Sommaire
EDITORIAL
1. Les
professionnels du livre au cur de la tourmente numérique
ENJEUX
2.
Droit à l'anonymat: "Amendement Bloche", suite
et fin
3.Julia Fiona Roberts
reprend juliaroberts.com
4.La presse en ligne n'a pas la pêche
5.Nouveau
mais attendu: "Nouvelle presse"
LES CONTENUS
6. Dreamtime: la NASA en ligne
TECHNOLOGIE
7.Anoto: donnez-moi un stylo et du papier
8.La
toile relooquée avec un nud papillon
CULTURE
WEB
9.Enquête sur la cyberculture
10.DeadMedia:
l'arche des médias bruts
BILLET
11.En ligne et à la traîne
CLICS DE NOS LECTEURS
12.Le Canard Enchaîné: une lettre de Marc Laimé
13.Réponse
de 19clics à Marc Laimé
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EDITORIAL
1.Les
professionnels du livre au cur de la tourmente numérique
Le livre électronique
(e-book) n'a pas la même actualité pour tous.
Stephen King, premier auteur d'un best seller sur le net, vient de décider,
après avoir consulté 700 lecteurs sur son site personnel,
de vendre lui même, pour un dollar, un de ses premiers romans resté
inachevé "The Plant" ("L'Usine").
Cet exemple n'a pas convaincu le patron d'Amazon. Jeff Bezos a déclaré
au Salon du Livre Américain que King arriverait à vendre
même un livre imprimé sur une banane.
Selon Bezos, le e-book s'imposera, mais pas sous sa forme actuelle, peu
séduisante pour l'utilisateur, et encore inaboutie sur le plan
technique. Bezos demande donc plus d'expérimentation.
Si le livre électronique avait pris la vedette du Salon du Livre
de Paris, il a eu nettement moins de succès au Book Expo America,
où ce sont les questions de droits d'auteur et de leur adaptation
à l'internet qui ont occupé la première place.
Rightscenter.com présentait en particulier "The Global Literary
Marketplace" une sorte de marché des droits littéraires
sur internet.
Le numérique et le réseau accélèrent le développement
du marché des droits des industries culturelles. Ce qui était
vrai pour le cinéma et la musique le devient pour le livre.
Librairie en ligne, livre électronique, extension du libre aux
textes, droit de copie: les professionnels du livre, les auteurs et les
lecteurs sont au premier rang des transformations de la net-économie.
Une bibliothécaire figure en première page du supplément
"Networking" du Wall Street Journal. C'est Marybeth Peters,
la conservatrice de la Bibliothèque du Congrès chargée
du Bureau du copyright. Elle croyait tenir un registre; elle est aujourd'hui
en plein cur de la tourmente numérique.
Francis
Linart
Source:
[http://www.wirednews.com/news/]
article de M.J.Rose du 01/06/00
Clics
officiels:
[http://www.bookexpoamerica.com]
[http://www.stephenking.com/]
The Wall Street Journal Europe du 15/06/2000 article de Anna Wilde Mathews.
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ENJEUX
2.Droit à l'anonymat: "Amendement
Bloche", suite et fin.
L'"amendement Bloche"
a donc été adopté définitivement par l'Assemblée
Nationale, le 16 juin, en troisième lecture, et dans une version
assez différente de la première mouture.
Voici nos commentaires:
A.
Dans
la loi sur la communication audiovisuelle, ou dans la loi "société
de l'information"?
Dans les semaines récentes,
des associations opposées à l'amendement demandaient qu'il
soit retiré de la loi de communication audiovisuelle et reporté
à la loi "société de l'information",
préparée par C.Pierret, secrétaire d'Etat à
l'Industrie.
A part gagner du temps, on comprend mal le sens de cette proposition.
Les sujets traités par l'amendement: responsabilité, identification,
anonymat, portent d'abord, et manifestement, sur la liberté d'expression.
Ils engagent le fonctionnement de l'internet comme espace public et
organisent les droits des internautes par rapport à cette nouvelle
liberté d'expression. Ils doivent donc être traités
à l'occasion d'une discussion sur la communication publique,
et non pas dans le cadre d'une loi centrée sur les aspects économiques
de la "société de l'information", et
conditionnée nécessairement par les intérêts
des opérateurs économiques. Evidemment, la "communication
audiovisuelle" appliquée aux services internet est une
pure fiction juridique. Mais tant que cette fiction est conservée,
le fait de bien marquer les différences entre la communication
sur l'internet et toutes les autres formes de communication publique
est nécessairement positif. Nous considérons donc comme
positive la création d'une notion de "services de communication
en ligne autres que de correspondance privée".
B.
Un point positif: le droit à l'anonymat pour les internautes
(art 43-6-4.II).
L'aspect le plus positif de la nouvelle législation
est la reconnaissance du droit à l'anonymat sur l'internet,
c'est à dire la possibilité de ne pas indiquer son identité
sur le site. Les internautes individuels bénéficient
de ce droit qui, au plan légal, n'existera que pour l'internet.
Cette disposition est capitale parce qu'elle reconnaît que l'internet
fournit un moyen d'expression à des groupes ou des individus
qui n'en ont pas d'autres. Les salariés d'une entreprise, les
habitants d'une commune, les agents de l'Etat, les consommateurs,
les usagers des services publics pourront s'exprimer sans être
limités par des pressions en retour sur l'emploi, le salaire,
le logement ou la réputation. Inévitablement, cette
nouvelle possibilité conduira à remettre en question
de nombreuses limitations légales ou pratiques de la liberté
d'expression. L'anonymat est une condition sine qua non de cette extension
de l'expression directe.
Cette disposition est confortée par l'obligation faite aux
hébergeurs de garantir la confidentialité de l'identité
des auteurs des sites, sauf en cas de procédure judiciaire
(art.43-6-3.3ème §). Il s'agit là réellement
d'une avancée, puisqu'aujourd'hui certains hébergeurs
n'hésitent pas à traiter directement avec les plaignants,
en leur communiquant les identités des auteurs, parfois même
à l'insu de ces derniers.
C.L'obligation
d'identification: discutable (art.43-6-3).
La disposition sur l'identification
est plus discutable et plus discutée. Tous les sites doivent
s'identifier auprès de l'hébergeur.
On a retrouvé sur cette disposition le clivage français
habituel entre républicains et libéraux. Les "libéraux"
étaient partisans du système actuel d'identification
"contractuelle", entre hébergés et
hébergeurs, qui donne à l'hébergeur tous les
pouvoirs pour organiser l'identification, mais laisse à l'hébergé
le choix d'être honnête ou non dans son identification.
Les "républicains" voulaient une obligation
légale d'identification, gérée par l'Etat (c'est
en théorie le système actuel, depuis le Minitel) ou
déléguée à l'hébergeur, ce qui
selon eux devait permettre à la fois d'identifier les vrais
responsables et d'encadrer légalement l'identification. Le
maintien, même adapté, du système du minitel aurait
été une décision aberrante sur un plan pratique,
mais aussi un très mauvais signe pour les libertés.
C'est la deuxième méthode qui a été retenue.
L'internet sera donc le premier média rompant avec cette tradition
bureaucratique d'autorisation, de déclaration, ou d'enregistrement
par l'administration.
En dernière lecture, les peines prévues en cas d'irrespect
de cette identification ont été supprimées. Et
l'hébergeur n'a pas à contrôler l'identification.
On peut donc penser que le non respect de l'identification sera surtout
utilisé par les juges, en cas d'infraction sur les contenus,
comme facteur aggravant.
Le fait d'imposer l'identification par la loi reste néanmoins
discutable.
D.
Les prestataires techniques, principaux bénéficiaires de
la loi (Art 43-6-2)
Les prestataires techniques, hébergeurs
et fournisseurs d'accès, sont les principaux bénéficiaires
de la nouvelle législation. Certes, ils préféraient
la première version de l'amendement qui les exonérait
de toute responsabilité, tout en leur permettant de faire leur
propre police sans base légale. Mais le résultat final
leur est très favorable. Les fournisseurs d'accès sont
dégagés de toute responsabilité. Les tentatives
des Sociétés d'auteurs de leur imposer une responsabilité
sur les dispositifs de protection des droits, inspirées par la
législation américaine, ont été repoussées
par le gouvernement et les députés, malgré un bon
accueil des sénateurs. Quant aux hébergeurs, ils sont
irresponsables a priori, et tenus seulement d'avoir une réaction
adaptée ("procéder aux diligences appropriées"
dans le jargon juridique) s'ils sont saisis par une personne concernée.
Autrement dit, la loi se rapproche de très près de leurs
pratiques; et elle conforte les jugements récents qui avaient
relaxé Multimania, qui avait pris des "diligences normales",
et condamné Yahoo, qui s'y refusait.
D'autre part, la loi, en écartant la surveillance a priori, prive
de toute base légale les opérations de contrôle
des sites menées par certains hébergeurs.
Conclusion: Liberté des internautes
ou sécurité des opérateurs ?
La discussion sur l'amendement Bloche a été passablement
confuse. Et l'essentiel de cette confusion, c'est qu'on a mélangé
à tout propos les revendications des opérateurs techniques
et les droits des internautes.
Or les opérateurs veulent plus de sécurité; ils
ne veulent pas être tenus responsables des contenus. Mais les
internautes veulent plus de liberté. Ils veulent voir reconnaître
sur le plan légal les libertés qu'ils ont acquises sur
l'internet, comme l'expression libre et l'anonymat. Ils ne veulent pas,
a contrario, se voir imposer les contraintes propres aux autres médias,
comme la déclaration préalable, ni voir leurs droits rognés
à cause des "risques du numérique", comme
ce pourrait être le cas pour la copie privée.
Valentin Lacambre, animateur d'altern, notre hébergeur, considère,
d'après Florent Latrive, que les mesures provoqueront "un
coup de Karcher sur l'Internet français: les gros pourront résister
aux procédures juridiques, mais pas les petits indépendants".
Cette remarque était très justifiée pour une obligation
de surveillance a priori, qui non seulement aurait coûté
cher aux hébergeurs, mais aurait surtout légalisé
une police des hébergeurs sur le dos des internautes. Elle ne
l'est plus avec une loi qui n'impose à l'hébergeur de
réagir que s'il est au préalable informé. Il existe
encore un risque que certains saisissent de manière abusive les
hébergeurs, pour obtenir une censure, ou les menacer en cas de
poursuite judiciaire. Mais les hébergeurs, dans l'ensemble, sont
mieux protégés avec la loi.
Francis
Linart
Sources:
[http://www.liberation.fr]
article de Florent Latrive du 19/06/2000
Clics officiels:
[http://www.assemblee-nationale.fr/2/2textes-a.html]
[http://www.patrickbloche.org/]
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3.Julia
Fiona Roberts reprend juliaroberts.com.
L'organisme qui gère les noms de domaine, l'I.C.A.N.N,
vient de prendre une décision importante en considérant
qu'une personnalité célèbre avait des droits sur
son nom qui lui permettait de récupérer les noms de domaine
déposés par des indélicats.
La plaignante était Julia Fiona Roberts, l'actrice de Pretty Woman
et Erin Brockovich.
La défense était Russel Boyd, qui dans son genre semble
lui aussi être un artiste, dans la catégorie comique. Pour
justifier qu'il n'avait pas demandé à Julia Roberts l'autorisation
de déposer son nom, Boyd a dit à la commission qu'il trouvait
J.Roberts "nifty crazy wacko cool". Lui, en tout cas,
vraiment wacko cool, ne s'était pas contenté de déposer
le nom de l'actrice et de plusieurs autres célébrités,
il les avait mis aux enchères sur ebay et venait de se voir proposer
2550 dollars pour juliaroberts.com (c'est donné).
Cette affaire est le cas 2000.0210 du Centre d'arbitrage et de médiation
de l'Organisation Mondiale de la Propriété intellectuelle,
qui règle ces questions pour l'ICANN.
Les arguments de la commission sont les suivants:
1/
Il y avait confusion d'identité.
2/ L'actrice a un intérêt
légitime, la commission citant ici une décision récente
de la justice anglaise qui considère que, traditionnellement ("common
law"), des éléments de propriété industrielle
sont attachés au nom de l'auteur.
3/ Wacko Cool Russel Boyd
n'a pas d'intérêt légitime, n'ayant ni réellement
exploité commercialement le site qu'il avait créé,
ni pu prouvé qu'il était connu couramment sous le nom retenu
pour le domaine, ni fait un usage loyal, non commercial du nom de domaine.
Ce dernier cas pourrait protéger les admirateurs honnêtes
et bénévoles des personnalités.
4/ Ergo,
Russel Boyd a fait preuve de mauvaise foi, aggravée par la mise
aux enchères.
Cette décision est importante parce qu'elle réintroduit,
dans un domaine où le droit commercial, le droit des marques occupe
pour le moment toute la place, un élément de droit des personnes,
proche des logiques de "droit moral des auteurs" ou de
"droit à l'image". La référence
à la décision anglaise tend à montrer que les écrivains
ou les artistes pourraient éventuellement s'opposer à des
tentatives d'exploitation illicite de leur nom.
Edgar Lulle
Clic officiel:
[http://www.arbiter.wipo.int/domains/decisions/html/d2000-0210.html]
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4.La
presse en ligne n'a pas la pêche.
Les temps changent et les fables aussi. Les fourmis
ayant chanté tout l'hiver se trouvèrent bien dépourvus
quand l'été fut venu. C'est un peu ce qui arrive aujourd'hui
à la presse en ligne: statut des journalistes et rémunérations
en question, modèles économiques en suspens... L'été
commence mal. Il suffit de lire le très bon article que Libération
a consacré à ce sujet.
Quelles réflexions cela suggère-t-il?
1/On sait depuis longtemps
que les entreprises de presse traditionnelles ont des économies
fragiles. On pensait que cette fragilité venait, pour une bonne
part, des coûts du papier et du portage au regard du prix que
les lecteurs sont prêts à payer les publications. Avec
la presse en ligne, on s'aperçoit maintenant que cette fragilité
est aussi d'une autre nature. Les titres semblent avoir vocation à
être gratuits pour le lecteur final et il n'est pas certain que
parrainage et publicités suffisent à financer les titres,
surtout les nouveaux.
2/On sait aussi que, parfois,
les difficultés financières des entreprises de presse
en ligne peuvent avoir des conséquences sur l'indépendance
des lignes éditoriales. Quand on est aux abois, on est parfois
tenté d'être moins regardant sur la déontologie.
3/La France a un système
d'aides pour la presse, y compris électronique. N'y ont accès
que les entreprises qui ont un statut d'entreprise de presse. La France
justifie ce système d'aides à la presse papier par l'exigence
du maintien de la diversité et du pluralisme.
En conclusion, tout porte à croire qu'il faudrait
inclure les entreprises de presse en ligne dans la grande famille des
entreprises de presse et étudier pour elles un système d'aides
adapté. Expliquer l'absence d'aides par l'absence de coût
de portage ou d'impression serait se tromper gravement et confondre une
aide politique à objectif démocratique avec une rente corporatiste
dans une économie assistée. Mais il faudra un courage certain
pour revoir les grands et les petits équilibres de la presse en
France.
Pierre
Bastogne
5.Nouveau mais attendu: "Nouvelle
presse".
Le 19 juin, plusieurs patrons de nouvelles entreprises
de presse électroniques ont lancé l'association "Nouvelle
presse" à l'occasion du colloque présidé par
le député Markovitch sur l'internet et les libertés
publiques à la Mutualité.
"Nouvelle Presse" définit ainsi ses objectifs:
"sensibiliser les Pouvoirs Publics, les professionnels de l'internet,
l'opinion publique aux questions que soulève l'information sur
l'internet et plus généralement l'information numérique
diffusée sur les réseaux.".
La démarche de "Nouvelle Presse" se distingue sur deux
points:
1/Ses
membres semblent ne pas se reconnaître dans l'association du "Geste",
qui vient du Minitel et qui regroupe certes des organes de presse mais
aussi des gestionnaires de banques de données ou des patrons
de portails et de moteurs de recherche.
2/"Nouvelle presse"
se place délibérément dans un contexte de journalisme,
et plus particulièrement de journalisme d'opinion. Ses membres
souhaitent ne pas être confondus avec des sites de pur commerce
électronique. Le Web d'information se structure, on ne peut que
s'en réjouir. Mais la marche sera longue.
Une question enfin, "Nouvelle presse"
accueillera-t-elle des responsables de titres publiés sur le Web
par des associations ou des personnes privées, s'engageant à
respecter un certain nombre de règles? Le communiqué ne
le dit pas.
Marc Saltivert
Source:
[http://www.liberation.fr/multi/actu/20000612/20000612lunu.html
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LES CONTENUS
6.Dreamtime: la NASA en ligne.
Face à 13 concurrents et forte de ses 5 collaborateurs,
une jeune start-up californienne, Dreamtime, a décroché
le très convoité contrat de la NASA. L'enjeu est de taille
puisqu'il s'agit de la numérisation et de la mise en ligne des
films et documents sonores de la compagnie.
Ces archives, actuellement dispersées dans 10 centres, représentent
quelques 40 000 heures de vidéo, 3 millions de mètres
de films et 10 millions de photographies.
Dreamtime s'est engagée à créer le site dans les
six mois à venir. Le public pourra avoir accès librement
aux documents retraçant 80 années de l'histoire aéronautique
et spatiale d'ici 18 mois.
Le programme comprend, de plus, l'équipement de 4 navettes spatiales
et de la station spatiale internationale de caméras télévision
haute définition (HDTV) dont la résolution est annoncée
comme 6 fois supérieure à celle des caméras traditionnelles.
La NASA diffusera ainsi des images "live" sur le net permettant
aux internautes d'observer la vie à bord des navettes.
Un important programme de création de films éducatifs et
documentaires sera rapidement amorcé. La NASA espère des
recettes de la publicité bien sûr, mais aussi du marché
de ces films en direction de l'éducation et des télévisions
ainsi que de la vente de photographies haute résolution.
Les détails financiers ne sont pas encore communiqués. La
NASA souligne cependant qu'elle ne prend aucun risque et n'investit pas
d'argent dans Dreamtime. Le président de Dreamtime, Carleton Ruthling,
espère lever 100 millions de dollars auprès de capitaux
risqueurs.
Si l'équipe de Dreamtime est modeste en nombre, elle s'appuie sur
quatre partenaires conséquents: Excite at Home (d'où vient
d'ailleurs Carleton Ruthling), Lockheed Martin Corp., l'agence de publicité
Omnicom Group et Endeavor Agency.
Cette alliance exceptionnelle entre un organisme fédéral
et une société privée illustre l'importance du domaine
spatial dans les politiques de numérisation des contenus publics.
Catherine
Ficat
Sources:
[http://www.lesnews.com]
du 05/06/2000
The Wall Street Journal Europe du 05/06/2000
Clic officiel:
[http://www.dreamtime.com]
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TECHNOLOGIE
7.Anoto
: donnez-moi un stylo et du papier
Nous
ne l'avons pas vu, mais voilà ce que nous avons compris.
Anoto, c'est seulement un stylo et du papier.
Le papier est imprimé avec une trame de petits points (4 millimètres
carré) qui précisent la position exacte du stylo.
Le stylo comprend une partie mécanique traditionnelle qui permet
à l'opération de se rattacher d'assez près à
la pratique de l'écriture manuscrite. Mais il comprend surtout
une partie électronique: caméra, capteur de force, ordinateur
et émetteur utilisant la technologie de transmission Bluetooth,
qui se développe dans la téléphonie mobile, et les
assistants du type Palm et Psion.
D'après la démonstration que nous vous conseillons d'aller
voir sur le site, l'utilisateur écrit son texte (à la main),
et coche sur un emplacement de la feuille de papier pour envoyer le texte
comme message électronique à son destinataire.
Anoto combine donc deux modèles technologiques.
D'un côté, il s'agit d'une nouvelle tentative pour présenter
une interface de saisie plus habituelle, plus légère, et
moins fragile que l'ordinateur. La caractéristique, ici, est la
combinaison de la caméra numérique et du papier pour améliorer
la qualité de l'enregistrement de l'écrit. Pour le moment,
il n'est pas question de reconnaissance de l'écriture. Anoto transmet
donc du "manuscrit".
Mais la principale originalité est l'intégration de la technologie
Bluetooth, Le stylo ne nécessite pas l'utilisation d'un PC et permet
de communiquer à distance.
Anoto a été inventé par le suédois Christian
Fahraeus, créateur de la société du même nom,
filiale de C-Technologies. Le procédé intéresse Ericsson,
qui porte la technologie Bluetooth, et a prévu de produire 10 millions
de stylo Anoto, probablement pour le marché japonais. L'impression
du papier pourra être faite par les utilisateurs eux même
qui en récupéreront le modèle sur l'internet.
Edgar
Lulle
Sources:
[http://www.interactive.wsj.com/home.html]
article d'Almar Latour dans le Wall Street Journal du 08/06/00.
[http://www.pencomputing.com]
Clics officiels:
[http://www.anoto.com]
avec une démonstration compréhensible; commencer par ce
site.
[http://www.bluetooth.com]
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8.La toile relooquée avec un nud papillon.
Aux dernières nouvelles, émanant des
mathématiciens et chercheurs d'Altavista, de Compaq et d'IBM, le
web serait un gros nud papillon.
Le centre (sur le nud proprement dit) rassemble les pages hyperconnectées
et représente 30% des sites. L'aile gauche du papillon (à
droite quand ces messieurs se regardent dans le miroir) concerne les sites
dont les liens renvoient au centre. Il s'agit des sites nouveaux, sorte
d'entrée vers le web ("in") représentant un petit
quart du web. Et symétriquement, l'aile droite du papillon regroupe
les sites qui sont accessibles par le centre mais n'y renvoient pas. Représentant
également un quart, ce groupe de sites est appelé "out".
Reste un petit quatrième quart, constitué de filaments connectés
à l'une des ailes mais pas au cur: ce sont les micro-univers
complètement déconnectés du web.
Cette nouvelle modélisation devrait aider
les moteurs de recherche à "développer des méthodes
de collecte de pages plus sophistiquées. C'est indispensable pour
atteindre l'aile d'entrée du papillon et les filaments",
dixit les chercheurs d'IBM. En effet, pour le moment les moteurs n'indexent
que les sites du coeur (et par conséquent l'aile de sortie).
Cette nouvelle représentation remplace la
vision finalement assez théorique de la Toile d'araignée
dans laquelle tous les sites, moyennant un certain nombre de clics, sont
connectés entre eux. Une université américaine avait
déduit, fin 1999, qu'il fallait en moyenne 19 clics pour relier
deux sites quelconques. L'étude sur le centre du papillon conclut-elle
à une distance moyenne de 16 clics.
Au rythme où vont les études et s'il
nous fallait mettre à jour le titre de notre e-zine, on risque
de s'appeler bientôt "cravate à pois" ou
encore "bigoudi"
Maya
Kalsé
Source:
Libération, 17/05/00 "le Web est un gros nud pap"
Clic officiel:
[http://www.almaden.ibm.com/cs/k53/www9.final]
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CULTURE WEB
9.Enquête sur la cyberculture.
Qu'est ce que la cyberculture?
19clics vous propose de participer à une enquête collective
sur cette question.
Y a-t-il une culture commune à l'ensemble des internautes, ou simplement
à la fraction la plus active, la plus mobilisée d'entre
eux?
La notion de "cyberculture" recouvre-t-elle cette culture commune,
ou bien n'est-elle qu'un moment caractéristique d'une phase déjà
dépassée du développement du cyber-espace?
La cyberculture est elle exclusivement américaine, et, sinon, quelle
est sa place en Europe et en France?
Quelles sont les composantes de la cyberculture: l'activisme, l'expérimentation
technologique et médiatique, l'adhésion aux différentes
philosophies de liberté, d'ouverture, de communication
?
Nous souhaitons à la fois ouvrir un débat et dresser, avec
vous, la carte de la culture-internet.
Cette enquête utilisera différents moyens:
1/un
questionnaire que nous adressons à nos abonnés et que
nous proposons à tous nos lecteurs. Lisez le, utilisez le librement.
Ce n'est pas un sondage, ni un test, mais simplement un support pour
donner votre point de vue. Vous pouvez répondre partiellement.
Vous pouvez donner vos réponses de manière anonyme, ou
vous présenter succinctement.19clics publiera les réponses.
2/des contributions que
nous demanderons à des "personnalités", c'est-à-dire
des personnes, connues ou inconnues, dont le point de vue nous intéresse.
3/des articles qui, sur
plusieurs numéros, présenteront des expériences
qui nous semblent significatives de la cyberculture.
Dans ce numéro: le questionnaire, et un article
sur le Dead Media Project.
La
cyberculture: le questionnaire (12 questions)
|
1.Quelles
sont les personnalités les plus représentatives de la cyberculture?
2.Parmi ces
personnalités, quelles sont celles dont vous vous sentez le plus
proche?
3.Quels sont
les projets, les événements, les groupes, significatifs
de la cyberculture?
4.Parmi eux,
lesquels vous intéressent le plus?
5.Quels sont
les thèmes importants de la cyberculture?
6.Auxquels êtes-vous
le plus attachés? Lesquels vous sont indifférents? Lesquels
désapprouvez vous?
7.Pouvez vous
donner des noms de sites, de livres, d'uvres, de revues qui relèveraient
de la cyberculture?
8.Quelles sont
les technologies caractéristiques de la cyberculture?
9.Est-ce que
le débat "low tech contre high tech" vous intéresse?
10.Quelle différence
entre les cybercultures américaine et européenne ou française?
11.Y a-t-il
une politique de la cyberculture?
12.Quelle serait votre définition
de la cyberculture?
Répondre au questionnaire:
Il vous suffit d'envoyer sur "mail
libre" vos réponses figurant ci-dessus
en copiant/collant auparavant la ou les questions. Et n'oubliez pas que
vous pouvez répondre partiellement.
Adresse d'envoi: 19clics@altern.org
|
10.DeadMedia: l'arche des médias bruts.
Si un projet mérite d'être considéré
comme significatif de la cyberculture, c'est bien le Dead Media Project,
lancé et longtemps piloté par Bruce Sterling.
Le projet peut être décrit comme l'inventaire, la nomenclature
de tous les médias disparus. Pour l'essentiel, c'est une liste
de notices qui identifient le média et proposent des sources. Par
exemple, le Scopitone est défini comme un "juke-box visuel",
créé en France en 1963, et disparu à la fin des années
60. La notice donne encore la référence à un article
américain de 1995, l'adresse d'un collectionneur et mentionne plusieurs
expositions. Avec le "DeadMedia", vous saurez toute l'histoire
de la copie au carbone, la vraie, pas celle du courrier électronique.
Ceux qui étaient déjà nés en 68 seront étonnés
d'apprendre qu'Edison avait concurrencé Gestetner pour l'invention
d'un crayon électrique à graver les stencils.
Le point de départ du projet, c'est notre ignorance abyssale de
ce que sont les médias au niveau le plus matériel. Nous
"naturalisons" le livre, la télévision
et considérons comme "normal" l'usage que nous
en avons. Dead Media nous montre qu'il n'y a pas de déterminisme
des supports d'expression. Régis Debray veut créer une "médiologie",
mais Sterling met en place une véritable "médiographie".
La cyberculture, c'est déjà ça: prendre au sérieux
les technologies de communication.
Le projet lui même est inconcevable en dehors de l'internet. C'est
un grand projet "muséographique", mais précisément
sans musée, et sans muséographie, dont la force intellectuelle
enfonce la plupart des projets de musée virtuel connus à
ce jour. Il est fabriqué en réseau, avec quelques règles
simples, et sans prétention à une quelconque validité
scientifique. Vous trouverez peut être que les médias que
vous connaissez sont traités légèrement, mais, à
coup sûr, vous apprendrez quelque chose.
Par son origine, c'est aussi une bonne introduction à la cyberculture.
Sterling, comme Gibson, est un des auteurs de science-fiction qui ont
popularisé la notion de cyber-espace. Il était une des figures
de proue du mouvement cyberpunk dont il a édité une anthologie:
"Mirrorshades: the cyberpunk anthology".
Il travaille avec the Well (Whole Earth'Lectronic Link), créé
en 1985 par Steward Brand et Larry Brilliant. The Well est un forum cyberpunk
mythique, aujourd'hui rattaché à Salon.com, et qui comprend
260 conférences thématiques.
Si vous n'avez pas attrapé une indigestion de cyber-radicalisme
(tendance historique), vous trouverez sur le site de Sterling un lien
sur le fameux "Temporary Autonomous Zones" d'Hakim Bey.
C'est Latrive qui, en France, a fait connaître "DeadMedia
Project" au grand public, en 1998.
La gestion du site vient d'être reprise par Tom Jennings.
Edgar Lulle
Source:
[http://www.libération.fr/multi/cahier/articles]
article de Florent Latrive, 10/07/98
Clics officiels:
[http://www.wps.com/dead-media/index.html]
[http://www.well.com/conf/mirrorshades/]
site personnel de Sterling
[http://www.flashback.se/archive/taz/]
le texte d'Hakim Bey
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BILLET
11.En ligne et à la traîne.
Deux opérations financières importantes
ont été abondamment commentées dans la presse:
le rachat de l'opérateur britannique Orange par France Télécom
pour plus de 300 milliards de Francs et la fusion de Vivendi et de Seagram
pour créer Vivendi Universal.
Les deux opérations sont fort différentes
mais laissent le même goût de "déjà
vu".
France Télécom a subi plusieurs échecs,
depuis quelques années, dans ses tentatives de prendre pied sur
le marché européen. L'opérateur historique achète
- cher - Orange et ses abonnés de téléphonie mobile.
Certains disent que c'est trop cher. Ce qui est certain, c'est que France
Télécom n'a pas donné le mouvement. On peut même
avoir l'impression que c'est l'opération de la dernière
chance.
Pour Vivendi, l'exemple cité est bien évidemment
la fusion mythique entre AOL et de Time Warner. Cependant Vivendi Universal
aura une capitalisation boursière deux fois moins élevée
que AOL Time Warner. L'opération semble un "remake"
et ne passionne pas les foules.
Plusieurs remarques sur ce sujet. Est-ce que les
patrons français n'ont aucune imagination? De loin, de l'extérieur,
il semble qu'ils copient leurs stratégies sur des modèles
éprouvés. Il en est d'ailleurs de même pour les
investissements dans les Start up qui copient des modèles anglo
saxons. De plus, leur stratégie n'est pas vraiment tournée
vers l'internet et reste marquée par les visions du monde télécom.
On achète des abonnés, oui, mais des abonnés au
téléphone. On achète des contenus, oui, mais des
contenus "traditionnels". C'est peut-être cela
qui vaut à Vivendi d'être qualifié par The Wall
Street Journal de "web deb".
Quand Téléfonica achète Lycos,
l'effet de surprise est total et l'on se dit que quelque chose change.
Quand France Télécom rachète Orange ou quand Vivendi
achète Seagram, on se dit qu'ils veulent faire comme les grands.
Marc Saltivert
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LES CLICS DE NOS LECTEURS
12.Le Canard Enchaîné: une lettre de
Marc Laimé
«
Le propre d'un journal satirique est d'exercer une fonction critique,
dont le moins que l'on puisse dire à propos de l'internet est que
l'ensemble des médias défaillent gravement à l'exercer...
Ayant assumé la coordination de ce numéro, je conçois
à la lecture de "19clics" que l'analyse du "Libre"
vous ait particulièrement agacé... Mais comment ne pas persister
dans "l'être canardeux" quand on constate par exemple,
sur ce point, que l'un des grands prêtres français dudit
"Libre" exerce par ailleurs des activités professionnelles
chez Dassault! Si je vous lis bien, on ne saurait donc émettre
le moindre bémol quant au fonctionnement de Linux "en conformité
aux lois du marché." Et pas davantage s'interroger sur les
nombreuses activités de M. Jacques Attali.
Quant à la régulation du Net, horresco referens... Curieuse
conception du pluralisme d'opinion et de la liberté de la presse!
Pour information, aucun des responsables des nombreuses autres "dérives"
pointées dans ce dossier n'a jugé bon de mettre en cause
les informations publiées.
Vous parlez de "double bind", votre
billet en est la parfaite illustration. Exciper de je ne sais quelle spécificité
du réseau pour légitimer tout et n'importe quoi ne m'apparaît
pas de nature à conforter les valeurs que vous revendiquez. A cet
égard votre approche des problématiques de la syndication
dans ce même numéro témoigne, à contrario,
que nos positions ne sont peut-être pas aussi éloignées
que cela... Quoique pour ce qui concerne la polémique relative
aux droits d'auteur et aux liens hypertextes, sujet sur lequel j'ai travaillé
par ailleurs (in "Les Nouveaux Barbares du Journalisme Numérique":http://www.rezo.net/barbares.html),
le même clivage apparaisse à nouveau...
En résumé, je ne cesse de m'étonner
qu'après avoir pu constater à quel point les tenants de
la marchandisation effrénée de tout échange sur le
réseau ont su instrumentaliser, à leur plus grand profit,
les "idéaux libertaires fondateurs", l'on puisse,
comme vous le faites peu ou prou, continuer à avaliser des réalisations,
pratiques..., qui se situent à l'exact opposé desdits idéaux
fondateurs. Institutions et corps social, déstabilisés par
cette nouvelle donne, je vous l'accorde volontiers, opteront inévitablement
pour une stricte régulation des excès précités.
Au risque ce faisant de réduire par là même le champ
d'expérimentation et de liberté que vous revendiquez. C'est
cet étrange mécanisme
qui m'interroge de plus en plus.
Pour le reste, félicitations
pour 19clics.
Cordialement.
»
Marc Laimé,
coordonnateur du numéro spécial "internet @ la folie"
du Canard Enchaîné"
Clic interne:
Article sur lequel Marc Laimé réagit: "Le Canard Enchaîné:
Dauber, or not dauber?" [http://altern.org/19clics/Numero08/2000-05-08.htm#9].
Autre article cité: "Attention syndication" [http://altern.org/19clics/Numero08/2000-05-08.htm#3].
|
13. Réponse de 19clics à
Marc Laimé.
«
Merci d'abord pour votre message et vos félicitations finales.
L'article de 19clics sur le numéro spécial du Canard Enchaîné
était un "billet d'humeur" inspiré par
l'étonnement de constater que la vision qu'a le Canard Enchaîné
de l'internet est exclusivement négative.
C'est bien le propre d'un journal satirique de critiquer et même
de caricaturer. Mais je continue à m'interroger sur le fait que
"l'internet pas net" est présenté comme
un des maux de la société, au même titre que la "malbouffe",
voire que l'ancienne "chronique du front".
Sans perdre son caractère satirique, le Canard présente
des critiques positives sur les livres, les films et même la télé,
pourquoi pas sur l'internet?
Ceci dit, votre dossier spécial comportait nombre d'analyses qui
me paraissent justifiées notamment sur la nouvelle économie.
Sur le fond, je ne pense pas que mes positions, ni celles des autres rédacteurs
de 19clics, puissent être assimilées à celles d'un
courant qui serait "attaché aux idéaux libertaires
fondateurs et manipulé par le capitalisme". Mon libertarisme
est assez mitigé. J'ai pris parti par exemple contre Yahoo et pour
la LICRA.
S'agissant des liens hypertextuels, 19clics a défendu le droit
des internautes comme lecteurs ce qui ne peut être confondu avec
une prise de position pour l'une ou pour l'autre partie dans l'affaire
net2one/presse.
C'est là je crois le coeur de notre divergence. Il m'apparaît
très nécessaire de distinguer sur tout sujet, d'une part
les intérêts et les droits des internautes en général,
d'autre part les stratégies des grands opérateurs économiques.
Cela vaut aussi bien pour les questions de régulation, où
les fournisseurs d'accès tentent d'enrôler les créateurs
de site individuel que pour les questions de presse où les droits
du public m'apparaissent singulièrement bafoués.
Quoiqu'il en soit, votre lettre nous a beaucoup intéressés.
Si vous acceptiez qu'elle soit publiée dans le prochain numéro
de 19clics, cette discussion pourrait se poursuivre avec les lecteurs.
Cordialement.»
Edgar
Lulle
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