N°11
édition du 21 juin 2000
bi-mensuel de l'internet
culturel et politique
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1. L'automne du désenchantement.
Rien ne va plus vraiment au pays des start-up et des jeunes pousses.
Il y a un an, nous connaissions les flonflons de la nouvelle économie. Cela semble bien fini. Qu'on en juge. En France, le groupe Arnault semble pris de doute alors que la cote de sa marque de fournisseur d'accès "Libertysurf" ne cesse de baisser. En Europe, c'est le gentil portail suédois "Spray" qui est racheté par le géant Lycos. On murmure que les dirigeants ne voyaient pas comment atteindre rapidement le seuil de rentabilité. Aux États-Unis, MTV interactive repousse sine die son introduction en bourse et se déleste d'une bonne centaine d'employés alors que le portail de divertissement "Pop", sur lequel Spielberg et quelques autres avaient misé, ne verra sans doute pas le jour. Une des premières télévisions sur l'internet "Pseudo" arrête les frais et les entreprises qui tenaient la tête d'affiche ne cessent de débaucher. L'époque sonne aussi la fin des petits prodiges et le retour de managers seniors. Ainsi, par exemple, Philippe Jaffré, ancien PDG d'Elf Aquitaine rejoint Zebank.

Au delà des investissements trop rapides sur des projets sans grand bon sens, au delà des effets de mode et des modèles économiques copiés qui nous ont été servis toute l'année écoulée, quels débuts d'explication peut-on donner à ce désenchantement?
D'abord la réalité de l'internet lui-même: une technologie imparfaite. On l'a dit et redit, cela reste encore trop compliqué. Les ordinateurs plantent, les programmes bloquent, les systèmes d'exploitation s'encrassent et ralentissent. L'internet garde un aspect de bricolage et d'outil expérimental non achevé. Ensuite, des débits encore trop faibles. En effet, les hauts débits se font attendre. Les opérateurs payent des milliards pour acheter des fréquences mais en attendant, on rame toujours autant. On nous présente le Wap comme une révolution avant de dénoncer la supercherie et d'en annoncer la mort. La plupart des utilisateurs restent sur les vicinales de l'information. De plus, les usages de l'internet restent indéfinis. L'internet marchand s'est fait à coups d'injonctions plus que de propositions: vous devez acheter à distance, vous devez acheter aux enchères, vous devez former des communautés. Mais ce qui marche, en réalité, c'est surtout le courrier électronique, qui est, lui, en passe de devenir universel et qui permet à peu de frais, en fichier attaché, d'échanger les photos de ses vacances. Est-ce l'internet qui est en cause ou ce que l'on essaye d'en faire? Ce qui est intéressant dans l'internet, c'est avant tout le réseau, la possibilité d'avoir des échanges et des activités en réseau. Le protocole IP n'a jamais été fait pour acheter des billets d'avion en ligne. On essaye de faire de l'internet un Minitel en couleur. Alors, et c'est normal, cela n'a pas grand intérêt. Autre point, il faut replacer l'internet dans l'ensemble des technologies et des applications numériques. Pourquoi ferait-on sur l'internet ce que l'on peut faire sur une télévision interactive? Pourquoi écouter de la musique sur un mauvais PC alors que l'on peut le faire sur un baladeur MP3? C'est dans ce paysage là que l'internet trouve sa place? Il ne sert à rien de le penser et de l'imaginer indépendamment de cet univers. Bref tout est encore à inventer.

Le livre électronique (e-book) n'a pas la même actualité pour tous.
Stephen King, premier auteur d'un best seller sur le net, vient de décider, après avoir consulté 700 lecteurs sur son site personnel, de vendre lui même, pour un dollar, un de ses premiers romans resté inachevé "The Plant" ("L'Usine").
Cet exemple n'a pas convaincu le patron d'Amazon. Jeff Bezos a déclaré au Salon du Livre Américain que King arriverait à vendre même un livre imprimé sur une banane.
Selon Bezos, le e-book s'imposera, mais pas sous sa forme actuelle, peu séduisante pour l'utilisateur, et encore inaboutie sur le plan technique. Bezos demande donc plus d'expérimentation.
Si le livre électronique avait pris la vedette du Salon du Livre de Paris, il a eu nettement moins de succès au Book Expo America, où ce sont les questions de droits d'auteur et de leur adaptation à l'internet qui ont occupé la première place.
Rightscenter.com présentait en particulier "The Global Literary Marketplace" une sorte de marché des droits littéraires sur internet.

Le numérique et le réseau accélèrent le développement du marché des droits des industries culturelles. Ce qui était vrai pour le cinéma et la musique le devient pour le livre.
Librairie en ligne, livre électronique, extension du libre aux textes, droit de copie: les professionnels du livre, les auteurs et les lecteurs sont au premier rang des transformations de la net-économie.
Une bibliothécaire figure en première page du supplément "Networking" du Wall Street Journal. C'est Marybeth Peters, la conservatrice de la Bibliothèque du Congrès chargée du Bureau du copyright. Elle croyait tenir un registre; elle est aujourd'hui en plein cœur de la tourmente numérique.
Pierre Bastogne (pierre.bastogne@caramail.com)

 



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