Sommaire
EDITORIAL
1. Encore
la liberté
ENJEUX
2.
Sources
qu'on ferme:La charte du Geste porte atteinte aux droits des internautes
3.
Attention ! syndication
4.Les
baisses des valeurs françaises de la net-économie
LES CONTENUS
5. Fathom.
Transatlantique du savoir
6.Des
images et du web
7.La
saison des oscars du web
TECHNOLOGIE
8. Internet
Explorer 5.5, joyau de l'égosystème de Microsoft.
BILLETS
9. Le
Canard Enchaîné: dauber, or not dauber?
10.
Qui aime le virus qui aime?
PARCOURS
11.
Journalistes et adresses électroniques: une étude de mœurs au début du
vingt et unième siècle.
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EDITORIAL
1.Encore la liberté
Le numéro spécial "Libres enfants du savoir numérique" a été bien
accueilli et nous a permis d'avoir des échanges intéressants sur la question
du libre. Merci à tous. Merci en particulier à Richard Stallman et John
Perry Barlow d'avoir manifesté leur intérêt simplement et rapidement.
Nous nous demandions si ce n'était pas une sorte de péché d'orgueil, une
tendance à l'inactuel, que de se concentrer sur un tel sujet, au moment
où la société de l'information connaissait un avril très gris, avec les
krachs boursiers, les scandales ouverts ou larvés, le jugement de Microsoft.
Nous revenons sur ces questions dans ce numéro mais force est de reconnaître
qu'au contraire nous avions été actuels, trop actuels.
La Charte des éditeurs de presse et du Geste, réponse au conflit qui les
oppose aux agrégateurs et moteurs de recherche, pose en effet de manière
urgente toutes les questions débattues dans le numéro spécial sur le libre,
mais "à l'envers" comme dirait le Canard Enchaîné.
Nous ne prenons pas position dans le conflit privé qui oppose éditeurs
de presse et agrégateurs. Nous avions trouvé assez comique cette heure
de gloire de Jérémie Berrebi, patron de Net2One, au Sénat, avec cette
séquence reprise par la télévision, où un vieux sénateur essayait de placer
son petit neveu. Nous trouvons aussi désagréable cette sorte d'ostracisme
anti start up qui se développe chez les grands de l'édition.
Mais les éditeurs ont décidé de traiter cette question en posant des règles
générales, en prétendant les imposer non seulement à leurs concurrents
mais à l'ensemble des internautes, sous couvert de charte. Nous critiquons
le contenu et la méthode.
Le contenu, parce que la copie privée numérique et les liens hypertexte
sont les moyens techniques indispensables à l'expression sur le net. Peu
nous importe que la copie privée soit "seulement" une exception au droit
d'auteur et que la pratique des liens hypertexte n'ait aucune base légale
spécifique. Elles ont une base légale générale: la liberté d'expression
que nous voulons transformer, avec le net, en un véritable droit à la
communication pour tous. Inutile de préciser que l'affaire du droit de
prêt en bibliothèque et l'évolution générale du droit d'auteur ne sont
pas faits pour nous rassurer. La méthode, parce que, si c'est ça, l'autorégulation,
une régulation brutale, sans débat public, sans les internautes et contre
les internautes, et la transformation de droits parfaitement légaux et
légitimes en autorisations consenties par les puissants, alors nous en
viendrons à regretter le parlement, les juges, et la vieille régulation
républicaine.
L'internet, c'est la liberté.
Cette charte octroyée et cet internet censitaire nous déplaisent assez.
Edgar
Lulle
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ENJEUX
2.
Sources qu'on ferme:La charte du Geste porte atteinte aux droits des
internautes
Sept sociétés de presse (Le Monde, La Tribune, Libération,
Les Echos, Investir, l'AGEFI, Zdnet France) ont rendu publique, le 29
Mars dernier, leur charte d'édition électronique.
Dans son n° 6, 19clics consacrait un article à la préparation
par le Geste (Groupement des éditeurs de service en ligne) d'une
telle charte. Les éditeurs, dont plusieurs sont membres du Geste,
ont pris les devants en présentant ce texte que le Geste a finalement
avalisé le 20 avril.
Dans le communiqué présentant la charte, les éditeurs
affichent deux objectifs: "garantir la qualité de l'information
diffusée", et "préciser les conditions
légales d'utilisation et de reproduction des contenus".
Ils dénoncent "les détournements des contenus
éditoriaux de bonne ou de mauvaise foi", ainsi que le
"pillage organisé par d'autres sites, peu scrupuleux,
proposant aux internautes, sans autorisation des ayants droits, des
contenus ne leur appartenant pas".
La charte a donc deux aspects. D'une part, elle est un
instrument dans le conflit qui oppose les éditeurs de presse
(pour l'essentiel de la presse "papier") aux agrégateurs,
fédérateurs, et moteurs de recherche, du type Net2one.
D'autre part, elle pose des règles générales d'utilisation
des contenus qui intéressent tous les internautes. C'est ce deuxième
aspect qui nous intéresse ici.
Disons d'emblée que les internautes ont du souci à se
faire. Le communiqué comporte une admirable dénégation:
"Les promoteurs de cette charte se proposent ainsi de rassurer
les internautes sur le fait qu'ils peuvent à titre individuel,
recopier ou imprimer tout ou partie des articles et informations diffusées".
C'est plutôt raté et les internautes vont trouver dans
cette charte tout pour s'inquiéter, et rien pour se rassurer.
Commençons par la copie privée, ou la copie
"à usage privée".
Article L122.5. du Code de la propriété intellectuelle."Lorsque
l'uvre a été divulguée, l'auteur ne peut
interdire:
2° Les copies ou reproductions strictement
réservées à l'usage privé du copiste et
non destinées à une utilisation collective, à l'exception
des
, ainsi que des copies ou reproductions d'une base de données
électronique".
A moins que les éditeurs considèrent toute publication
électronique, et notamment la version électronique d'un
journal papier, comme base de données électronique, ce
qui risquerait de leur poser d'autres difficultés, notamment
avec les journalistes, la copie privée s'applique.
C'est une exception au droit d'auteur. Autrement dit, c'est un droit
du lecteur, de l'internaute, qui n'est conditionné par aucune
acceptation de l'auteur, à fortiori de l'éditeur.
L'éditeur s'engage, dans la charte, à autoriser le lecteur
à imprimer tout ou partie du contenu pour son usage strictement
personnel. Curieux engagement, curieuse autorisation.
-
Dans un état de droit, prétendre autoriser
une action qui correspond à un droit, c'est purement et simplement
illégal. Les éditeurs ne sont pas en position d'autoriser.
S'ils veulent s'engager, ils peuvent s'engager à "faciliter"
l'impression, et pas à l'autoriser.
- Pourquoi seulement imprimer? L'utilisateur doit s'engager, dans la
charte, à ne pas "reproduire
" sans autorisation
préalable de l'éditeur, pour un usage autre que strictement
privé. Alors l'éditeur doit s'engager à "faciliter"
(car la copie électronique privée comme l'impression est
un droit de l'utilisateur) la reproduction électronique à
usage privé.
- Quelle est la portée véritable de cet engagement, puisque
la charte parle d'usage "strictement personnel", ou
"strictement privé, ce qui exclut toute reproduction
à des fins professionnelles ou de diffusion en nombre".
Autrement dit, la charte exclut l'usage privé, personnel, dans
une perspective "professionnelle", même s'il n'y a pas
de diffusion en nombre, ni d'utilisation collective, comme dit la loi.
Voilà une sacrée restriction de l'usage privé des
internautes, qui empêchera un enseignant, un journaliste, un ingénieur
de faire ce que nous faisons tous dans l'univers "papier",
soit photocopier (nous même, pour notre usage personnel), puis
classer et archiver des extraits de presse qui nous serviront plus tard
"dans le travail", même si nous ne les diffusons pas.
La notice accompagnant les engagements n'est pas plus
rassurante: elle classe la "reproduction électronique"
et "la création d'archives" dans la catégorie
"interdit sans autorisation préalable". Elle
invente de toutes pièces un "droit d'usage"
de la publication qui serait limité à la lecture par une
ou plusieurs personnes et l'archivage à usage personnel et privé.
Elle limite la copie privée à la "copie unique
destinée à un usage strictement personnel".
Quand à la création d'archives, après les avoir
intégrées au "droit d'usage", la charte
les en exclut, précisément dans la rubrique "création
d'archives". Si les éditeurs souhaitaient, ce qui est
leur droit, interdire la création d'archives collectives (c'est
à dire non "personnelles"), il aurait mieux
valu le préciser, puisqu'ils prétendent rassurer l'internaute!
Après ce plat de résistance, passons aux
autres engagements. Les éditeurs du Geste autorisent la citation
et l'analyse. 2001: la presse française autorise la citation
et l'analyse!
Article 122-5 du Code de la Propriété intellectuelle:
"
L'auteur ne peut interdire
3° Sous réserve
que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source:
a) les analyses et courtes citations justifiées par le caractère
critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information
de l'uvre à laquelle elles sont incorporées
"
Encore une fois, en état de droit, les éditeurs n'ont
pas le choix d'autoriser ou non une pratique qui relève purement
et simplement du droit fondamental à la liberté d'expression.
La citation, et l'analyse, comme l'usage privé sont d'ailleurs
comprises dans un sens très restrictif par les tribunaux français.
Cependant la charte les restreint encore en posant que la lecture de
l'analyse ne "saurait en aucun cas dispenser de la lecture de
l'article ou de la publication". Si les éditeurs veulent
se protéger contre des analyses documentaires de substitution,
vieux problème des banques de données, il faut être
plus clair.
Enfin, les liens. Les éditeurs "autorisent"
les liens. Encore la même remarque: ils n'ont pas le choix d'autoriser
ou non ces liens, pas plus qu'un éditeur de livres n'a le droit
d'autoriser ou non la recension, ou la citation dans une bibliographie,
de ce livre.
Pire, l'éditeur "se réserve le droit de demander
la suppression d'un lien qu'il estime non conforme à sa politique
éditoriale". C'est une nouveauté: la politique
éditoriale de groupes commerciaux comme source de droit. On s'attendait
à une allusion au "droit moral des auteurs"
qui nous aurait permis une bonne petite discussion philosophique sur
la sémantique des liens. Mais là, on ne fait pas dans
la dentelle: si ce que vous écrivez ne convient pas à
la politique éditoriale d'un organe de presse, vous ne pourrez
pas renvoyer à ce site par un lien. La presse ne veut pas de
l'hypertexte.
Les éditeurs vont nous trouver injustes. Après
tout, ces restrictions visent surtout à se protéger contre
les agrégateurs et moteurs du type Net2one. Oui, mais au passage,
elles rognent sur des droits fondamentaux des internautes (et des autres
citoyens).
Il faut insister en particulier sur le fait que la copie privée
numérique est une condition sine qua non de tout usage privé
d'une uvre numérique. Il ne viendrait à l'esprit
d'aucun éditeur de livres ou de journaux imprimés de vouloir
autoriser les bibliothèques ou les dossiers personnels faits
à partir des originaux. Mais sur le net, il n'y a pas d'originaux;
pour avoir une bibliothèque ou des archives, il faut copier.
La charte rejoint clairement les tentatives qui, suite aux démarches
de l'industrie musicale, visent à supprimer le droit de copie
privée.
Il est compréhensible que les éditeurs cherchent à
régler leurs problèmes économiques.
Ils ne peuvent pas y arriver en remettant en cause les droits des internautes,
c'est à dire de leur public de lecteurs. Et pas plus en ignorant
les journalistes, dont le syndicat vient de s'émouvoir. En effet,
en signant leur contrat, les journalistes ne cèdent pas leurs
droits sur les utilisations autres que la seule publication originale
sur papier.
Cette charte est un mauvais coût contre les libertés fondamentales
de la société de l'information.
Et elle illustre parfaitement un certain double langage de l'autorégulation.
Ici, l'autorégulation aurait dû signifier négociation
et accords entre les auteurs, les éditeurs, les utilisateurs
et les agrégateurs. La charte a été adoptée
sans débat public, et il manque trois parties sur quatre. Ca
fait beaucoup!
Alors, après ces critiques, pourquoi pas un vu: que les
éditeurs traditionnels s'inspirent des méthodes de concertation
et de consensus qui ont fait leurs preuves sur l'internet.
--Francis
Linart--
Clics
officiels:
Communiqué de presse et téléchargement de la charte:
[http://www.zdnet.fr/include/com/290300.html]
[http://www.geste.fr]
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3. Attention! syndication
La syndication de contenus
n'est pas un concept nouveau. Il s'agit d'une pratique commune des entreprises
de presse, puis des entreprises de l'audiovisuel, qui consiste à
acheter "sur concept" un fil d'informations ou d'émissions
prêts à être intégrés dans une publication,
un programme. Les émissions de type "Vidéogags"
qui fleurissent sur les antennes en sont l'exemple grand public le plus
évident. Dans la presse, les premiers "syndicateurs"
sont les agences de presse dont le premier service est bien de fournir
des "fils" d'information, mais les bulletins météo
sont aussi du contenu en syndication. L'une des controverses avec un fournisseur
de revues de presse comme Net2one est que celui-ci "syndique"
de fait un contenu - des journaux - sans que ceux-ci ne l'acceptent ni
n'en tirent une rémunération. Ces nouveaux types "d'agrégateurs"
doivent rechercher leur déontologie.
Le Web a donné à cette forme de commerce de contenus une
actualité nouvelle. Plusieurs raisons à cela: d'abord la
nécessité de construire des sites riches et mis à
jour régulièrement avec des équipes réduites
et sans moyens d'investigation particuliers. Ensuite, le développement
du modèle économique du "gratuit" pour
l'utilisateur-lecteur final impose une rémunération en amont,
réalisée dans le commerce entre entreprises. Ainsi, d'une
situation où il n'y avait que quelques fournisseurs de contenus
pour de nombreux clients, on passe à celle où chaque publication
peut être client et fournisseur, syndicateur et agrégateur.
La syndication pose de nombreuses questions qu'il faut se hâter
de poser tout en ne précipitant pas les réponses à
donner.
Le droit d'auteur: s'il est maintenant probable que la question de la
rémunération des auteurs des articles se résoudra
par la voie des contrats, même si cela fait et fera l'objet de luttes
fortes, c'est ici le droit moral qui risque d'être mis à
mal. En effet, tant que les contenus vendus sont des informations factuelles
ou supposées telles: météo, cours de la bourse, état
du trafic routier, etc., il en va tout autrement dès qu'il s'agit
de commentaires ou d'articles de fonds. Comment s'appliqueront ou pourront
s'appliquer les clauses de conscience des auteurs, refusant que leurs
articles puissent se trouver dans tel ou tel type de publications?
La déontologie: la syndication de contenus appelle la syndication
de marchandises... Imaginons un portail consacré aux chevaux, achetant
des fils d'information consacrés au hippisme. Les auteurs des articles
ne maîtriseront pas la contiguïté de leurs écrits
avec tel ou tel dispositif de pari, telles ou telle proposition d'achat
de selles ou d'éperons. Prenons un thème moins anodin et
toutes les craintes sont alors possibles.
A un niveau supérieur, c'est bien la question de l'information
qui est posée. Si tout contenu peut être vendu au kilo pour
être mélangé avec tout autre contenu, qui maîtrise
l'information? On peut même imaginer des mélangeurs automatiques
et des lignes éditoriales robotisées... La valeur d'un article
pourrait donc aussi être mesurée par sa capacité à
entrer facilement dans le plus grand nombre possible de fils, favorisant
ainsi la constitution d'une information édulcorée et sans
couleur. C'est aujourd'hui déjà l'impression que donnent
certains portails dégoulinant au robinet les mêmes dépêches
non commentées.
Mais il ne faut pas se hâter. La syndication n'est pas le seul
modèle en marche sur le marché des contenus. Le modèle
d'associations de sites partageant une même complicité éditoriale,
les webrings, peut être une alternative qui, associée aux
modèles du "libre" change la donne. Et puis, dans un
monde uniformisé d'une information trop resucée, la prime
peut aussi aller à l'originalité et à l'insolence,
sauf si celles-ci peuvent également être automatisées.
--
Pierre Bastogne --
|
4. Les baisses des valeurs françaises de la net-économie
Même si la crise boursière des valeurs internet suscite chez
certains une interrogation générale sur les fondements de
la "nouvelle économie", il faut accepter de la prendre
pour ce qu'elle est: une crise de financement, due à une crise de
confiance quant à la valeur réelle ou future des entreprises
du net, celles qui ont été le plus affectées par les
deux krachs américains du 03/04 et du 14/04.
La chute des bourses n'est pas un jugement sur la place des technologies
de l'information, l'attente des consommateurs, la taille du marché.
C'est un jugement négatif sur la manière dont les entreprises
du net ont été financées dans la période récente:
les "business models" d'un type jusque là inconnu,
les nouveaux modes de valorisation, les théories du type "économie
de l'attention", les directives implicites ou explicites des financiers
aux entrepreneurs, mais aussi les sentences de gourous improbables, les
folles soirées d'affaires pour happy few.
Les boursiers parlent aujourd'hui de correction des cours. Mais la correction
des cours des entreprises du net est qualitativement très différente
de celle des autres entreprises. Pour les entreprises anciennes, la bourse
sanctionne une profitabilité, une stratégie, voire une "visibilité"
de l'action, en fonction de son cours passé. Ces repères font
évidemment défaut aux entreprises récentes de la net-économie.
Finalement, la correction doit s'entendre au sens littéral: la finance
juge la finance, ou, plus précisément, le marché boursier
désavoue certaines stratégies financières hasardeuses.
Il est donc assez instructif de se pencher sur la situation française.
Premier acte: le capitalisme français
s'oppose à l'internet. Développer un projet sur l'internet
en 95-96, c'était se heurter à l'état, à France
Télécom, aux banques, et aux organismes de financement.
Versez une larme sur les pionniers: ils ne sont pas nombreux à
être devenus millionnaires.
Deuxième acte:
retournement, la France découvre l'internet d'un seul coup. Ignorante
de la cyberculture, dépourvue d'industrie informatique, ne connaissant
du réseau que le minitel, elle découvre en même temps
la technologie, les usages du net, le commerce électronique, l'e-business,
et les starts-up. Pour les entreprises du secteur, le contexte économique
change du tout au tout en dix huit mois. La presse s'enthousiasme pour
la mise en place d'une nouvelle chaîne de financement: business-angels,
incubateurs, tours de table, nouveau marché.
Le développement de l'e-business croise celui de la bourse parisienne
qui elle aussi rattrape son retard; l'argent cherche les projets.
Il faudrait être poujadiste ou gauchiste (ou les deux à la
fois) pour ne pas se féliciter de ce retournement. Même si
l'internet doit faire une large place à un secteur non marchand,
le développement des net-entreprises doit être favorisé
par un financement d'autant plus important qu'il s'agit à la fois
de rattraper un retard, et de se déterminer dans des conditions
encore largement incertaines.
Toutefois, à cette date, le nombre d'entreprises auxquelles peuvent
s'intéresser les investisseurs français est nécessairement
restreint.
Ils identifient d'abord les sociétés peu nombreuses qui
ont porté le développement du net français dans ses
premières années, les Nomade et les Multimania. Mais dès
99, ils s'intéressent à d'autres sociétés
qui suivent exactement le chemin inverse des pionniers, c'est à
dire qu'elles commencent par un financement conséquent avant même
de passer à l'expérience sur le net. Dans ces conditions,
le jugement des financeurs, leurs critères généraux,
leur évaluation du marché et du projet lui même décident
de tout. Pour celles de ces start up, qui ne disposent ni d'avantage technologique,
ni d'expérience sur le net, ni d'un début de clientèle,
c'est le plan de financement et lui seul qui valide le projet.
C'est ainsi qu'en 99 et au premier trimestre 2000, on assiste aux premières
acquisitions avec de fortes valorisations (Alapage, Nomade), puis aux
entrées en Bourse dont certaines vont être triomphales (Multimania,
Artprice), pendant que les sociétés placées au cur
des technologies de l'information deviennent les valeurs à la mode
(Business Objects).
Troisième acte:
la crise de confiance, les mini krachs et la correction boursière.
En ce qui concerne la net économie, aucune bourse européenne
n'a réellement d'autonomie par rapport au Nasdaq. Précipités
par le jugement Microsoft, pour le 03/04, et les mauvaises nouvelles sur
l'inflation, pour le 13/04, les deux krachs américains entraînent
la chute des valeurs françaises de la net économie. Aux
États Unis et ailleurs, le mouvement est entretenu par une série
de résultats décevants, comme ceux de Novell et d'ATT, et
de Titus interactive en France récemment, ou certains scandales
comme celui de la patronne de World Online. Aujourd'hui, le cours d'Artprice.com
est de 23,5 Euros, pour un plus haut en 2000 de 66,5, et un plus bas de
20. Les mêmes cours, pour Multimania: 26,94/ 125/ 25,45; pour Netvalue:
28,5/ 101/ 25; pour Liberty Surf: 40,5/ 79/ 37,86; pour Trader.com: 17,51/
30/ 13,75. (Séance du 03-05-2000; premier cours, plus haut et plus
bas ajustés, d'après Les Echos). La correction est sévère
et certainement trop sévère pour les sociétés
sérieuses.
Dans ces conditions, on ne doit pas s'étonner si les critères
retenus par certains responsables des montages financiers se retrouvent
aujourd'hui sur la sellette. Certaines critiques leur reprochent de s'être
écartés un peu imprudemment des schémas classiques.
Mais on peut aussi bien se demander s'ils ont vraiment su prendre la mesure
de l'internet.
Leur premier credo a été celui d'un développement
extensif des entreprises, soit la recherche d'une base clientèle
importante, bien résumée par la notion de portail qui a
fait fureur en 99. Pourtant aux Etats Unis, la pérennité
des portails, sauf pour les deux plus gros, est considérée
avec scepticisme. Plus généralement, l'internet n'est pas
un mass média; il n'est donc pas, de manière évidente,
un média qui tirera facilement un commerce de masse.
Le deuxième credo de certains financiers est celui du développement
rapide. Il faut être le premier, puis garder la première
place en gagnant de vitesse les concurrents. La publicité, qui
représente entre 33 et 50% des dépenses de certaines sociétés
est sensée produire à la fois la grosse clientèle
et le développement rapide. Pourtant toute l'histoire du net est
faite de prototypages systématiques, d'essais-erreurs répétés,
de temps donné pour permettre la mise en place des usages. La net
économie pourrait elle vraiment échapper à ces règles?
Le dernier credo contestable est tout bonnement celui de la fermeture
du réseau. On tente de refaire à petite échelle ce
sur quoi Microsoft a échoué. Combien de services prétendent
se suffire à eux mêmes, remplacer tous les autres pour "retenir"
l'internaute, alors que fondamentalement l'internet repose sur la communication,
l'interconnexion généralisée?
L'e-business ne peut pas échapper complètement aux règles
du business.
Ni à celles de l'internet.
--Francis
Linart--
Clics intéressants sur la situation aux Etats-Unis:
"Can cash-strapped merchants survive without links" (sur l'économie
des portails) par Sandeep Sunnarkar
[http://news.cnet.com]
03/05/00
"After the
fall" (enquête sur des starts-up en difficulté) par
J.Brown, D.Cave et A.Leonard
[http://www.salon.com/tech/feature]
28/04/00
Un site spécialement
consacré aux faillites de start-up:
[http://www.startupfailures.com]
|
CONTENUS
5. Fathom. Transatlantique
du savoir
Six institutions américaines et anglaises se regroupent pour créer
Fathom.com. Les trois établissements britanniques, la London School
of Economics, la Cambridge University Press, la British Library, et les
trois institutions américaines, Columbia University, New York Public
Library, Smithsonian's National Museum of Natural History, s'associent
autour d'un projet de net-bibliothèque qui relève à
la fois de la bibliothèque numérique, du contenu multimédia
"à valeur ajoutée" et de l'enseignement
en ligne.
Le site se présente comme une plate-forme destinée à
diffuser à un large public le savoir traditionnellement cantonné
dans les universités, bibliothèques, musées et institutions
culturelles. Les informations et documents qui seront disponibles sur
le site ne sont pas, jusqu'à présent, accessibles en dehors
des institutions fondatrices.
Les disciplines couvertes seront: physique, médecine, informatique,
technologies, droit, économie, sciences sociales, arts, journalisme.
La Columbia University mettra à disposition ses archives d'histoires
orales: les mémoires de Kroutchev ou de l'architecte Frank Lloyd
Wright. La New York Public Library apportera les 54 000 photographies
retraçant le développement culturel, architectural et historique
de New York. (etc)
Le site proposera aussi des cours, conférences, lectures, bases
de données, publications, cédéroms, manuels scolaires.
L'ambition de Fathom est de garantir la fiabilité, l'exactitude,
et la mise à jour scientifique de l'information. Il y a là,
évidemment, une critique implicite des contenus en ligne proposés
bien souvent pour le monde de l'enseignement. Fathom veut produire un
site de haut niveau et devenir un "modèle pour l'éducation
et la formation tout au long de la vie". Les contenus seront
validés, et le processus éditorial contrôlé
par un conseil scientifique constitué des professeurs et conservateurs
des institutions fondatrices.
Fathom veut se positionner sur le marché de l'enseignement en
ligne de deux façons: d'une part, en proposant des contenus directement
au public, mais sans dégrader les diplômes délivrés
par les universités participantes; d'autre part, en vendant ses
propres ressources aux universités en ligne. Dans le jargon de
la nouvelle économie, on pourrait dire que Fathom veut faire à
la fois du "BtoC", et du "BtoB". Dans le premier cas,
le public cible est, comme l'indique Ann Kirschner, présidente
de Fathom, celui des "nombreuses personnes qui ont abandonné
leurs études en raisons des contraintes quotidiennes que nous connaissons
tous: le temps, l'argent, l'éloignement géographique".
Dans le deuxième cas, il s'agit de mettre à profit le développement
des universités en ligne, considérées aux États
Unis comme un "big business" potentiel.
Aussi y a-t-il un peu de tiraillements entre les différentes philosophies
au sein du projet, entre les tenants du "non profit"
et ceux du "for profit". Le débat est bien illustré
par la personnalité d'Ann Kirschner, docteur en littérature
anglaise et précédemment responsable des nouveaux médias
à la Ligue Nationale de Football Américain.
La plupart des contenus présentés seront d'accès
gratuit. Des droits, fixés ultérieurement par chacune des
institutions, seront demandés pour les recherches plus approfondies.
Ce qui est gratuit à l'intérieur des établissements,
le restera sur le site. Fathom utilisera donc la méthode d'accès
a deux niveaux souvent utilisés sur les sites commerciaux de contenu.
On sait qu'en France, par exemple, Louvre.fr est gratuit, mais Louvre.edu
payant.
La Columbia University qui semble être le pilote économique
du projet, pousse à la recherche de capitaux extérieurs.
En revanche, le directeur délégué de la London School
of Economics insiste à la BBC sur le fait que "ce qui est
intéressant dans Fathom c'est que le projet est piloté par
ce qu'on pourrait appeler des fournisseurs de contenu du service public,
plutôt que par des intérêts financiers privés".
--
Catherine Ficat --
Sources:
[http://www.internetactu.com/]
du 06/04/2000
[http://news.bbc.co.uk/]
[http://chronicle.com/]
[http://news.ft.com/]
Clic officiel: [http://www.fathom.com/]
|
6. Des images et du web
De nouveaux médias arrivent sur le Web français. L'amélioration
des débits et le développement de l'offre de connexions au
forfait, même si c'est encore très insuffisant, suscitent de
nouveaux médias qui vont modifier le marché des contenus pour
l'internet et renforcer les proximités avec les médias traditionnels
radios et télévisions.
Il n'est pas anodin qu'un magazine pour les professionnels de l'audiovisuel,
Broadcast, titre en première page que la nouvelle "Web
Tv" Nouvo.com va investir 10 millions de Francs dans des programmes
interactifs adaptés aux 25-35 ans, avec une ligne éditoriale
très marquée.
Florian Gazan, qui dirige Réservoir Net, filiale de la maison
de production de Jean-Luc Delarue, Réservoir Prod, annonce la première
fiction interactive française "In vitro". Même
s'il avoue qu'il l'aurait vendue quatre fois plus cher à une chaîne
de télévision, il l'a vendue, et c'est donc bien l'ébauche
d'un marché de programmes interactifs, souvent annoncé aux
professionnels, que l'internaute voit apparaître aujourd'hui.
In Vitro a été vendue à Clicvision, l'une des dernières
nées de ce nouveau paysage audiovisuel. Les piliers de ces médias
nouveaux, que le jargon nomme "rich média", semblent
bien être les technologies Flash (Macromedia) et Real Vidéo
(RealNetworks). C'est d'ailleurs annoncé dès la page d'accueil,
plugins obligent. L'ambiance sonore est répétitive et techno.
Une présentatrice, fille clônée d'Annanova et de Lara
Croft, annonce brièvement les faits saillants des dix-huit chaînes
thématiques. Pour mesurer l'innovation, rien de mieux que de choisir
la chaîne la plus "bateau", la météo.
Les téléspectateurs traditionnels savent que regarder la
météo sur Arte n'a rien à voir avec la pluie ou le
soleil des autres chaînes. Syndication de météoconsult,
la chaîne météo offre un environnement flash très
doux dans lequel baguenaudent des ../Pictos amusants. Des liens avec des
Webcams permettent de voir par soi même le temps qu'il fait sur
la planète réelle. Ce n'est pas révolutionnaire mais
c'est un travail de professionnel. Le plus souvent, il y a une idée
par clic et les chartes graphiques sont inventives. Chapeau!
Ce n'est que le début. D'autres applications sont en cours de
développement qui renforceront l'interactivité et les possibilités
de commerce. La possibilité de cliquer sur images de la vidéo
pendant le visionnement, par exemple. Ces "vidéo liens"
permettront de cliquer sur les chaussures ou la cravate des acteurs...
et de les acheter. C'est pour quand? Demain.
Grâce au développement de la télévision numérique
par satellite et de deux bouquets concurrents, la France n'est pas en
retard dans le développement de l'interactivité dans l'audiovisuel.
C'est en tout cas ce que pense Julien Favre, qui, pour promouvoir cette
avance relative, lance ITV-Drama-Forum. Le terme "forum"
doit ici être compris au sens de ces forums qui développent
des normes techniques comme le DVD Forum ou le W3C. Sur le site, encore
en construction, on peut déjà lire, en anglais, l'actualité
de ce nouveau monde d'images et de sons.
--
Pierre Bastogne --
Clics officiels:
[http://www.nouvo.com/last/home/index.html]
[http://www.clicvision.com/]
[http://www.reservoir-net.com/]
[http://www.itv-drama.com/]
|
7. La saison des oscars du web
Les "awards"-prix américains destinés
à récompenser les sites internet- fleurissent en ce printemps.
La nomination d'eToys pour la catégorie Commerce des Webby Awards
donne d'ailleurs des boutons à certains intervenants de la liste
NetTime qui défendent l'idée que les prix doivent aussi récompenser
une attitude net-citoyenne. Et eToys par le procès qu'il a lancé
contre le collectif d'artistes allemand Etoy est loin d'être un exemple
en la matière.
Ces prix qui se multiplient, se disputent l'appellation "oscar du
web" et sont des manifestations très américaines:
les membres des jurys et les sites primés sont tous américains,
à quelques rares exceptions près.
En voici quelques uns:
--Webby
Awards, ou Webbys pour les branchés--
Le prix a été institué par l'IADAS (International
Academy of Digital Arts and Sciences) et comprend cette année
2000 nominés sur 27 catégories. L'élection se fait
par les internautes et par un jury (on y trouve David Bowie pour la
Musique, Francis Ford Coppola pour le Cinéma, John Perry Barlow
pour Communauté et Richard Stallman pour Science). Les résultats
sont tombés ce 11 mai au cours d'une soirée à San
Francisco, que l'on pouvait suivre en direct, à condition de
télécharger un assortiment de modules externes et surtout,
pour nous autres Français, de passer la nuit devant son ordinateur.
A l'heure où l'on met en ligne, on connaît pour chaque
catégorie le lauréat du public et le lauréat du
jury...et surtout le nom de l'internaute (dans un pop-up en page d'accueil
s'il vous plaît) qui vient de gagner une Audi (oui, une voiture!).
Dans la rubrique Art, est primé par le jury le très tendance
Web Stalker, un "hyperactive electronic zine" sur lequel
nous reviendrons dans un prochain numéro; le public a, lui, primé
l'intéressante oeuvre de Bill Viola exposée dans la galerie
virtuelle du SFMOMA. Dans la rubrique Commerce, on échappe à
eToys avec la réélection par le public d'Amazon et avec
Baby Center pour le jury. Dans 8 catégories sur 27, internautes
et jury ont voté pour le même gagnant: Napster pour la
Musique, Merriam-Webster Word Central pour l'Education, Cocky Bastard
pour les Pages Perso...
--Les
prix du SFMOMA--
Pour la première année, le SFMOMA (San Francisco Museum
of Modern Art), en association avec l'IADAS, lance son prix: le "Webby
Prize for Excellence in Online Art".
Ce 11 mai, le Webby Prize a été attribué à
Michael Samyn et Auriea Harvey pour leur oeuvre "entropy8Zuper".
Les heureux élus recevront 30 000 dollars et verront leur travail
exposé dans la galerie virutelle "e-space".
Un "Cyberfemmy award", destiné à récompenser
une femme artiste ou activiste, avait été annoncé
en février, mais il semble être passé aux oubliettes
numériques.
--Cool
Site of The Day--
L'élection du Cool Site of The Year est faite par les internautes.
C'est Boexerjam, site de jeux, qui a été récompensé
ce 27 avril. Le site thehungersite.com, plébiscité par
la catégorie Activisme, nous a intéressé et fera
l'objet d'une analyse dans le prochain numéro. Les catégories
(humour, cartoon, santé, enfants...) et les sites primés
sont très grand public.
--Website
Awards--
Avec son sous-titre "le plus prestigieux et le plus respecté
prix du web" et une interface un peu lourde, ce qui est étonnant
pour un prix qui se veut très design, on pouvait craindre le
pire. Mais ce n'est pas le cas et les sites primés sont plutôt
plus intéressants que la moyenne des autres award.
Les catégories sont au nombre de 24 et un jury assez nombreux
désigne un gagnant pour chaque catégorie avant de sélectionner
parmi les 24 "The" gagnant. La sélection 2000 n'est
pas encore là, mais l'an dernier la palme revenait à British
Airways. Dans la catégorie Art on trouvait un site suisse sur
Paul Klee. La catégorie Littérature récompensait
un site asiatique dont le contenu texte n'est pas accessible à
nos pauvres navigateurs latins. On s'incline devant une sélection
beaucoup plus internationale que les autres prix et on note l'absence
des éternelles rubriques Commerce et Humour.
Signalons que pour sa huitième édition, le prix Moebius
a sélectionné 50 titres qui sont présentés
succinctement sur le site. Le palmarès n'est pas encore connu.
--Maya
Kalsé--
Sources:
Wired mai 2000 p 94
Clics
officiels:
Webby Awards:[http://www.webbyawards.com]
Lauréat du jury catégorie Art: Web Stalker, [http://www.backspace.org/iod/iod4Winupdates.html]
Lauréat du public catégorie Art:[ http://www.sfmoma.org/EXHIB/viola/fr_splash.htmll]
Cool
Site of The Day: [http://www.coolsiteoftheday.com/awards.html]
Site primé: [http://www.Boexerjam.com]
Web
Site Awards: [http://www.websiteawards.com/f-index.html]
-Lauréat catégorie Art: [http://www.paulkleezentrum.ch]
-Lauréat catégorie Littérature: [http://www.ehon-artbook.com]
-Lauréat catégorie Corporate: [http://www.priceweber.com/]
SFMOMA:
[http://www.sfmoma.org]
Lauréat: [http://www.sfmoma.org]
Clic
interne:
"Le SFMOMA prend le tournant de l'art en ligne":
[http://altern.org/19clics/Numero04/2000-03-04.htm#6]
TECHNOLOGIE
8. Internet Explorer
5.5, joyau de l'égosystème de Microsoft
25% du coût d'un site web est attribuable aux incompatibilités
entre les navigateurs. Quel développeur n'a planché des
nuits blanches pour rendre son site accessible aux utilisateurs des différents
navigateurs aux différentes versions? On comprend dès lors
que développeurs et utilisateurs se soient unis pour convaincre
les éditeurs de navigateurs, essentiellement Nestscape et Microsoft,
d'utiliser des standards. Le Web Standard Project est une coalition internationale
qui regroupe des développeurs web et des utilisateurs luttant pour
l'établissement des standards sur le web. Le respect de ces standards
permet à des publics utilisant des plates-formes différentes,
et notamment aux handicapés, d'accéder aux contenus du web.
Ne souhaitant pas être une arène pour les batailles Netscape/Microsoft
comme il reproche au W3C de l'être devenu, le Web Standard Project
essaie de convaincre les navigateurs qu'il est dans leur intérêt
d'utiliser des noyaux standards pour le web. L'avantage est en effet de
rendre les contenus créés sous un éditeur X fidèlement
accessible sous un navigateur Y.
Mais respecter les standards, c'est être un peu plus compatible
avec ses concurrents et, lorsqu'on est en position dominante, comme c'est
le cas d'Internet Explorer aujourd'hui, on peut s'en moquer. En effet
si Microsoft était le champion des standards quand Netscape était
le leader des navigateurs, la version 5.5 d'Internet Explorer (encore
en version beta) dédaigne tout standard et leur oppose "la
liberté d'innover". Au nom de l'innovation (comme de passionnantes
barre de défilement en couleur), Microsoft développe des
technologies propriétaires qui renforcent la fragmentation du web.
Internet Explorer 5.5 est ainsi incompatible avec HTML4.0 qui permet notamment
aux aveugles d'accéder dans de bonnes conditions au web.
Le plus étonnant c'est que Microsoft abandonne le DOM (Document
Object Model) auquel il a contribué et qui donne aux programmeurs
l'accès aux données contenues dans des documents HTML et
XML. Microsoft aurait-il peur du pouvoir du DOM dans les mains des programmeurs
ou est-ce une simple allergie connue à tout ce qui pourrait se
rapprocher de la source ouverte?
L'opposition standard/innovation est un véritable leitmotiv des
nouvelles technologies; elle repose probablement plutôt sur des
oppositions de stratégies que sur une véritable incompatibilité
technique.
Pour les gens du WSP, "le web est un écosystème
qui meurt si les différentes formes de vie ne coopèrent
pas". Pour Microsoft, c'est peut-être un egosystème
où tous les autres n'existent pas.
--Elsa
Zakhia--
Sources:
Texte du WSP sur Internet Explorer 5.5: [http://www.webstandards.org/ie55.txt]
Texte du WSP sur Microsoft: [http://www.webstandards.org/wfw/ieah.html]
Pour ceux
qui insistent, la version beta téléchargeable: [http://msdn.microsoft.com/downloads/webtechnology/ie/iepreview.asp]
|
BILLETS
9. Le Canard
Enchaîné: Dauber, or not dauber?
Nous avons déjà signalé le curieux traitement fait
à l'internet par le Canard Enchaîné: du négatif,
rien que du négatif. C'est peut-être le propre d'un journal
satirique. Mais il est difficile de ne pas remarquer que l'hebdomadaire
favori de Norodom Sihanouk et de mon beau-frère ne traite pas
de cette manière là les livres, le cinéma ni même
la télévision.
Le Canard persiste dans son être canardeux avec un dossier "l@
folie internet- l'envers de la toile" coordonné par
Marc Laimé. Le principe du dossier est assez simple: c'est le
traditionnel double bind.
Exemples. Il n'y a pas assez d'ordinateurs dans les écoles, mais,
quand il y en a, on dirait "une succursale de Darty".
Microsoft, c'est moche, mais Linux fonctionne "à fond"
en conformité aux lois du marché (quelle horreur!). Le
parlement vote des lois en "catimini" contre Valentin
Lacambre et les fournisseurs d'accès, mais tout le dossier du
Canard est la reprise des arguments des partisans de la régulation.
MSF a recueilli 500 000F. grâce à l'aide "humanitaire"
mais Attali (PlaNet Finances) n'est pas clair sur ses royalties
etc.
A part ça, comme le dit Erik Emptaz dans sa présentation
(c'est d'ailleurs le seul article signé):
"Il ne s'agit pas, bien sûr, ici, de dauber gratuit sur
les nouvelles technologies, ni de dénigrer l'indéniable
outil économique et culturel (plus cul que turel) que représente
le Net".
Merci, Monsieur le Directeur, pour l'indéniable, l'économique
et le turel. Quand vous dauberez, ce sera payant?
--Edgar
Lulle--
Non-clic
officiel:
Le Canard Enchaîné
Clic
interne:
[http://altern.org/19clics/Numero04/2000-03-04.htm#13]
|
10. Qui aime le virus qui aime?
Personne n'a pu échapper au virus "I love you".
En effet sa propagation sur les ondes a été sans doute plus
forte encore que sur le Net, et à l'heure où ces lignes sont
écrites, on peut suivre, flash d'informations après flash
d'informations, l'arrestation imminente du coupable.
Deux commentaires.
- L'internet fait maintenant partie de la vie réelle puisque
quelque chose qui se passe sur l'internet et qui ne peut concerner que
les internautes pourvus d'une messagerie électronique, concerne
potentiellement les auditeurs de tous les médias généralistes.
Le Net n'est plus un monde à part.
- Les médias se vengent contre le Net, ce petit dernier turbulent
qui prend trop de place, en grossissant à l'extrême toute
nouvelle catastrophiste en provenance du réseau.
Ainsi, l'auteur de ce virus aura-t-il réussi un double exploit:
la pollution de nos ordinateurs et celle de nos oreilles.
Si les dernières informations sont vérifiées, ce
sera le plus grand pied de nez à tous les commentateurs. Le créateur
du virus serait une créatrice. Mais on ne sait pas encore si, comme
ses confrères masculins, elle est réputée boutonneuse.
--Pierre.Bastogne--
|
PARCOURS
11. Journalistes
et adresses électroniques: Une étude de mœurs au début du vingt et unième
siècle.
Supposons que vous souhaitiez contacter un journaliste, et supposons encore,
pour simplifier le jeu, que ce journaliste soit, comme vous, quelqu'un
qui s'intéresse à l'internet et "à toutes ces
choses". Une hypothèse pourrait vous traverser l'esprit: pourquoi
pas lui envoyer ce qu'il est convenu d'appeler un courrier électronique,
opération qui nécessite de disposer au préalable
de son adresse électronique. Cette opération qui vous semblait
d'abord bénigne va se révéler fort compliquée
et, plus d'une fois, vous aurez le sentiment que le journaliste, ou plutôt
son journal, semble vous répondre, comme Bartleby, "I would
prefer not", "J'aimerais mieux pas".
Voici les résultats fort peu scientifiques de ma propre tentative,
sur 14 périodiques.
Première constatation: pas d'adresse électronique sur le
papier des quotidiens de référence.
Ca fait parvenu. N'essayez donc pas de les relever dans le Monde, Libération,
la Tribune, les Echos.
Les magazines grand public hésitent. Web Magazine vous donne la
recette pour fabriquer les adresses à partir du nom..Net (c'est
leur nom: "point net" à l'oral) donne des e-mails personnels.
Comme Yahoo Internet Life, à la différence du journal d'AOL,
qui se limite à une adresse collective. Si vous voulez vous adresser
à Freddy Mini qui dirige les deux publications, regardez dans Yahoo.
Même hésitation chez les magazines branchés. Un citron
jaune toutes catégories pour le souvent joli et toujours tendance
"Crash". Aucune possibilité de joindre ses auteurs ou
contributeurs par courrier électronique, ni sur le magazine, ni
sur le site. Un peu paradoxal pour une revue high and low tech. Transfert
donne directement et simplement les adresses de ses collaborateurs. Technikart
patauge.
Voilà pour le papier. Et sur le net?
Sur les sites, l'affichage des adresses électroniques des journalistes
obéit à des règles d'usage assez mystérieuses.
Parmi les quotidiens, Libération est le plus "démocratique",
donne des adresses électroniques à tous ses journalistes,
et les donne toutes à ses lecteurs. Le cahier multimédia
doit pourtant se contenter d'une adresse collective. C'est le sort aussi
des journalistes papier du Monde et de la Tribune. Les équipes
d'édition électronique de La Tribune ont des adresses personnelles.
Parmi les sites, seul ZDNet donne les adresses de tout le monde, y compris
techniciens et administratifs (c'est ça une boîte moderne).
Le Journal du Net donne peu d'adresses personnelles, une adresse collective,
et une liste sans attributions.
Dernière constatation: avec ou sans adresse, mieux vaut connaître
le nom du journaliste qui suit l'internet. Les organigrammes associent
précision byzantine sur les titres et flou artistique sur les sujets
couverts. Dans l'organigramme du Monde, il semblerait que les sujets "société
de l'information" soient traités dans la "séquence"
"Aujourd'hui". Libération ne signale pas qui est chargé
de suivre l'internet.
Le courrier électronique personnel est l'indice à la fois
de la modernité des institutions et de leur démocratisation.
Dans la presse, elle rencontre les mêmes difficultés que
dans les entreprises et les administrations. Le courrier électronique
pourrait (peut être) permettre des échanges plus intéressants
entre lecteurs et journalistes. Les lecteurs pourraient (peut être)
joindre non seulement les ténors, mais aussi les pigistes, les
contributeurs occasionnels, d'autres lecteurs.
Conclusion provisoire: le courrier électronique personnel n'est
pas tout à fait entré dans les murs de la presse.
--Edgar
Lulle--
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