N°10
édition du 21 juin 2000
bi-mensuel de l'internet
culturel et politique
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 Sommaire 

 
EDITORIAL 
 1. Les professionnels du livre au cœur de la tourmente numérique

 
ENJEUX
2. Droit à l'anonymat: "Amendement Bloche", suite et fin

3.Julia Fiona Roberts reprend juliaroberts.com

4.La presse en ligne n'a pas la pêche

5.Nouveau mais attendu: "Nouvelle presse"

LES CONTENUS
6. Dreamtime: la NASA en ligne

 
 

TECHNOLOGIE
7.Anoto: donnez-moi un stylo et du papier

8.La toile relooquée avec un nœud papillon

CULTURE WEB
9.Enquête sur la cyberculture

10.DeadMedia: l'arche des médias bruts


BILLET
11.En ligne et à la traîne



CLICS DE NOS LECTEURS
12.Le Canard Enchaîné: une lettre de Marc Laimé

13.Réponse de 19clics à Marc Laimé


 
EDITORIAL 

1.Les professionnels du livre au cœur de la tourmente numérique

Le livre électronique (e-book) n'a pas la même actualité pour tous.
Stephen King, premier auteur d'un best seller sur le net, vient de décider, après avoir consulté 700 lecteurs sur son site personnel, de vendre lui même, pour un dollar, un de ses premiers romans resté inachevé "The Plant" ("L'Usine").
Cet exemple n'a pas convaincu le patron d'Amazon. Jeff Bezos a déclaré au Salon du Livre Américain que King arriverait à vendre même un livre imprimé sur une banane.
Selon Bezos, le e-book s'imposera, mais pas sous sa forme actuelle, peu séduisante pour l'utilisateur, et encore inaboutie sur le plan technique. Bezos demande donc plus d'expérimentation.
Si le livre électronique avait pris la vedette du Salon du Livre de Paris, il a eu nettement moins de succès au Book Expo America, où ce sont les questions de droits d'auteur et de leur adaptation à l'internet qui ont occupé la première place.
Rightscenter.com présentait en particulier "The Global Literary Marketplace" une sorte de marché des droits littéraires sur internet.

Le numérique et le réseau accélèrent le développement du marché des droits des industries culturelles. Ce qui était vrai pour le cinéma et la musique le devient pour le livre.
Librairie en ligne, livre électronique, extension du libre aux textes, droit de copie: les professionnels du livre, les auteurs et les lecteurs sont au premier rang des transformations de la net-économie.
Une bibliothécaire figure en première page du supplément "Networking" du Wall Street Journal. C'est Marybeth Peters, la conservatrice de la Bibliothèque du Congrès chargée du Bureau du copyright. Elle croyait tenir un registre; elle est aujourd'hui en plein cœur de la tourmente numérique.
Francis Linart

Source:
[http://www.wirednews.com/news/] article de M.J.Rose du 01/06/00

Clics officiels:
[http://www.bookexpoamerica.com]
[http://www.stephenking.com/]
The Wall Street Journal Europe du 15/06/2000 article de Anna Wilde Mathews.

 
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ENJEUX

2.Droit à l'anonymat: "Amendement Bloche", suite et fin.

L'"amendement Bloche" a donc été adopté définitivement par l'Assemblée Nationale, le 16 juin, en troisième lecture, et dans une version assez différente de la première mouture.
Voici nos commentaires:


A. Dans la loi sur la communication audiovisuelle, ou dans la loi "société de l'information"?

Dans les semaines récentes, des associations opposées à l'amendement demandaient qu'il soit retiré de la loi de communication audiovisuelle et reporté à la loi "société de l'information", préparée par C.Pierret, secrétaire d'Etat à l'Industrie.
A part gagner du temps, on comprend mal le sens de cette proposition. Les sujets traités par l'amendement: responsabilité, identification, anonymat, portent d'abord, et manifestement, sur la liberté d'expression. Ils engagent le fonctionnement de l'internet comme espace public et organisent les droits des internautes par rapport à cette nouvelle liberté d'expression. Ils doivent donc être traités à l'occasion d'une discussion sur la communication publique, et non pas dans le cadre d'une loi centrée sur les aspects économiques de la "société de l'information", et conditionnée nécessairement par les intérêts des opérateurs économiques. Evidemment, la "communication audiovisuelle" appliquée aux services internet est une pure fiction juridique. Mais tant que cette fiction est conservée, le fait de bien marquer les différences entre la communication sur l'internet et toutes les autres formes de communication publique est nécessairement positif. Nous considérons donc comme positive la création d'une notion de "services de communication en ligne autres que de correspondance privée".

B. Un point positif: le droit à l'anonymat pour les internautes (art 43-6-4.II).

L'aspect le plus positif de la nouvelle législation est la reconnaissance du droit à l'anonymat sur l'internet, c'est à dire la possibilité de ne pas indiquer son identité sur le site. Les internautes individuels bénéficient de ce droit qui, au plan légal, n'existera que pour l'internet.
Cette disposition est capitale parce qu'elle reconnaît que l'internet fournit un moyen d'expression à des groupes ou des individus qui n'en ont pas d'autres. Les salariés d'une entreprise, les habitants d'une commune, les agents de l'Etat, les consommateurs, les usagers des services publics pourront s'exprimer sans être limités par des pressions en retour sur l'emploi, le salaire, le logement ou la réputation. Inévitablement, cette nouvelle possibilité conduira à remettre en question de nombreuses limitations légales ou pratiques de la liberté d'expression. L'anonymat est une condition sine qua non de cette extension de l'expression directe.
Cette disposition est confortée par l'obligation faite aux hébergeurs de garantir la confidentialité de l'identité des auteurs des sites, sauf en cas de procédure judiciaire (art.43-6-3.3ème §). Il s'agit là réellement d'une avancée, puisqu'aujourd'hui certains hébergeurs n'hésitent pas à traiter directement avec les plaignants, en leur communiquant les identités des auteurs, parfois même à l'insu de ces derniers.


C.L'obligation d'identification: discutable (art.43-6-3).

La disposition sur l'identification est plus discutable et plus discutée. Tous les sites doivent s'identifier auprès de l'hébergeur.
On a retrouvé sur cette disposition le clivage français habituel entre républicains et libéraux. Les "libéraux" étaient partisans du système actuel d'identification "contractuelle", entre hébergés et hébergeurs, qui donne à l'hébergeur tous les pouvoirs pour organiser l'identification, mais laisse à l'hébergé le choix d'être honnête ou non dans son identification. Les "républicains" voulaient une obligation légale d'identification, gérée par l'Etat (c'est en théorie le système actuel, depuis le Minitel) ou déléguée à l'hébergeur, ce qui selon eux devait permettre à la fois d'identifier les vrais responsables et d'encadrer légalement l'identification. Le maintien, même adapté, du système du minitel aurait été une décision aberrante sur un plan pratique, mais aussi un très mauvais signe pour les libertés. C'est la deuxième méthode qui a été retenue. L'internet sera donc le premier média rompant avec cette tradition bureaucratique d'autorisation, de déclaration, ou d'enregistrement par l'administration.
En dernière lecture, les peines prévues en cas d'irrespect de cette identification ont été supprimées. Et l'hébergeur n'a pas à contrôler l'identification. On peut donc penser que le non respect de l'identification sera surtout utilisé par les juges, en cas d'infraction sur les contenus, comme facteur aggravant.
Le fait d'imposer l'identification par la loi reste néanmoins discutable.

D. Les prestataires techniques, principaux bénéficiaires de la loi (Art 43-6-2)

Les prestataires techniques, hébergeurs et fournisseurs d'accès, sont les principaux bénéficiaires de la nouvelle législation. Certes, ils préféraient la première version de l'amendement qui les exonérait de toute responsabilité, tout en leur permettant de faire leur propre police sans base légale. Mais le résultat final leur est très favorable. Les fournisseurs d'accès sont dégagés de toute responsabilité. Les tentatives des Sociétés d'auteurs de leur imposer une responsabilité sur les dispositifs de protection des droits, inspirées par la législation américaine, ont été repoussées par le gouvernement et les députés, malgré un bon accueil des sénateurs. Quant aux hébergeurs, ils sont irresponsables a priori, et tenus seulement d'avoir une réaction adaptée ("procéder aux diligences appropriées" dans le jargon juridique) s'ils sont saisis par une personne concernée. Autrement dit, la loi se rapproche de très près de leurs pratiques; et elle conforte les jugements récents qui avaient relaxé Multimania, qui avait pris des "diligences normales", et condamné Yahoo, qui s'y refusait.
D'autre part, la loi, en écartant la surveillance a priori, prive de toute base légale les opérations de contrôle des sites menées par certains hébergeurs.

Conclusion: Liberté des internautes ou sécurité des opérateurs ?

La discussion sur l'amendement Bloche a été passablement confuse. Et l'essentiel de cette confusion, c'est qu'on a mélangé à tout propos les revendications des opérateurs techniques et les droits des internautes.
Or les opérateurs veulent plus de sécurité; ils ne veulent pas être tenus responsables des contenus. Mais les internautes veulent plus de liberté. Ils veulent voir reconnaître sur le plan légal les libertés qu'ils ont acquises sur l'internet, comme l'expression libre et l'anonymat. Ils ne veulent pas, a contrario, se voir imposer les contraintes propres aux autres médias, comme la déclaration préalable, ni voir leurs droits rognés à cause des "risques du numérique", comme ce pourrait être le cas pour la copie privée.
Valentin Lacambre, animateur d'altern, notre hébergeur, considère, d'après Florent Latrive, que les mesures provoqueront "un coup de Karcher sur l'Internet français: les gros pourront résister aux procédures juridiques, mais pas les petits indépendants". Cette remarque était très justifiée pour une obligation de surveillance a priori, qui non seulement aurait coûté cher aux hébergeurs, mais aurait surtout légalisé une police des hébergeurs sur le dos des internautes. Elle ne l'est plus avec une loi qui n'impose à l'hébergeur de réagir que s'il est au préalable informé. Il existe encore un risque que certains saisissent de manière abusive les hébergeurs, pour obtenir une censure, ou les menacer en cas de poursuite judiciaire. Mais les hébergeurs, dans l'ensemble, sont mieux protégés avec la loi.
Francis Linart

Sources:
[http://www.liberation.fr] article de Florent Latrive du 19/06/2000

Clics officiels:
[http://www.assemblee-nationale.fr/2/2textes-a.html]
[http://www.patrickbloche.org/]

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3.Julia Fiona Roberts reprend juliaroberts.com.

L'organisme qui gère les noms de domaine, l'I.C.A.N.N, vient de prendre une décision importante en considérant qu'une personnalité célèbre avait des droits sur son nom qui lui permettait de récupérer les noms de domaine déposés par des indélicats.
La plaignante était Julia Fiona Roberts, l'actrice de Pretty Woman et Erin Brockovich.
La défense était Russel Boyd, qui dans son genre semble lui aussi être un artiste, dans la catégorie comique. Pour justifier qu'il n'avait pas demandé à Julia Roberts l'autorisation de déposer son nom, Boyd a dit à la commission qu'il trouvait J.Roberts "nifty crazy wacko cool". Lui, en tout cas, vraiment wacko cool, ne s'était pas contenté de déposer le nom de l'actrice et de plusieurs autres célébrités, il les avait mis aux enchères sur ebay et venait de se voir proposer 2550 dollars pour juliaroberts.com (c'est donné).
Cette affaire est le cas 2000.0210 du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété intellectuelle, qui règle ces questions pour l'ICANN.
Les arguments de la commission sont les suivants:

1/ Il y avait confusion d'identité.

2/ L'actrice a un intérêt légitime, la commission citant ici une décision récente de la justice anglaise qui considère que, traditionnellement ("common law"), des éléments de propriété industrielle sont attachés au nom de l'auteur.

3/ Wacko Cool Russel Boyd n'a pas d'intérêt légitime, n'ayant ni réellement exploité commercialement le site qu'il avait créé, ni pu prouvé qu'il était connu couramment sous le nom retenu pour le domaine, ni fait un usage loyal, non commercial du nom de domaine. Ce dernier cas pourrait protéger les admirateurs honnêtes et bénévoles des personnalités.

4/ Ergo, Russel Boyd a fait preuve de mauvaise foi, aggravée par la mise aux enchères.

Cette décision est importante parce qu'elle réintroduit, dans un domaine où le droit commercial, le droit des marques occupe pour le moment toute la place, un élément de droit des personnes, proche des logiques de "droit moral des auteurs" ou de "droit à l'image". La référence à la décision anglaise tend à montrer que les écrivains ou les artistes pourraient éventuellement s'opposer à des tentatives d'exploitation illicite de leur nom.
Edgar Lulle

Clic officiel:
[http://www.arbiter.wipo.int/domains/decisions/html/d2000-0210.html]

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4.La presse en ligne n'a pas la pêche.

Les temps changent et les fables aussi. Les fourmis ayant chanté tout l'hiver se trouvèrent bien dépourvus quand l'été fut venu. C'est un peu ce qui arrive aujourd'hui à la presse en ligne: statut des journalistes et rémunérations en question, modèles économiques en suspens... L'été commence mal. Il suffit de lire le très bon article que Libération a consacré à ce sujet.

Quelles réflexions cela suggère-t-il?


1/On sait depuis longtemps que les entreprises de presse traditionnelles ont des économies fragiles. On pensait que cette fragilité venait, pour une bonne part, des coûts du papier et du portage au regard du prix que les lecteurs sont prêts à payer les publications. Avec la presse en ligne, on s'aperçoit maintenant que cette fragilité est aussi d'une autre nature. Les titres semblent avoir vocation à être gratuits pour le lecteur final et il n'est pas certain que parrainage et publicités suffisent à financer les titres, surtout les nouveaux.

2/On sait aussi que, parfois, les difficultés financières des entreprises de presse en ligne peuvent avoir des conséquences sur l'indépendance des lignes éditoriales. Quand on est aux abois, on est parfois tenté d'être moins regardant sur la déontologie.

3/La France a un système d'aides pour la presse, y compris électronique. N'y ont accès que les entreprises qui ont un statut d'entreprise de presse. La France justifie ce système d'aides à la presse papier par l'exigence du maintien de la diversité et du pluralisme.

En conclusion, tout porte à croire qu'il faudrait inclure les entreprises de presse en ligne dans la grande famille des entreprises de presse et étudier pour elles un système d'aides adapté. Expliquer l'absence d'aides par l'absence de coût de portage ou d'impression serait se tromper gravement et confondre une aide politique à objectif démocratique avec une rente corporatiste dans une économie assistée. Mais il faudra un courage certain pour revoir les grands et les petits équilibres de la presse en France.
Pierre Bastogne

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5.Nouveau mais attendu: "Nouvelle presse".

Le 19 juin, plusieurs patrons de nouvelles entreprises de presse électroniques ont lancé l'association "Nouvelle presse" à l'occasion du colloque présidé par le député Markovitch sur l'internet et les libertés publiques à la Mutualité.
"Nouvelle Presse" définit ainsi ses objectifs: "sensibiliser les Pouvoirs Publics, les professionnels de l'internet, l'opinion publique aux questions que soulève l'information sur l'internet et plus généralement l'information numérique diffusée sur les réseaux.".
La démarche de "Nouvelle Presse" se distingue sur deux points:

1/Ses membres semblent ne pas se reconnaître dans l'association du "Geste", qui vient du Minitel et qui regroupe certes des organes de presse mais aussi des gestionnaires de banques de données ou des patrons de portails et de moteurs de recherche.

2/"Nouvelle presse" se place délibérément dans un contexte de journalisme, et plus particulièrement de journalisme d'opinion. Ses membres souhaitent ne pas être confondus avec des sites de pur commerce électronique. Le Web d'information se structure, on ne peut que s'en réjouir. Mais la marche sera longue.

Une question enfin, "Nouvelle presse" accueillera-t-elle des responsables de titres publiés sur le Web par des associations ou des personnes privées, s'engageant à respecter un certain nombre de règles? Le communiqué ne le dit pas.
Marc Saltivert

Source:
[http://www.liberation.fr/multi/actu/20000612/20000612lunu.html

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LES CONTENUS

6.Dreamtime: la NASA en ligne.

Face à 13 concurrents et forte de ses 5 collaborateurs, une jeune start-up californienne, Dreamtime, a décroché le très convoité contrat de la NASA. L'enjeu est de taille puisqu'il s'agit de la numérisation et de la mise en ligne des films et documents sonores de la compagnie.
Ces archives, actuellement dispersées dans 10 centres, représentent quelques 40 000 heures de vidéo, 3 millions de mètres de films et 10 millions de photographies.
Dreamtime s'est engagée à créer le site dans les six mois à venir. Le public pourra avoir accès librement aux documents retraçant 80 années de l'histoire aéronautique et spatiale d'ici 18 mois.
Le programme comprend, de plus, l'équipement de 4 navettes spatiales et de la station spatiale internationale de caméras télévision haute définition (HDTV) dont la résolution est annoncée comme 6 fois supérieure à celle des caméras traditionnelles. La NASA diffusera ainsi des images "live" sur le net permettant aux internautes d'observer la vie à bord des navettes.
Un important programme de création de films éducatifs et documentaires sera rapidement amorcé. La NASA espère des recettes de la publicité bien sûr, mais aussi du marché de ces films en direction de l'éducation et des télévisions ainsi que de la vente de photographies haute résolution.
Les détails financiers ne sont pas encore communiqués. La NASA souligne cependant qu'elle ne prend aucun risque et n'investit pas d'argent dans Dreamtime. Le président de Dreamtime, Carleton Ruthling, espère lever 100 millions de dollars auprès de capitaux risqueurs.
Si l'équipe de Dreamtime est modeste en nombre, elle s'appuie sur quatre partenaires conséquents: Excite at Home (d'où vient d'ailleurs Carleton Ruthling), Lockheed Martin Corp., l'agence de publicité Omnicom Group et Endeavor Agency.
Cette alliance exceptionnelle entre un organisme fédéral et une société privée illustre l'importance du domaine spatial dans les politiques de numérisation des contenus publics.
Catherine Ficat

Sources:
[http://www.lesnews.com] du 05/06/2000
The Wall Street Journal Europe du 05/06/2000

Clic officiel:
[http://www.dreamtime.com]

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TECHNOLOGIE

7.Anoto : donnez-moi un stylo et du papier

Nous ne l'avons pas vu, mais voilà ce que nous avons compris.
Anoto, c'est seulement un stylo et du papier.
Le papier est imprimé avec une trame de petits points (4 millimètres carré) qui précisent la position exacte du stylo.
Le stylo comprend une partie mécanique traditionnelle qui permet à l'opération de se rattacher d'assez près à la pratique de l'écriture manuscrite. Mais il comprend surtout une partie électronique: caméra, capteur de force, ordinateur et émetteur utilisant la technologie de transmission Bluetooth, qui se développe dans la téléphonie mobile, et les assistants du type Palm et Psion.
D'après la démonstration que nous vous conseillons d'aller voir sur le site, l'utilisateur écrit son texte (à la main), et coche sur un emplacement de la feuille de papier pour envoyer le texte comme message électronique à son destinataire.

Anoto combine donc deux modèles technologiques.
D'un côté, il s'agit d'une nouvelle tentative pour présenter une interface de saisie plus habituelle, plus légère, et moins fragile que l'ordinateur. La caractéristique, ici, est la combinaison de la caméra numérique et du papier pour améliorer la qualité de l'enregistrement de l'écrit. Pour le moment, il n'est pas question de reconnaissance de l'écriture. Anoto transmet donc du "manuscrit".
Mais la principale originalité est l'intégration de la technologie Bluetooth, Le stylo ne nécessite pas l'utilisation d'un PC et permet de communiquer à distance.
Anoto a été inventé par le suédois Christian Fahraeus, créateur de la société du même nom, filiale de C-Technologies. Le procédé intéresse Ericsson, qui porte la technologie Bluetooth, et a prévu de produire 10 millions de stylo Anoto, probablement pour le marché japonais. L'impression du papier pourra être faite par les utilisateurs eux même qui en récupéreront le modèle sur l'internet.
Edgar Lulle

Sources:
[http://www.interactive.wsj.com/home.html] article d'Almar Latour dans le Wall Street Journal du 08/06/00.
[http://www.pencomputing.com]

Clics officiels:
[http://www.anoto.com] avec une démonstration compréhensible; commencer par ce site.
[http://www.bluetooth.com]


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8.La toile relooquée avec un nœud papillon.

Aux dernières nouvelles, émanant des mathématiciens et chercheurs d'Altavista, de Compaq et d'IBM, le web serait un gros nœud papillon.
Le centre (sur le nœud proprement dit) rassemble les pages hyperconnectées et représente 30% des sites. L'aile gauche du papillon (à droite quand ces messieurs se regardent dans le miroir) concerne les sites dont les liens renvoient au centre. Il s'agit des sites nouveaux, sorte d'entrée vers le web ("in") représentant un petit quart du web. Et symétriquement, l'aile droite du papillon regroupe les sites qui sont accessibles par le centre mais n'y renvoient pas. Représentant également un quart, ce groupe de sites est appelé "out". Reste un petit quatrième quart, constitué de filaments connectés à l'une des ailes mais pas au cœur: ce sont les micro-univers complètement déconnectés du web.

Cette nouvelle modélisation devrait aider les moteurs de recherche à "développer des méthodes de collecte de pages plus sophistiquées. C'est indispensable pour atteindre l'aile d'entrée du papillon et les filaments", dixit les chercheurs d'IBM. En effet, pour le moment les moteurs n'indexent que les sites du coeur (et par conséquent l'aile de sortie).

Cette nouvelle représentation remplace la vision finalement assez théorique de la Toile d'araignée dans laquelle tous les sites, moyennant un certain nombre de clics, sont connectés entre eux. Une université américaine avait déduit, fin 1999, qu'il fallait en moyenne 19 clics pour relier deux sites quelconques. L'étude sur le centre du papillon conclut-elle à une distance moyenne de 16 clics.

Au rythme où vont les études et s'il nous fallait mettre à jour le titre de notre e-zine, on risque de s'appeler bientôt "cravate à pois" ou encore "bigoudi" …
Maya Kalsé

Source:
Libération, 17/05/00 "le Web est un gros nœud pap"

Clic officiel:
[http://www.almaden.ibm.com/cs/k53/www9.final]

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CULTURE WEB

9.Enquête sur la cyberculture.

Qu'est ce que la cyberculture?
19clics vous propose de participer à une enquête collective sur cette question.

Y a-t-il une culture commune à l'ensemble des internautes, ou simplement à la fraction la plus active, la plus mobilisée d'entre eux?
La notion de "cyberculture" recouvre-t-elle cette culture commune, ou bien n'est-elle qu'un moment caractéristique d'une phase déjà dépassée du développement du cyber-espace?
La cyberculture est elle exclusivement américaine, et, sinon, quelle est sa place en Europe et en France?
Quelles sont les composantes de la cyberculture: l'activisme, l'expérimentation technologique et médiatique, l'adhésion aux différentes philosophies de liberté, d'ouverture, de communication…?
Nous souhaitons à la fois ouvrir un débat et dresser, avec vous, la carte de la culture-internet.

Cette enquête utilisera différents moyens:

1/un questionnaire que nous adressons à nos abonnés et que nous proposons à tous nos lecteurs. Lisez le, utilisez le librement. Ce n'est pas un sondage, ni un test, mais simplement un support pour donner votre point de vue. Vous pouvez répondre partiellement. Vous pouvez donner vos réponses de manière anonyme, ou vous présenter succinctement.19clics publiera les réponses.

2/des contributions que nous demanderons à des "personnalités", c'est-à-dire des personnes, connues ou inconnues, dont le point de vue nous intéresse.

3/des articles qui, sur plusieurs numéros, présenteront des expériences qui nous semblent significatives de la cyberculture.

Dans ce numéro: le questionnaire, et un article sur le Dead Media Project.

La cyberculture: le questionnaire (12 questions)

1.Quelles sont les personnalités les plus représentatives de la cyberculture?

2.Parmi ces personnalités, quelles sont celles dont vous vous sentez le plus proche?

3.Quels sont les projets, les événements, les groupes, significatifs de la cyberculture?

4.Parmi eux, lesquels vous intéressent le plus?

5.Quels sont les thèmes importants de la cyberculture?

6.Auxquels êtes-vous le plus attachés? Lesquels vous sont indifférents? Lesquels désapprouvez vous?

7.Pouvez vous donner des noms de sites, de livres, d'œuvres, de revues qui relèveraient de la cyberculture?

8.Quelles sont les technologies caractéristiques de la cyberculture?

9.Est-ce que le débat "low tech contre high tech" vous intéresse?

10.Quelle différence entre les cybercultures américaine et européenne ou française?

11.Y a-t-il une politique de la cyberculture?

12.Quelle serait votre définition de la cyberculture?

 

Répondre au questionnaire:
Il vous suffit d'envoyer sur "mail libre" vos réponses figurant ci-dessus en copiant/collant auparavant la ou les questions. Et n'oubliez pas que vous pouvez répondre partiellement.
Adresse d'envoi: 19clics@altern.org

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10.DeadMedia: l'arche des médias bruts.

Si un projet mérite d'être considéré comme significatif de la cyberculture, c'est bien le Dead Media Project, lancé et longtemps piloté par Bruce Sterling.
Le projet peut être décrit comme l'inventaire, la nomenclature de tous les médias disparus. Pour l'essentiel, c'est une liste de notices qui identifient le média et proposent des sources. Par exemple, le Scopitone est défini comme un "juke-box visuel", créé en France en 1963, et disparu à la fin des années 60. La notice donne encore la référence à un article américain de 1995, l'adresse d'un collectionneur et mentionne plusieurs expositions. Avec le "DeadMedia", vous saurez toute l'histoire de la copie au carbone, la vraie, pas celle du courrier électronique. Ceux qui étaient déjà nés en 68 seront étonnés d'apprendre qu'Edison avait concurrencé Gestetner pour l'invention d'un crayon électrique à graver les stencils.

Le point de départ du projet, c'est notre ignorance abyssale de ce que sont les médias au niveau le plus matériel. Nous "naturalisons" le livre, la télévision et considérons comme "normal" l'usage que nous en avons. Dead Media nous montre qu'il n'y a pas de déterminisme des supports d'expression. Régis Debray veut créer une "médiologie", mais Sterling met en place une véritable "médiographie". La cyberculture, c'est déjà ça: prendre au sérieux les technologies de communication.

Le projet lui même est inconcevable en dehors de l'internet. C'est un grand projet "muséographique", mais précisément sans musée, et sans muséographie, dont la force intellectuelle enfonce la plupart des projets de musée virtuel connus à ce jour. Il est fabriqué en réseau, avec quelques règles simples, et sans prétention à une quelconque validité scientifique. Vous trouverez peut être que les médias que vous connaissez sont traités légèrement, mais, à coup sûr, vous apprendrez quelque chose.
Par son origine, c'est aussi une bonne introduction à la cyberculture.
Sterling, comme Gibson, est un des auteurs de science-fiction qui ont popularisé la notion de cyber-espace. Il était une des figures de proue du mouvement cyberpunk dont il a édité une anthologie: "Mirrorshades: the cyberpunk anthology".
Il travaille avec the Well (Whole Earth'Lectronic Link), créé en 1985 par Steward Brand et Larry Brilliant. The Well est un forum cyberpunk mythique, aujourd'hui rattaché à Salon.com, et qui comprend 260 conférences thématiques.
Si vous n'avez pas attrapé une indigestion de cyber-radicalisme (tendance historique), vous trouverez sur le site de Sterling un lien sur le fameux "Temporary Autonomous Zones" d'Hakim Bey.
C'est Latrive qui, en France, a fait connaître "DeadMedia Project" au grand public, en 1998.
La gestion du site vient d'être reprise par Tom Jennings.
Edgar Lulle

Source:
[http://www.libération.fr/multi/cahier/articles] article de Florent Latrive, 10/07/98

Clics officiels:
[http://www.wps.com/dead-media/index.html]
[http://www.well.com/conf/mirrorshades/] site personnel de Sterling
[http://www.flashback.se/archive/taz/] le texte d'Hakim Bey

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BILLET


11.En ligne et à la traîne.

Deux opérations financières importantes ont été abondamment commentées dans la presse: le rachat de l'opérateur britannique Orange par France Télécom pour plus de 300 milliards de Francs et la fusion de Vivendi et de Seagram pour créer Vivendi Universal.

Les deux opérations sont fort différentes mais laissent le même goût de "déjà vu".

France Télécom a subi plusieurs échecs, depuis quelques années, dans ses tentatives de prendre pied sur le marché européen. L'opérateur historique achète - cher - Orange et ses abonnés de téléphonie mobile. Certains disent que c'est trop cher. Ce qui est certain, c'est que France Télécom n'a pas donné le mouvement. On peut même avoir l'impression que c'est l'opération de la dernière chance.

Pour Vivendi, l'exemple cité est bien évidemment la fusion mythique entre AOL et de Time Warner. Cependant Vivendi Universal aura une capitalisation boursière deux fois moins élevée que AOL Time Warner. L'opération semble un "remake" et ne passionne pas les foules.

Plusieurs remarques sur ce sujet. Est-ce que les patrons français n'ont aucune imagination? De loin, de l'extérieur, il semble qu'ils copient leurs stratégies sur des modèles éprouvés. Il en est d'ailleurs de même pour les investissements dans les Start up qui copient des modèles anglo saxons. De plus, leur stratégie n'est pas vraiment tournée vers l'internet et reste marquée par les visions du monde télécom. On achète des abonnés, oui, mais des abonnés au téléphone. On achète des contenus, oui, mais des contenus "traditionnels". C'est peut-être cela qui vaut à Vivendi d'être qualifié par The Wall Street Journal de "web deb".

Quand Téléfonica achète Lycos, l'effet de surprise est total et l'on se dit que quelque chose change. Quand France Télécom rachète Orange ou quand Vivendi achète Seagram, on se dit qu'ils veulent faire comme les grands.
Marc Saltivert

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LES CLICS DE NOS LECTEURS

12.Le Canard Enchaîné: une lettre de Marc Laimé

« Le propre d'un journal satirique est d'exercer une fonction critique, dont le moins que l'on puisse dire à propos de l'internet est que l'ensemble des médias défaillent gravement à l'exercer...
Ayant assumé la coordination de ce numéro, je conçois à la lecture de "19clics" que l'analyse du "Libre" vous ait particulièrement agacé... Mais comment ne pas persister dans "l'être canardeux" quand on constate par exemple, sur ce point, que l'un des grands prêtres français dudit "Libre" exerce par ailleurs des activités professionnelles chez Dassault! Si je vous lis bien, on ne saurait donc émettre le moindre bémol quant au fonctionnement de Linux "en conformité aux lois du marché." Et pas davantage s'interroger sur les nombreuses activités de M. Jacques Attali.
Quant à la régulation du Net, horresco referens... Curieuse conception du pluralisme d'opinion et de la liberté de la presse! Pour information, aucun des responsables des nombreuses autres "dérives" pointées dans ce dossier n'a jugé bon de mettre en cause les informations publiées.

Vous parlez de "double bind", votre billet en est la parfaite illustration. Exciper de je ne sais quelle spécificité du réseau pour légitimer tout et n'importe quoi ne m'apparaît pas de nature à conforter les valeurs que vous revendiquez. A cet égard votre approche des problématiques de la syndication dans ce même numéro témoigne, à contrario, que nos positions ne sont peut-être pas aussi éloignées que cela... Quoique pour ce qui concerne la polémique relative aux droits d'auteur et aux liens hypertextes, sujet sur lequel j'ai travaillé par ailleurs (in "Les Nouveaux Barbares du Journalisme Numérique":http://www.rezo.net/barbares.html), le même clivage apparaisse à nouveau...

En résumé, je ne cesse de m'étonner qu'après avoir pu constater à quel point les tenants de la marchandisation effrénée de tout échange sur le réseau ont su instrumentaliser, à leur plus grand profit, les "idéaux libertaires fondateurs", l'on puisse, comme vous le faites peu ou prou, continuer à avaliser des réalisations, pratiques..., qui se situent à l'exact opposé desdits idéaux fondateurs. Institutions et corps social, déstabilisés par cette nouvelle donne, je vous l'accorde volontiers, opteront inévitablement pour une stricte régulation des excès précités. Au risque ce faisant de réduire par là même le champ d'expérimentation et de liberté que vous revendiquez. C'est cet étrange mécanisme qui m'interroge de plus en plus.
Pour le reste, félicitations pour 19clics.
Cordialement.
»
Marc Laimé, coordonnateur du numéro spécial "internet @ la folie" du Canard Enchaîné"

Clic interne:
Article sur lequel Marc Laimé réagit: "Le Canard Enchaîné: Dauber, or not dauber?" [http://altern.org/19clics/Numero08/2000-05-08.htm#9].
Autre article cité: "Attention syndication" [http://altern.org/19clics/Numero08/2000-05-08.htm#3].

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13. Réponse de 19clics à Marc Laimé.

« Merci d'abord pour votre message et vos félicitations finales.
L'article de 19clics sur le numéro spécial du Canard Enchaîné était un "billet d'humeur" inspiré par l'étonnement de constater que la vision qu'a le Canard Enchaîné de l'internet est exclusivement négative.
C'est bien le propre d'un journal satirique de critiquer et même de caricaturer. Mais je continue à m'interroger sur le fait que "l'internet pas net" est présenté comme un des maux de la société, au même titre que la "malbouffe", voire que l'ancienne "chronique du front".
Sans perdre son caractère satirique, le Canard présente des critiques positives sur les livres, les films et même la télé, pourquoi pas sur l'internet?
Ceci dit, votre dossier spécial comportait nombre d'analyses qui me paraissent justifiées notamment sur la nouvelle économie.

Sur le fond, je ne pense pas que mes positions, ni celles des autres rédacteurs de 19clics, puissent être assimilées à celles d'un courant qui serait "attaché aux idéaux libertaires fondateurs et manipulé par le capitalisme". Mon libertarisme est assez mitigé. J'ai pris parti par exemple contre Yahoo et pour la LICRA.
S'agissant des liens hypertextuels, 19clics a défendu le droit des internautes comme lecteurs ce qui ne peut être confondu avec une prise de position pour l'une ou pour l'autre partie dans l'affaire net2one/presse.
C'est là je crois le coeur de notre divergence. Il m'apparaît très nécessaire de distinguer sur tout sujet, d'une part les intérêts et les droits des internautes en général, d'autre part les stratégies des grands opérateurs économiques. Cela vaut aussi bien pour les questions de régulation, où les fournisseurs d'accès tentent d'enrôler les créateurs de site individuel que pour les questions de presse où les droits du public m'apparaissent singulièrement bafoués.

Quoiqu'il en soit, votre lettre nous a beaucoup intéressés. Si vous acceptiez qu'elle soit publiée dans le prochain numéro de 19clics, cette discussion pourrait se poursuivre avec les lecteurs.
Cordialement.»
Edgar Lulle

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© 19clics - juin 2000
Les pictos sont d'Agnès Lanchon