l'information,
et celle qui se structurerait autour des réseaux numériques. Il préfère
opposer deux étapes, caractérisées par un déplacement des technologies
de l'information, de l'amont vers l'aval, des industries et bureaux vers
l'échange.
La première étape - qui a fait les beaux jours de Microsoft par exemple-
se caractérise par une confiscation de la productivité au détriment des
clients. Au lieu d'élargir les marchés, en baissant les prix, ou en proposant
de nouveaux produits, on gonfle le profit des entreprises qui gèrent finalement
une rente de situation au détriment du développement économique général.
C'est précisément ce qu'illustrait le paradoxe de Solow: on voit des ordinateurs
partout sauf dans les statistiques de l'économie.
Dans la seconde étape, les technologies de l'information s'appliquent
à l'échange: c'est le commerce électronique. Des sociétés, pour gagner
des parts de marché, se mettent à utiliser les méthodes caractéristiques
du commerce électronique: les "nouvelles démarches-client", la rotation
accélérée des stocks. Ces méthodes sont clairement des produits des technologies
de l'information; elles sont impensables sans l'informatique et le réseau.
Lemoine prend l'exemple du leader mondial de la distribution, Wall-Mart.
Ce modèle combine à la fois plus d'emplois (plus de services au client),
des prix plus bas, et un bon chiffre d'affaires obtenu par une rotation
plus rapide des stocks. Mieux connaître la demande, quantitativement (le
"juste-à-temps"), et qualitativement (la "personnalisation" de l'échange)
permet de redistribuer la productivité et d'élargir le marché.
Sur cette base, une nouvelle économie peut se développer, pour autant
que les banques ne limitent pas la circulation monétaire, par exemple
en empêchant la généralisation d'une monnaie électronique, et pour autant
que les états organisent la protection des consommateurs et de la vie
privée.
Un autre aspect des analyses de Lemoine est un très
fort scepticisme à l'égard des théories de la "société de l'information".
Lemoine est, à juste titre, très critique à l'égard de la Commission Européenne.
D'ailleurs le départ, poliment controversé, de l'ex-commissaire de la
DG XIII, Bangemann, surnommé Bismarck on line, chez son camarade de Telefonica,
éclaire d'un jour un peu particulier les orientations de Bruxelles. Lemoine
qualifie la société de l'information d'anticipation technocratique et
montre une grande méfiance sur la confusion entre l'extension du réseau
et le développement d'une culture numérique. Il dénonce une rhétorique
qui permet "de légitimer la richesse en se référant aux mots et aux valeurs
de la société mandarinale. Il n'est pourtant pas certain du tout que l'informatisation
de la communication et que le commerce électronique se traduisent par
un rôle tellement plus éminent de la connaissance et du savoir dans le
fonctionnement de la société".
Bref, Lemoine, c'est un peu l'anti-Messier. Messier,
qui fait semblant de faire de la "nouvelle économie" la justifie rhétoriquement
par l'utopie de la société de l'information, le "fun" et les dictionnaires
électroniques. Lemoine, qui en fait réellement, et qui édita, dans les
années 70, un ouvrage sur les "Enjeux culturels de l'informatisation",
reste prudent, justement sur cette légitimation culturelle que veut symboliser
la notion de "société de l'information".
Cette attitude est au fond celle d'un libéralisme assez classique.
En insistant, d'ailleurs, sur la distinction entre l'individualisation
(le ciblage par des technologies centrales et des monopoles), et la personnalisation
(liberté de choix par une technologie aux mains des personnes), il rejoint
les préoccupations des partisans d'un internet démocratique.
On souhaiterait pourtant que Lemoine ait une évaluation plus critique
de l'innovation technologique, dont on voit bien qu'elle doit assez peu,
pour l'internet, aux capitalismes, qu'ils soient industriel ou commercial,
libéral ou public. Or l'invention de nouveaux liens sociaux sur l'internet,
y compris les nouvelles formes d'échange, passe par cette expérimentation
technologique.
La technologie s'est échappée: c'est bien ce que signifie l'option pour
une "technologie aux mains des personnes". Peut on vraiment penser, alors,
la nouvelle économie, sans rendre compte de cette autonomie de la technologie
par rapport à l'économie?
Francis Linart
Clic officiel:
Cahier Laser n°3, "La nouvelle économie et ses paradoxes".
Peut être commandé, ou téléchargé gratuitement chez :
[http://www.00h00.com]
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9. Jeremy Rifkin "L'âge de l'accès".
C'est le genre de livre entièrement écrit à l'indicatif présent,
où les prévisions à cinquante ans viennent confirmer les hypothèses sur
les six prochains mois.
Le style combine l'exaltation du gourou et le pronostic du consultant.
Malgré cela, le livre de Rifkin est intéressant parce qu'il représente
la première tentative de systématiser certaines hypothèses radicales sur
le contenu de la nouvelle économie.
Le livre tourne autour de deux notions: "l'accès", et "l'économie de
l'expérience". Comme Lemoine, Rifkin part des modifications que les technologies
de l'information apportent à l'échange économique. Pour Rifkin, l'accès,
c'est la nouvelle forme que prend l'échange.
Les vendeurs et les acheteurs sont remplacés par des pourvoyeurs et des
usagers. Le marché cède la place au réseau.
La propriété disparaît derrière la maîtrise de ce réseau. Prenons un exemple.
Au lieu d'acheter une voiture d'un certain modèle, l'automobiliste accède
à un ensemble de services modulés: tantôt une voiture de ville, tantôt
une pour la route, ou un pick-up pour ses travaux; non pas une place de
parking, mais un droit à de l'espace parking quand il lui faut; des assurances
et de l'essence selon son profil de consommation; puis des services d'hôtellerie,
de tourisme, à partir du guidage GSM. C'est le règne du sur-mesure et
du juste-à-temps, qui évite les gros stocks dans les entreprises, et les
immobilisations dépensières pour le consommateur.
On sait qu'il s'agit là des stratégies théoriques de ceux qui veulent
contrôler l'économie des réseaux numériques en en contrôlant l'accès.
La forme la plus rudimentaire de cette nouvelle économie de l'accès, c'est
le téléphone portable ou l'ordinateur "donnés " en accompagnement d'un
abonnement à un réseau télécom ou internet.
Rifkin radicalise la tendance en pronostiquant le passage d'un régime
de propriété à un système qui "repose sur l'usage à court terme des ressources
contrôlées par des réseaux de prestataires".
Le deuxième volet de son livre porte sur l'économie de l'expérience.
"A l'âge de l'accès, chacun achète l'accès à sa propre expérience vécue".
Avec les réseaux numériques, les industries culturelles occupent une place
dominante dans l'économie et la vie quotidienne des personnes. On ne cherche
plus à consommer des biens, mais à participer à des formes données d'expérience
individuelle et sociale. C'est le règne de l'imaginaire dans l'économie,
un imaginaire contrôlé par ceux qui maîtrisent les réseaux, un peu sur
le modèle actuel des "communautés" du commerce électronique.
Rifkin émet des critiques sur ces deux processus. C'est, en résumé, la
critique du contrôle des individus par les maîtres des réseaux. Par bien
des côtés, ses thèses s'apparentent à une version édulcorée du situationnisme,
qui est en passe de devenir l'idéologie officielle de la nouvelle économie.
Dans le premier numéro de 19clics (décembre 99), nous faisions référence
précisément aux tendances que Rifkin résume derrière la notion d'accès,
et nous les avions confrontées au mouvement qui se manifestait à Seattle.
Le livre de Rifkin suscitera nécessairement des réserves sur son analyse,
l'état d'avancement du phénomène, etc.
Mais la faiblesse de toutes les théories qui reviennent à extrapoler une
tendance donnée de l'économie - même si elle est correctement décrite-
est d'abord d'ordre stratégique.
L'identification des forces en présence, l'analyse de leurs poids et de
leurs stratégies sont une condition indispensable, non seulement pour
préciser le rythme de développement de la nouvelle économie, mais aussi
pour en définir le ou les contenus alternatifs.
Sans cette analyse, les théories critiques de la nouvelle économie, auxquelles
se rattache le livre de Rifkin, risquent bien de se réduire au constat
que la politique "marché total" des Etats-Unis, qui a culminé avec les
monétaristes et les libertariens, est bel et bien en train de se refermer,
pour la bonne raison qu'elle disjoncte avec la nouvelle économie.
Ce n'est déjà pas une si mauvaise nouvelle.
Edgar Lulle
Jeremy Rifkin,
"L'âge de l'accès. La révolution de la nouvelle économie" Editions La
Découverte. 149FF.
SUIVI
10.
Fathom
Dans 19clics n°8 du 2 mai 2000, nous vous annoncions
la création de Fathom, la net-bibliothèque regroupant six organismes américains
et britanniques.
Depuis le mois d'août, quatre autres célèbres institutions ont rejoint
Fathom: l'Université de Chicago, l'Americain Film Institute, la RAND Corporation
(principal cabinet de consultants stratégiques aux Etats-Unis) et le Woods
Hole Oceanographic Institution.
Clic officiel:
[http://www.fahtom.com]
clic interne:
[http://19clics.citeweb.net/Numero08/2000-05-08.htm#5]
11. Stainboy
Le héros de Tim Burton qui tache tout sur son passage, poursuit
lentement son petit bonhomme de chemin.
Attendu depuis 19clics n°4, le 3 mars, les deux premiers épisodes d'une
série de six sont enfin visibles. Il s'agit de "Staring girl".et de "Toxicboy".
Clic
officiel:
[http://www.shockwave.com]
clic
interne:
[http://19clics.citeweb.net/Numero04/2000-03-04.htm#14]
ON AURAIT PU...
12. 00h00
Le 15 septembre, les éditions 00h00
ont annoncé leur rachat par la société américaine Gemstar TV Guide International
Inc.
Après l'acquisition des premiers fabricants d'e-book, NuvoMédia Inc (qui
commercialise le rocket e-book) et Softbook Inc (qui commercialise le
softbook) Gemstar étend ainsi son développement à l'édition numérique
francophone.
00h00 représente plus de 600 titres, inédits ou rééditions électroniques
d'ouvrages des catalogues des principaux éditeurs français et portugais
et des partenariats sur le web ainsi qu'avec les grandes librairies en
ligne.
Par ailleurs, la marque américaine RCA, filiale de Thomson Multimédia,
a présenté ses derniers terminaux de lecture de livre numérique: le REB
1 100 et le REB 1 200. Ils sont produits et commercialisés sous licence
de Gemstar.
Rose
Hermitage
Clic
officiel:
[http://www.00h00.com/]
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