N°11
édition du 17 octobre 2000
bi-mensuel de l'internet
culturel et politique
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 Sommaire 

 

EDITORIAL

1. L'automne du désenchantement.

 

ENJEUX

2.Les négationnistes sur le net : au delà de l'affaire Yahoo.

3. Et si l'UMTS était une arnaque?

4.Napster


BILLETS

5. Le Monde inrteractif : une galaxie de
publi-reportage

6. La publicité est un art.




LE DOSSIER

7. Incertitude et délices de la poésie en ligne. 


ON A LU

8. Philippe Lemoine: "Cahier Laser n°3".

9. Jeremy Rifkin "L'âge de l'accès".


SUIVI 

10. Fathom.

11. Stainboy.


ON AURAIT PU...
 

12. 00h00 

 

 


 
EDITORIAL 

1. L'automne du désenchantement.

Rien ne va plus vraiment au pays des start-up et des jeunes pousses.
Il y a un an, nous connaissions les flonflons de la nouvelle économie. Cela semble bien fini. Qu'on en juge. En France, le groupe Arnault semble pris de doute alors que la cote de sa marque de fournisseur d'accès "Libertysurf" ne cesse de baisser. En Europe, c'est le gentil portail suédois "Spray" qui est racheté par le géant Lycos. On murmure que les dirigeants ne voyaient pas comment atteindre rapidement le seuil de rentabilité. Aux États-Unis, MTV interactive repousse sine die son introduction en bourse et se déleste d'une bonne centaine d'employés alors que le portail de divertissement "Pop", sur lequel Spielberg et quelques autres avaient misé, ne verra sans doute pas le jour. Une des premières télévisions sur l'internet "Pseudo" arrête les frais et les entreprises qui tenaient la tête d'affiche ne cessent de débaucher. L'époque sonne aussi la fin des petits prodiges et le retour de managers seniors. Ainsi, par exemple, Philippe Jaffré, ancien PDG d'Elf Aquitaine rejoint Zebank.

Au delà des investissements trop rapides sur des projets sans grand bon sens, au delà des effets de mode et des modèles économiques copiés qui nous ont été servis toute l'année écoulée, quels débuts d'explication peut-on donner à ce désenchantement?

D'abord la réalité de l'internet lui-même: une technologie imparfaite. On l'a dit et redit, cela reste encore trop compliqué. Les ordinateurs plantent, les programmes bloquent, les systèmes d'exploitation s'encrassent et ralentissent. L'internet garde un aspect de bricolage et d'outil expérimental non achevé.

Ensuite, des débits encore trop faibles. En effet, les hauts débits se font attendre. Les opérateurs payent des milliards pour acheter des fréquences mais en attendant, on rame toujours autant. On nous présente le Wap comme une révolution avant de dénoncer la supercherie et d'en annoncer la mort. La plupart des utilisateurs restent sur les vicinales de l'information.

De plus, les usages de l'internet restent indéfinis. L'internet marchand s'est fait à coups d'injonctions plus que de propositions: vous devez acheter à distance, vous devez acheter aux enchères, vous devez former des communautés. Mais ce qui marche, en réalité, c'est surtout le courrier électronique, qui est, lui, en passe de devenir universel et qui permet à peu de frais, en fichier attaché, d'échanger les photos de ses vacances.

Est-ce l'internet qui est en cause ou ce que l'on essaye d'en faire? Ce qui est intéressant dans l'internet, c'est avant tout le réseau, la possibilité d'avoir des échanges et des activités en réseau. Le protocole IP n'a jamais été fait pour acheter des billets d'avion en ligne. On essaye de faire de l'internet un Minitel en couleur. Alors, et c'est normal, cela n'a pas grand intérêt.

Autre point, il faut replacer l'internet dans l'ensemble des technologies et des applications numériques. Pourquoi ferait-on sur l'internet ce que l'on peut faire sur une télévision interactive? Pourquoi écouter de la musique sur un mauvais PC alors que l'on peut le faire sur un baladeur MP3? C'est dans ce paysage là que l'internet trouve sa place? Il ne sert à rien de le penser et de l'imaginer indépendamment de cet univers. Bref tout est encore à inventer.
Pierre Bastogne

 
 
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ENJEUX

2. Les négationnistes sur le net : au delà de l'affaire Yahoo.

L'affaire Yahoo, et la campagne de boycott lancée par le Nouvel Observateur, ont relancé la question de la présence des néo-nazis et des négationnistes sur le net. C'est un sujet- comme le montre le forum du Nouvel Observateur- qui irrite beaucoup d'internautes: le topos des "contenus illicites" et l'appel à la répression ou à la régulation trouvent ici une justification politiquement correcte qui camoufle mal une volonté d'officialiser, ou d'institutionnaliser le net, au seul profit des puissances dominantes en matière d'expression.Dans un article récent sur Minirézo, Mona Chollet dénonce ainsi la fixation "Internet = nazis".
Mais cela n'empêche pas de se demander ce qu'il en est réellement de la présence et de la stratégie des négationnistes sur le net. Après nos premières analyses de l'affaire Yahoo, nous avons essayé de réunir un dossier sur cette question. Les informations que nous avons rassemblées, sur le web ou ailleurs, sont accessibles à tous et facilement vérifiables.

PARCOURS AU SEIN DU NEGATIONNISME BRANCHE

Une première constatation d'évidence: il faut trois minutes à quelqu'un qui connaît le sujet, et une dizaine de minutes à un internaute moyennement informé, pour dénicher et consulter les sites ouvertement racistes, néo-nazis ou négationnistes. Les hébergeurs français effectuent une certaine surveillance, bien que aaargh, le principal site français, probablement géré par Serge Thion, dispose,sur Voilà, d'une page renvoi. Mais les moteurs de recherche, dans toutes les langues permettent d'identifier les principaux sites, notamment ceux d'entre eux qui fonctionnent comme des portails. C'est ainsi qu'Alta Vista signale en neuvième réponse Codooh, une des principales entrées américaines sur le négationnisme international.
Deuxième constatation: ils y sont tous. Les propagateurs les plus connus disposent tous de sites copieux: Faurisson, Fisher, Zundel, Walendy ou Butz. Les organisations négationnistes sont, elles aussi, bien représentées, comme l'Institute for Historical Review, aux États-Unis, ou le VHO allemand. Certains ont saisi l'occasion de créer de nouveaux médias négationnistes ou fascistes, comme Codoh, ou Radio-Islam, avec son site abbc.
Les négationnistes savent parfaitement tirer parti du net, non seulement pour compenser leurs difficultés sur les médias classiques, mais pour adopter une politique de communication assez achevée.
Toute la propagande de base est numérisée et mise en ligne. Les archives sont complétées par des agendas des principales rencontres et des chroniques comme celle de Thion, ou le bulletin quotidien Z-grams, publié par la webmestre de Zündel. Il n'était pas difficile de repérer sur certains forums commerciaux et sur le site même de l'Union des Etudiants Juifs de France, à propos de Yahoo, des interventions typiques des manipulations d'extrême droite. Aaarg donne d'ailleurs des conseils pour infiltrer les listes, en particulier H-Holocaust de l'Université du Michigan.
Les États-Unis font table d'hôte pour les négationnistes. Le Net confirme parfaitement ce que Pierre Vidal Naquet écrivait en 1985: "A examiner un ensemble de ces documents dans les rayons d'une bibliothèque, à constater la multiplicité des traductions d'un seul et même texte, à lire ces multiples références savantes à des journaux ou à des livres obscurs, on a le sentiment d'une seule et vaste entreprise internationale.
Conclusion excessive, peut être, encore qu'il existe indiscutablement, en Californie, le centre d'une Internationale révisionniste qui accueille et redistribue toute cette littérature. Il n'y a rien là de surprenant; c'est simplement une conséquence de la planétarisation de l'information et de la position dominante qu'occupent les Etats-Unis dans le marché mondial."
Avec l'internet, la Californie et les États-Unis sont plus que jamais le centre de l'Internationale révisionniste. Le net a permis à l'Institute for Historical Review, auquel Vidal Naquet fait allusion, de rebondir. Il facilite l'ouverture de portails comme Codoh, "Committee for open debate on the holocaust" dont l'animateur californien, Bradley Smith, harcèle les universités américaines autour d'un programme "universités et révisionnisme".
Gérald Pancaer, de l'Université de Lyon 1, donne, dans "L'internationale négationniste sur le net", une série d'indications sur le contexte très favorable dont le négationnisme bénéficie aux États-Unis, en particulier sur les soutiens des Universités ou serveurs universitaires. Car l'Internet n'est pas seulement l'occasion pour les négationnistes de poursuivre leur activité par d'autres moyens plus modernes. C'est aussi, pour eux, la possibilité de réajuster leur stratégie.

STRATEGIE DES NEGATIONNISTES SUR LE NET
En résumé, ces réajustements peuvent être présentés de la manière suivante: les négationnistes ne se contentent pas d'utiliser les ressources du net comme instrument médiatique; ils se sont trouvé de nouvelles alliances, et une forme de légitimation, au sein du monde américain de l'internet.
Un premier exemple de ces nouvelles alliances est le pacte entre le négationnisme et le courant du "skepticism". Ce scepticisme a peu à voir avec Pyrrhon et ses adeptes. Le sceptique américain se voudrait un dénonciateur du mensonge officiel.
C'est souvent un paranoïaque convaincu de vivre dans un monde où toutes les informations sont des constructions et des manipulations fomentées par l'état. Les sujets favoris du skepticism sont les OVNIS, le triangle des Bermudes, l'origine cachée des maladies et des crashs aériens. Il y a des sceptiques X-files et des sceptiques ultra-matérialistes, des sceptiques créationnistes et des darwiniens. Ce courant, presque exclusivement américain sous cette forme extrême, est très répandu sur le web, où il s'exprime à travers d'innombrables pages personnelles, dont beaucoup sont franchement allumées. Il fait bon ménage avec le négationnisme qu'il traite comme une sorte de département spécialisé: c'est Faurisson chez Lucullus.
Mais la principale alliance est celle que le négationnisme a scellée avec le courant libertarien sur le net. D'une certaine manière, les négationnistes tentent de refaire ici, en plus grand, ce qu'ils ont déjà obtenu avec Chomsky: un soutien non pas sur le fond mais sur leur droit à s'exprimer. La différence tient à ce que, dans la première période, les négationnistes se contentaient de prétendre "défendre leurs droits"; ici, ils tentent de se mettre au premier rang des défenseurs des libertés sur l'internet. Ils font campagne pour le respect du premier amendement américain, ou l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Fréquemment leurs sites arborent le ruban bleu de la liberté d'expression sur le net. Un site outrancièrement raciste, s'intitule FAEM (Machine à exercer le premier amendement). Codoh donne dans une longue rubrique les adresses des sites de "libre expression". Bradley Smith se présente d'ailleurs lui même comme un libertarien, et débat longuement avec un comparse sur "libertarisme et révisionnisme".
Du côté des français, le ton était donné, dès 1996, avec l'article du "temps irréparable", "le gouvernement français instaure la censure sur l'internet". Il s'agissait alors de critiquer la loi Fillon. Mais aujourd'hui, aaargh fait campagne contre l'amendement Bloche.

ALLIANCES CONTRE NATURE?
Peut-on pour autant dire, comme Gerald Pancaer, que le "web illustre également les alliances "contre-nature" et les passerelles entre ultras "rouges" et "bruns"?
C'est aller un peu vite en besogne, pour au moins trois raisons.

1/ Pour l'essentiel, ce n'est pas aux libertaires, mais aux "libertariens" que les négationnistes tendent la main. S'il y a des libertariens de gauche, "progressistes", le libertarisme est plutôt un courant de la nouvelle droite, qui s'est signalé par son engagement derrière la présidence Reagan.

2/ A la différence des alliances précédentes, celle ci ne porte pas sur le fond, mais sur la liberté d'expression. On ne peut pas confondre, sans amalgame, l'opposition à toute législation limitant l'expression publique - comme la loi Gayssot- et le ralliement explicite aux thèses des "Eichmann de papier".

3/ On ne trouve aucun élément sérieux permettant de prouver que certains courants libertaires sur le net répondraient favorablement aux appels du pied des négationnistes. Il faut dire que ces appels sont grossiers: Bradley Smith mêle sa propre image à celle de Georges Orwell. Aaargh publie l'intégrale des communiqués de Myriam Marzouki, animatrice de l'Iris (Internet solidaire). Mais c'est à sens unique. Les sites libertaires américains, par exemple, ne renvoient pas sur les sites négationnistes de campagne contre la censure.

Si on veut parler d'alliances contre nature, il faut rendre compte d'un phénomène plus large: comment le négationnisme qui méprisait si ouvertement la démocratie s'est-il reconverti en avocat des droits de l'homme et des libertés publiques, et avec quels succès?

SUCCES DES NEGATIONNISTES
En effet, grâce à leur présence sur le net, les négationnistes ont engrangé quelques succès incontestables. Le principal, c'est qu'ayant réussi à s'approprier le thème de la liberté d'expression sur le net, ils ont ainsi reconquis le terrain perdu avec les formes classiques de communication.
Cette situation crée un trouble évident dans le monde de l'internet. De nombreuses universités américaines ont accepté d'héberger les sites révisionnistes. Dans certains cas, elles adoptent la posture de l'hébergeur irresponsable, simple prestataire technique. C'est le cas du serveur de la North Western University, qui héberge Butz. Mais, dans bien des cas, les sites universitaires américains vont plus loin, jusqu'à reconnaître la qualité scientifique des négationnistes (textes de Thion sur le Cambodge hébergés par les universités de Berkeley et Princeton) ou l'origine "universitaire" de la communication (le Student Revisionnist Ressource Site hébergé par l'université de l'Etat de Washington). Certaines universités ont organisé des débats avec Bradley Smith du Codoh (Maryland et Chicago).
Des organismes non suspects de compromission avec le négationnisme concourent pourtant à sa banalisation. C'est ainsi que l'annuaire demoz.org les regroupe avec les autres formes de scepticisme: c'est exactement la dénomination reprise chez Zundel ("holocaust scepticism"). Le comble, c'est que demoz.org présente aussi sous cette rubrique les interventions des adversaires du négationnisme.
Contrairement au rideau de fumée qu'elle a rapidement suscité, l'affaire Yahoo n'est pas d'abord une illustration de la responsabilité - ou non- des prestataires techniques dont on nous rabat les oreilles. Elle rappelle qu'aux États-Unis, un courant important n'hésite pas à se compromettre avec les négationnistes, ou les néo-nazis. Ce courant ne pose pas seulement que la constitution américaine autoriserait l'expression des négationnistes. Il les aide, les héberge, les encourage à s'exprimer, organise le débat avec eux, leur assure une reconnaissance officielle, en tire un profit commercial.
Cette situation est purement et simplement le résultat de la stratégie d'alliance libertarisme-négationnisme.


Dans un prochain article, nous comparerons les conceptions européennes et américaines de la liberté d'expression sur le net, et les différentes propositions pour contrer le négationnisme.
Francis Linart

Clics officiels:
[http://www.codoh.com] un portail négationniste et libertarien, qui coopère avec les allemands de vho.
[http://www.abbc.com] radio-islam, raciste, adopté par les négationnistes français dont aaarg.

Sources:
[http://www.amnistia.net] pour trouver le texte de Gerald Pancaer, "L'internationale négationniste sur le net", initialement publié aux Editions Syllepse.
[http://www.minirezo.net/article49.html] pour trouver l'article de Mona Chollet "Internet=nazis, genèse d'un abcès de fixation", 06/08/0
0.

A lire :
Pierre Vidal-Naquet "Les assassins de la mémoire", La Découverte, 1991, notamment "Thèses sur le révisionnisme" de 1985, sur les Etats-Unis.

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3. Et si l'UMTS était une arnaque?

Cela aura été en Europe le feuilleton high tech du deuxième semestre: l'attribution des fréquences UMTS et les sommes importantes, voire gigantesques, qui auront été dépensées pour leur acquisition.
Les enchères à peine fermées, les appels d'offre à peine clos, les plaintes et les conflits, les doutes aussi, affluent.
Ainsi, en Allemagne, les opérateurs contestent la façon dont les enchères se sont déroulées, la présence de Deutsche Télécom et menacent d'une plainte.
Toujours en Allemagne, l'opérateur Mobilcom, dont France Télécom détient 28,5%, annonce des pertes jusqu'en 2007. Il a payé 8,4 milliards d'Euro une des licences allemande. Dommage pour les actionnaires, Mobilcom avait réalisé 170 millions de marks de bénéfice l'an passé.
En Espagne, les quatre détenteurs d'une licence UMTS, crient au scandale devant le projet d'impôt supplémentaire du gouvernement espagnol et, là aussi, menacent conjointement de porter plainte.
Enfin, un expert finlandais crie à la supercherie et annonce que l'UMTS, ça ne marchera jamais...
Pendant ce temps là, les réseaux filaires se déploient, notamment par l'action des collectivités territoriales, les services interactifs s'inventent et le GPRS, GSM à meilleur débit, arrive bientôt.
Il n'est pas certain que des réseaux mobiles à haut débit trouvent facilement leurs usages et leur économie.
Pierre Bastogne

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4. Napster.

Le procès contre Napster a commencé le 2 octobre à San Francisco, en attendant le verdict définitif, il n'est pas inutile de faire un petit résumé des épisodes précédents.

Début 1999: la Recording Industry Association of America (RIAA) a intenté - et perdu - un procès contre la compagnie Diamond, fabricant et distributeur du baladeurs MP3 "Rio".
Le procès est perdu car les tribunaux américains ont estimé que les baladeurs MP3 facilitent l'utilisation d'enregistrement présent dans l'ordinateur de l'utilisateur et donc servent essentiellement pour une utilisation personnelle et non commerciale.

Juillet 2000: plainte de la RIAA contre Napster (voir 19clics n°9) pour infraction aux droits d'auteurs et piratage à grande échelle de la musique sur l'internet.
Napster, qui devait fermer son site le 28 juillet à minuit, obtient finalement un sursis à exécution et l'autorisation de continuer jusqu'à son passage en appel - prévu en septembre et repoussé au 2 octobre.
La RIAA publie sur son site, dans un rapport de 32 pages, une requête contre la décision de la cour tandis que Napster développe un argumentaire en six points et appelle au "buy-cot" (incitation à acheter les disques des artistes qui le soutiennent).

Août 2000: l'industrie du cinéma, en l'occurrence huit grands studios d'Hollywood, porte plainte contre des hackers qui ont publié sur l'internet le code du programme permettant de copier les DVD. Hollywood gagne.

10 septembre 2000: le gouvernement américain (le ministère de la Justice, le bureau des droits d'auteurs et le bureau des brevets et marques de commerce) et une vingtaine d'organisation (dont la Motion Picture Association of America) grossissent les rangs des plaignants contre Napster.
Dans le même temps, MP3.com, société de diffusion de musique en ligne, bénéficiant pourtant d'accords avec certaines maisons de disque comme Sony, Time Warner ou EMI, perd contre Universal et risque de payer 25 000 dollars par titre de disque diffusé sur le web.

L'équipe juridique de Napster - le cabinet d'avocats Bois, Shiller et Flexner connu aux États-Unis pour avoir géré une partie du dossier Microsoft au nom du gouvernement - met en avant les cas Diamond et Sony: autorisation de copie d'œuvres protégées par les lois du copyright, à titre privé. Elle rappelle que, comme avec le magnétoscope, le logiciel Napster permet la diffusion aussi bien des œuvres non protégées par le droit d'auteur et celle des œuvres protégées dont le titulaire autorise la communication que celle des œuvres protégées dont le titulaire ne permet pas la communication.

L'objectif des plaignants est bel et bien la mise à mort, à travers Napster, du partage et du libre échange de fichiers (peer-to-peer). Les industries du disque, comme du livre, s'aperçoivent, mais un peu tard, qu'ils perdent la mainmise de la diffusion du contenu numérique. Certains artistes s'intéressent à l'autodistribution: les dernières prévisions financières des analystes du Forrester Research indiquent qu'elle leur rapporterait 2,3 milliards de dollars et coûterait 3,1 milliards de dollars à l'industrie du disque et 1,5 milliards de dollars à l'industrie du livre. Les nouveaux services de distributions en ligne gagneraient 2,8 milliards de dollars.
Mais que veulent les consommateurs? Selon la même source, les fidèles de Napster n'ont pas un comportement calqué sur celui des amateurs de films et vidéos, ils veulent se construire leur propre collection de CD et leur liste d'usagers.

En attendant donc le verdict, Napster compte ses supporters car il y en a: la Digital Media Association (dont font partie America Online et Real Networks), l'ACLU (Union américaine de défense des libertés individuelles), la CEA (Consumer Electronics Association) .Quelques bibliothèques et universités, et non des moindres: le MIT (Massachusetts Institute of Technology), Stanford University, Georgia Institute of Technology, Princeton University, the University of North Carolina, Chapel Hill préfèrent elles aussi, la liberté d'expression.

Hank Barry, PDG de Napster a proposé, lors de cette première audience du 2 octobre, que chaque utilisateur paie un abonnement mensuel de 4,95 dollars. Ce forfait, estimé à 500 millions de dollars, reviendrait aux auteurs et à leurs producteurs. La proposition est rejetée par la RIAA .
En attendant (aucune date n'est fixée) Napster reste ouvert.
Catherine Ficat

Clics officiels:
[http://www.napster.com/]

Sources:
[http://www.wired.com]
[http://www.cnn.com/2000/TECH/computing/09/22/schools.napster/index.html]
[http://salon.com]

Clics internes:
"Napster : le frisson du MP3": [http://19clics.citeweb.net/Numero02/2000-01-02.htm#9]
"Va te faire napsteriser": [http://19clics.citeweb.net/Numero09/2000-06-09.htm#6]

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BILLETS

5. Le Monde interactif: une galaxie de publi-reportage.

Le Monde Interactif du 13 septembre dernier, dans le cadre de son "partenariat exclusif" avec Business Week, publiait un article, non signé, intitulé de manière fort prometteuse "Cap Gemini: une galaxie de matière grise". Tant que le droit de citer ne nous a pas été totalement enlevé, faisons en profiter nos lecteurs: "Grâce au Web, cette science nouvelle qu'est la "gestion du savoir" produit, au sein de Cap Gemini Ernst &Young, première société européenne de services informatiques et de conseil, de précieuses pépites". Et chacun, chez Cap Gemini, de pouvoir "puiser en temps réel dans les compétences des autres, elles-mêmes venant enrichir le fonds déjà en réseau sur l'intranet de l'entreprise". Et, comme Galaxy, c'est pas cher, l'article conclut sur ces "facteurs qui lui ont valu un succès tel que Cap Gemini propose à ses clients des logiciels destinés à leur permettre de créer leur propre version de Galaxy". J'en veux du galaxy!

Soit l'article concourt pour Kasskooye.net, soit l'auteur vient de s'évader de Corée du Nord. On ne veut pas passer pour des maniaques de l'indépendance, mais, entre les accords avec Vivendi, les annonceurs, et maintenant le publi-reportage sournoisement attribué aux américains, y a des trous dans la charte de déontologie.

A propos de la dite déontologie, rappelons que Le Monde s'est signalé en Août avec un article que Daniel Schneidermann, expert mondialement reconnu de la discipline, avait piqué dans la poche de Pierre Lazuly.
Lisez Lazuly, son article est poilant.
Edgar Lulle

Source:
[http://menteur.com/chronik/000826.html]

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6. La publicité est un art.

C'était un hébergeur "sympa". Citeweb offrait gratuitement à ses clients un hébergement performant, des outils professionnels et tout cela sans aucune contrepartie. Citeweb ne mettait pas de publicité sur les sites: aucune bannière. Citeweb n'était pas détenu par un opérateur de télécommunications. Cela ne pouvait bien évidemment pas durer

. Cet été, les sites hébergés sur Citeweb se sont vu ajouter une "frame" accueillant un bandeau publicitaire. On avait déjà connu cela avec Multimania et d'autres hébergeurs. Cependant, la manière de faire de Citeweb appelle quelques commentaires.

1. L'ajout d'une frame se fait par modification du code de la page hébergée, au mépris de toutes les règles du droit de propriété intellectuelle, notamment celle du droit moral. Au passage, cela détruit la revendication des hébergeurs de non responsabilité par rapport aux contenus hébergés et jette une autre lumière sur les débats autour de l'amendement Bloche. Qu'en est-il de la nécessaire neutralité de l'hébergeur par rapport aux contenus hébergés et, par là même, de sa responsabilité?

2. Citeweb prend ses "abonnés" pour des imbéciles. Allez lire les argumentaires sans doute issus de panels de recherche d'idées. "La publicité est un art", raconte le texte, sur le ton du copinage, pour faire avaler la pilule.

3. Le modèle économique, en lui-même est débile. Tous les sites se sont vus ajouter une bannière, même le site familial qui ne sert qu'à montrer les dernières photos de bébé et qui cumule à trois visites par mois. Si j'étais annonceur, je ne serais pas enthousiaste.

On aurait pu donner d'autres conseils à Citeweb: demander une contrepartie financière à ceux qui ne voulaient pas de publicité. Associer les "gros sites" à la rémunération publicitaire. On aurait même pu fournir des argumentaires moins indécents et moins stupides. Mais pour cela, il aurait fallu que Citeweb respecte vraiment les contenus qu'il hébergeait et ceux qui les créent.
Pierre Bastogne

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LE DOSSIER

7. Incertitude et délices de la poésie en ligne.

A priori, les raisons pratiques pour présenter de la poésie en ligne ne manquent pas. Les textes sont courts et supportent bien d'être lus à l'écran ou imprimés. Les courants qui mettent l'accent sur les dimensions sonores ou visuelles de la poésie peuvent utiliser le multimédia. Le réseau est le lieu d'expérimentation naturel de l'écriture électronique. D'ailleurs, en France, la réflexion sur la littérature assistée par ordinateur a été stimulée par des poètes. Enfin, le peu d'espace que la politique culturelle, l'édition classique et les médias lui attribuent devraient conduire naturellement la poésie à recourir au réseau.

Il était donc tentant d'examiner ce qu'il en est de la présence de la poésie sur le net. Je me suis limité, par paresse, à la poésie française.
Il faut faire un sort distinct à la poésie contemporaine, et à la poésie générale (sur la définition précise que l'internet donne de la poésie contemporaine, voir plus bas).
On peut effectuer la recherche à partir de plusieurs annuaires: Zazieweb, ou Clicnet. Les moteurs de recherche donnent des références sur la plupart des poètes contemporains. On retrouvera, par exemple, Pascalle Monnier ou Jean-Marc Baillieu. Plusieurs sites institutionnels présentent des bio-bibliographies: les Affaires étrangères, la Maison du livre et des écrivains de Montpellier. Des internautes ont entrepris de rassembler des répertoires, comme Labyrinthe, qui valent bien ceux des organismes spécialisés. Certains éditeurs proposent aussi de telles notices sur leurs auteurs. POL dispose d'un site agréable pour présenter ses turcs, jeunes et moins jeunes (Alféri, Cadiot); en revanche, Gallimard est aux abonnés absents. L'éditeur et lui-même poète Jean-Michel Maupoix a un site intéressant, à la fois personnel et professionnel, qui fonctionne presque comme un petit portail sur la poésie. La revue "Le Matricule des Anges" associé à un libraire, assortit ces notices bio-bibliographiques de commentaires de lecture. Un site est consacré spécifiquement à l'Oulipo.

Sur le net, les poètes contemporains existent, mais par personnes interposées. Je n'ai pas trouvé de pages personnelles: le site de Petchanatz n'est plus maintenu.
Un poète contemporain, c'est donc quelqu'un qui a un éditeur, est connu des institutions, participe à des manifestations, bref, qui laisse des traces.
Quant à la poésie elle même, les textes, les revues, les performances: presque rien.
La revue Dock(s) fait ici exception puisqu'elle propose ses archives en libre accès, et plusieurs textes électroniques dans un esprit d'expérimentation.
Tapin qui s'apparente au courant de la poésie cinétique et sonore (Bernard Heidsieck) est une revue électronique créée sur le web.
C'est à peu près tout.

Ainsi, un poète contemporain sur le net, c'est un auteur dont on parle sans pouvoir le lire.
En tant que poète contemporain, il a des droits d'auteur. Ce doit être au nom de ces droits d'auteurs, qu'on imagine colossaux, que les éditeurs se refusent à le diffuser sur le net.
Dans "Poésie, ménage, et cetera", Jacques Roubaud écrit:"Le constat de l'absence de la poésie est souvent fait, n'est plus à faire. On pourrait même dire qu'il occupe plus de place dans les journaux que la poésie elle-même". C'est pareil sur le net, sauf que c'est le contraire. Le constat de la présence de la poésie y occupe plus de place que la poésie elle-même.

Pour trouver des poètes avec de la poésie, il faut quitter les contemporains.
Passez par clic-net, ou par le québecois web-net, ou par le site personnel muse.
C'est un autre monde: les sociétés littéraires, les Amis de…, les bibliophiles devenus éditeurs numériques, les produits dérivés, le poétiquement correct. Toujours farceur, Apollinaire a un site officiel. Rimbaud, c'est tout une start-up.
Pourtant, s'il surmonte ses irritations, quelques délices attendent le lecteur de poésie. Trouver tous les Amours Jaunes de Corbière. Lire sous la forme d'un traitement de texte, les lettres de Rimbaud, négociant français à Menelik, Négus de son état. Découvrir un article de Stevenson sur Villon, et un autre (ancien…) de Raoul Vaneigem sur Lautréamont. Et, si l'idée d'un top-ten des textes poétiques ne vous dégoûte pas définitivement, imaginez qui est classé n°10 sur web-net? Papillon de Lasphrise, et pour ce papillon là, il sera beaucoup pardonné à Web-net.

La poésie sur le net? Elle y va comme les écrevisses officielles d'Apollinaire: à reculons, à reculons.
Edgar Lulle

Clics officiels:
[http //zazieweb.com]
[http://www.swarthmore.edu/Humanities/clicnet/litterature/sujets/poesie_contemporaine.html], une entrée assez complète.
[http://www.france.diplomatie.fr/culture/france/biblio/folio/poesie/index.htmll], le who's who institutionnel.
[http://www.mle.asso.fr/poete.htm], version numérique d'un répertoire papier de 120 noms par la maison du livre de montpellier.

[http://www.pol-editeur.fr/], site chic.
[http://perso.cybercable.fr/naintern/labyrinthe], pas seulement un répertoire, mais le début de deux annuaires (écrivains vivants; "classiques du XXème siècle).
[http://perso.club-internet.fr/pretexte/], autre répertoire.
[http://www.maulpoix.fr.fm/], pour le contenu, les liens, les pages hébergées.
[http://www.lmda.net/revue.html], le Matricule des Anges, associé avec LeLibraire.com: des critiques, mais pas les textes de la revue.
[http://eclia5.ec-lille.fr/~book/oulipo/], comme son nom l'indique.
[http://www.sitec.fr/users/akenatondocks], la revue Dock(s) est associée à l'Electronic poetry center. [http://epc.buffalo.edu/]
[http://tapin.multimania.com/], poésie cinétique et sonore.
[http://www.telerama.fr], quelques enregistrements.
[http://perso.wanadoo.fr/pmo/] le site non maintenu de Christophe Petchanatz, comprend aussi des textes anciens, intéressants ou curieux.
[http://www.poesie.webnet.fr/], grosse anthologie de poésie classique.
[http://ambafrance.org/FLORILEGE], petite anthologie de poésie classique par nos agents à Ottawa.
[http://muse.base.free.fr/], une entrée assez complète pour la poésie classique.
[http://www.franceweb.fr/poesie], le site du club des poètes, un certain genre, mais une entrée facile sur les grands (Villon, Lautréamont, etc).

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ON A LU

8. Philippe Lemoine: "Cahier Laser n°3".

Vous trouverez sur les piles des libraires, et vous éviterez difficilement dans les médias dominants trois produits de rentrée du litteratron sur l'internet: dans l'ordre alphabétique, Messieurs Messier, Minc, et Wolton. Nous les avons lus, hélas.

En revanche, deux publications intéressantes: Jeremy Rifkin, "L'âge de l'accès", et le Cahier Laser n°3, publié par Philippe Lemoine.

Félicitons d'abord les éditeurs. Le livre de Rifkin a été publié en 2000 chez Putnam; les Editions de la Découverte en proposent la traduction française dans l'année: bravo. Quant à la publication de Philippe Lemoine, elle permet de disposer de plusieurs textes de référence du débat sur la nouvelle économie.
Lemoine est une figure à part chez les capitalistes français qui s'intéressent à l'internet. D'une part, il sait de quoi il parle. L'actuel co-président des Galeries Lafayette a été chercheur à l'I.N.R.I.A dans les années 70, un des "nègres" du rapport Nora-Minc, conseiller des ministres de l'époque. Il fait du commerce électronique depuis quinze ans et a créé l'Echangeur, centré sur le commerce électronique, la seule initiative intéressante, à part l'Atelier de la Compagnie Bancaire, d'un entrepreneur français pour faire comprendre l'internet. Mais Lemoine se singularise aussi par un vrai travail théorique sur la nouvelle économie; au lieu de singer le style prophétique à la Bill Gates, il prend le temps de présenter ses idées à la critique.

Dans le Cahier Laser n°3, "la nouvelle économie et ses paradoxes", Lemoine publie notamment Kevin Kelly, l'éditorialiste de Wired, Allan Greenspan, Président de la FED, Edward Yardeni, économiste en chef de la Deutsche Bank. Les textes traduits ici présentent les notions clés du débat des économistes libéraux sur la nouvelle économie: le paradoxe de Solow, le paradoxe du chômage bas sans inflation (the famous NAIRU). En gros, il s'agit surtout de comprendre une chose: la réalité du lien entre le développement de la nouvelle économie et la bonne santé de l'économie américaine en général; en quoi la deuxième dépend de la première.
La contribution propre de Lemoine tourne d'abord autour du déplacement des technologies de l'information vers l'échange.

Lemoine revient sur la distinction banale entre "vieille" et "nouvelle" économie, celle qui serait extérieure aux technologies de l'information, et celle qui se structurerait autour des réseaux numériques. Il préfère opposer deux étapes, caractérisées par un déplacement des technologies de l'information, de l'amont vers l'aval, des industries et bureaux vers l'échange.
La première étape - qui a fait les beaux jours de Microsoft par exemple- se caractérise par une confiscation de la productivité au détriment des clients. Au lieu d'élargir les marchés, en baissant les prix, ou en proposant de nouveaux produits, on gonfle le profit des entreprises qui gèrent finalement une rente de situation au détriment du développement économique général. C'est précisément ce qu'illustrait le paradoxe de Solow: on voit des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de l'économie.
Dans la seconde étape, les technologies de l'information s'appliquent à l'échange: c'est le commerce électronique. Des sociétés, pour gagner des parts de marché, se mettent à utiliser les méthodes caractéristiques du commerce électronique: les "nouvelles démarches-client", la rotation accélérée des stocks. Ces méthodes sont clairement des produits des technologies de l'information; elles sont impensables sans l'informatique et le réseau. Lemoine prend l'exemple du leader mondial de la distribution, Wall-Mart. Ce modèle combine à la fois plus d'emplois (plus de services au client), des prix plus bas, et un bon chiffre d'affaires obtenu par une rotation plus rapide des stocks. Mieux connaître la demande, quantitativement (le "juste-à-temps"), et qualitativement (la "personnalisation" de l'échange) permet de redistribuer la productivité et d'élargir le marché.
Sur cette base, une nouvelle économie peut se développer, pour autant que les banques ne limitent pas la circulation monétaire, par exemple en empêchant la généralisation d'une monnaie électronique, et pour autant que les états organisent la protection des consommateurs et de la vie privée.

Un autre aspect des analyses de Lemoine est un très fort scepticisme à l'égard des théories de la "société de l'information".
Lemoine est, à juste titre, très critique à l'égard de la Commission Européenne. D'ailleurs le départ, poliment controversé, de l'ex-commissaire de la DG XIII, Bangemann, surnommé Bismarck on line, chez son camarade de Telefonica, éclaire d'un jour un peu particulier les orientations de Bruxelles. Lemoine qualifie la société de l'information d'anticipation technocratique et montre une grande méfiance sur la confusion entre l'extension du réseau et le développement d'une culture numérique. Il dénonce une rhétorique qui permet "de légitimer la richesse en se référant aux mots et aux valeurs de la société mandarinale. Il n'est pourtant pas certain du tout que l'informatisation de la communication et que le commerce électronique se traduisent par un rôle tellement plus éminent de la connaissance et du savoir dans le fonctionnement de la société".

Bref, Lemoine, c'est un peu l'anti-Messier. Messier, qui fait semblant de faire de la "nouvelle économie" la justifie rhétoriquement par l'utopie de la société de l'information, le "fun" et les dictionnaires électroniques. Lemoine, qui en fait réellement, et qui édita, dans les années 70, un ouvrage sur les "Enjeux culturels de l'informatisation", reste prudent, justement sur cette légitimation culturelle que veut symboliser la notion de "société de l'information".
Cette attitude est au fond celle d'un libéralisme assez classique.
En insistant, d'ailleurs, sur la distinction entre l'individualisation (le ciblage par des technologies centrales et des monopoles), et la personnalisation (liberté de choix par une technologie aux mains des personnes), il rejoint les préoccupations des partisans d'un internet démocratique.
On souhaiterait pourtant que Lemoine ait une évaluation plus critique de l'innovation technologique, dont on voit bien qu'elle doit assez peu, pour l'internet, aux capitalismes, qu'ils soient industriel ou commercial, libéral ou public. Or l'invention de nouveaux liens sociaux sur l'internet, y compris les nouvelles formes d'échange, passe par cette expérimentation technologique.
La technologie s'est échappée: c'est bien ce que signifie l'option pour une "technologie aux mains des personnes". Peut on vraiment penser, alors, la nouvelle économie, sans rendre compte de cette autonomie de la technologie par rapport à l'économie?
Francis Linart

Clic officiel:
Cahier Laser n°3, "La nouvelle économie et ses paradoxes". Peut être commandé, ou téléchargé gratuitement chez :
[http://www.00h00.com]

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9. Jeremy Rifkin "L'âge de l'accès".
C'est le genre de livre entièrement écrit à l'indicatif présent, où les prévisions à cinquante ans viennent confirmer les hypothèses sur les six prochains mois.
Le style combine l'exaltation du gourou et le pronostic du consultant.
Malgré cela, le livre de Rifkin est intéressant parce qu'il représente la première tentative de systématiser certaines hypothèses radicales sur le contenu de la nouvelle économie.

Le livre tourne autour de deux notions: "l'accès", et "l'économie de l'expérience". Comme Lemoine, Rifkin part des modifications que les technologies de l'information apportent à l'échange économique. Pour Rifkin, l'accès, c'est la nouvelle forme que prend l'échange.
Les vendeurs et les acheteurs sont remplacés par des pourvoyeurs et des usagers. Le marché cède la place au réseau.
La propriété disparaît derrière la maîtrise de ce réseau. Prenons un exemple. Au lieu d'acheter une voiture d'un certain modèle, l'automobiliste accède à un ensemble de services modulés: tantôt une voiture de ville, tantôt une pour la route, ou un pick-up pour ses travaux; non pas une place de parking, mais un droit à de l'espace parking quand il lui faut; des assurances et de l'essence selon son profil de consommation; puis des services d'hôtellerie, de tourisme, à partir du guidage GSM. C'est le règne du sur-mesure et du juste-à-temps, qui évite les gros stocks dans les entreprises, et les immobilisations dépensières pour le consommateur.
On sait qu'il s'agit là des stratégies théoriques de ceux qui veulent contrôler l'économie des réseaux numériques en en contrôlant l'accès.
La forme la plus rudimentaire de cette nouvelle économie de l'accès, c'est le téléphone portable ou l'ordinateur "donnés " en accompagnement d'un abonnement à un réseau télécom ou internet.
Rifkin radicalise la tendance en pronostiquant le passage d'un régime de propriété à un système qui "repose sur l'usage à court terme des ressources contrôlées par des réseaux de prestataires".
Le deuxième volet de son livre porte sur l'économie de l'expérience.
"A l'âge de l'accès, chacun achète l'accès à sa propre expérience vécue".
Avec les réseaux numériques, les industries culturelles occupent une place dominante dans l'économie et la vie quotidienne des personnes. On ne cherche plus à consommer des biens, mais à participer à des formes données d'expérience individuelle et sociale. C'est le règne de l'imaginaire dans l'économie, un imaginaire contrôlé par ceux qui maîtrisent les réseaux, un peu sur le modèle actuel des "communautés" du commerce électronique.

Rifkin émet des critiques sur ces deux processus. C'est, en résumé, la critique du contrôle des individus par les maîtres des réseaux. Par bien des côtés, ses thèses s'apparentent à une version édulcorée du situationnisme, qui est en passe de devenir l'idéologie officielle de la nouvelle économie. Dans le premier numéro de 19clics (décembre 99), nous faisions référence précisément aux tendances que Rifkin résume derrière la notion d'accès, et nous les avions confrontées au mouvement qui se manifestait à Seattle.

Le livre de Rifkin suscitera nécessairement des réserves sur son analyse, l'état d'avancement du phénomène, etc.
Mais la faiblesse de toutes les théories qui reviennent à extrapoler une tendance donnée de l'économie - même si elle est correctement décrite- est d'abord d'ordre stratégique.
L'identification des forces en présence, l'analyse de leurs poids et de leurs stratégies sont une condition indispensable, non seulement pour préciser le rythme de développement de la nouvelle économie, mais aussi pour en définir le ou les contenus alternatifs.
Sans cette analyse, les théories critiques de la nouvelle économie, auxquelles se rattache le livre de Rifkin, risquent bien de se réduire au constat que la politique "marché total" des Etats-Unis, qui a culminé avec les monétaristes et les libertariens, est bel et bien en train de se refermer, pour la bonne raison qu'elle disjoncte avec la nouvelle économie.
Ce n'est déjà pas une si mauvaise nouvelle.
Edgar Lulle

Jeremy Rifkin, "L'âge de l'accès. La révolution de la nouvelle économie" Editions La Découverte. 149FF.

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SUIVI

10. Fathom 
Dans 19clics n°8 du 2 mai 2000, nous vous annoncions la création de Fathom, la net-bibliothèque regroupant six organismes américains et britanniques.
Depuis le mois d'août, quatre autres célèbres institutions ont rejoint Fathom: l'Université de Chicago, l'Americain Film Institute, la RAND Corporation (principal cabinet de consultants stratégiques aux Etats-Unis) et le Woods Hole Oceanographic Institutio
n.

Clic officiel:
[http://www.fahtom.com]

clic interne:
[http://19clics.citeweb.net/Numero08/2000-05-08.htm#5]

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11. Stainboy
Le héros de Tim Burton qui tache tout sur son passage, poursuit lentement son petit bonhomme de chemin.
Attendu depuis 19clics n°4, le 3 mars, les deux premiers épisodes d'une série de six sont enfin visibles. Il s'agit de "Staring girl".et de "Toxicboy".

Clic officiel:
[http://www.shockwave.com]

clic interne:
[http://19clics.citeweb.net/Numero04/2000-03-04.htm#14]

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ON AURAIT PU... 

12. 00h00 
Le 15 septembre, les éditions 00h00 ont annoncé leur rachat par la société américaine Gemstar TV Guide International Inc.
Après l'acquisition des premiers fabricants d'e-book, NuvoMédia Inc (qui commercialise le rocket e-book) et Softbook Inc (qui commercialise le softbook) Gemstar étend ainsi son développement à l'édition numérique francophone.
00h00 représente plus de 600 titres, inédits ou rééditions électroniques d'ouvrages des catalogues des principaux éditeurs français et portugais et des partenariats sur le web ainsi qu'avec les grandes librairies en ligne.
Par ailleurs, la marque américaine RCA, filiale de Thomson Multimédia, a présenté ses derniers terminaux de lecture de livre numérique: le REB 1 100 et le REB 1 200. Ils sont produits et commercialisés sous licence de Gemstar.
Rose Hermitage

Clic officiel:
[http://www.00h00.com/]

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© 19clics - juin 2000
Les pictos sont d'Agnès Lanchon