11. Journalistes
et adresses électroniques: Une étude de mœurs au début du vingt et unième
siècle.
Supposons que vous souhaitiez contacter un journaliste, et supposons
encore, pour simplifier le jeu, que ce journaliste soit, comme vous,
quelqu'un qui s'intéresse à l'internet et "à
toutes ces choses". Une hypothèse pourrait vous traverser
l'esprit: pourquoi pas lui envoyer ce qu'il est convenu d'appeler un
courrier électronique, opération qui nécessite
de disposer au préalable de son adresse électronique.
Cette opération qui vous semblait d'abord bénigne va se
révéler fort compliquée et, plus d'une fois, vous
aurez le sentiment que le journaliste, ou plutôt son journal,
semble vous répondre, comme Bartleby, "I would prefer
not", "J'aimerais mieux pas".
Voici les résultats fort peu scientifiques de ma propre tentative,
sur 14 périodiques.
Première constatation: pas d'adresse électronique sur
le papier des quotidiens de référence.
Ca fait parvenu. N'essayez donc pas de les relever dans le Monde, Libération,
la Tribune, les Echos.
Les magazines grand public hésitent. Web Magazine vous donne
la recette pour fabriquer les adresses à partir du nom..Net (c'est
leur nom: "point net" à l'oral) donne des e-mails personnels.
Comme Yahoo Internet Life, à la différence du journal
d'AOL, qui se limite à une adresse collective. Si vous voulez
vous adresser à Freddy Mini qui dirige les deux publications,
regardez dans Yahoo.
Même hésitation chez les magazines branchés. Un
citron jaune toutes catégories pour le souvent joli et toujours
tendance "Crash". Aucune possibilité de joindre ses
auteurs ou contributeurs par courrier électronique, ni sur le
magazine, ni sur le site. Un peu paradoxal pour une revue high and low
tech. Transfert donne directement et simplement les adresses de ses
collaborateurs. Technikart patauge.
Voilà pour le papier. Et sur le net?
Sur les sites, l'affichage des adresses électroniques des journalistes
obéit à des règles d'usage assez mystérieuses.
Parmi les quotidiens, Libération est le plus "démocratique",
donne des adresses électroniques à tous ses journalistes,
et les donne toutes à ses lecteurs. Le cahier multimédia
doit pourtant se contenter d'une adresse collective. C'est le sort aussi
des journalistes papier du Monde et de la Tribune. Les équipes
d'édition électronique de La Tribune ont des adresses
personnelles. Parmi les sites, seul ZDNet donne les adresses de tout
le monde, y compris techniciens et administratifs (c'est ça une
boîte moderne). Le Journal du Net donne peu d'adresses personnelles,
une adresse collective, et une liste sans attributions.
Dernière constatation: avec ou sans adresse, mieux vaut connaître
le nom du journaliste qui suit l'internet. Les organigrammes associent
précision byzantine sur les titres et flou artistique sur les
sujets couverts. Dans l'organigramme du Monde, il semblerait que les
sujets "société de l'information" soient traités
dans la "séquence" "Aujourd'hui". Libération
ne signale pas qui est chargé de suivre l'internet.
Le courrier électronique personnel est l'indice à la fois
de la modernité des institutions et de leur démocratisation.
Dans la presse, elle rencontre les mêmes difficultés que
dans les entreprises et les administrations. Le courrier électronique
pourrait (peut être) permettre des échanges plus intéressants
entre lecteurs et journalistes. Les lecteurs pourraient (peut être)
joindre non seulement les ténors, mais aussi les pigistes, les
contributeurs occasionnels, d'autres lecteurs.
Conclusion provisoire: le courrier électronique personnel n'est
pas tout à fait entré dans les murs de la presse.
--Edgar
Lulle--(edgar.lulle@caramail.com)
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