N°13
édition du 22 janvier 2001
 

 

bi-mensuel de l'internet
culturel et politique
 
 Sommaire 

 

EDITORIAL

1.2000, mauvais cru pour l'internet.


 
ENJEUX


2.UMTS ou le trouble à haut débit.

3.Point de Contact.

 


LES CONTENUS

4.Pour 10 briques t'as plus rien!

5.Salon de l'éducation :et sous le parchemin?

6.Témoignage sur les droits photos pour un site internet.


TECHNOLOGIE

7.Quand Java est là...



CULTURE WEB

8.Contes d'automne électroniques.



LE BILLET

9.Bel effort de Multimania pour rallier la cyberculture.


ON A LU

10.L'infantilisme, maladie conservatrice de la nouvelle économie.

 

Dans l'article intitulé "Brevetabilité" de notre numéro 12, nous avons indiqué, par erreur, que Jean-Paul Smets était le porte-parole d'EuroLinux.
Le porte-parole en France est Stéfane Fermigier.
Jean-Paul Smets a co-organisé les premières rencontres qui ont donné naissance à EuroLinux.
La conclusion de son document de travail auquel nous faisons référence, est différente de celle d'EuroLinux qui estime que le copyright suffit dans le logiciel. Jean-Paul Smets considère, pour sa part, "qu'il pourrait être très utile (pour des raisons d'évaluation capitalistique et de protection des entrepreneurs lors de la levée de fonds) d'introduire une protection sui generis des innovations immatérielles, à condition que cette protection soit courte et plus faible que le brevet".
Nous le remercions pour cette précision et renvoyons à nouveau nos lecteurs sur ce document:
[http://www.pro-innovation.org/rapport_brevet/brevets_plan.pdf]


La rédaction.
 

2000, Mauvais cru pour l'internet.

Immense embarras chez les commentateurs, sur la déroute de la nouvelle économie.
Certains se sont prestement emparé du rôle le plus comique : ce sont les chantres du capitalisme virtuel qui soutiennent à la fois que cette " correction " était très nécessaire, qu'ils l'avaient prévue sans le dire pour ne pas l'accentuer, et qu'elle ne change rien au mouvement général de l'économie.
Bernard Maître, l'un des plus arrogants de nos gourous locaux, s'y essaie dans le
numéro 2 de Futures.
Quant au rédacteur en chef de Business Week, il présente sans vergogne ses publi-reportages pour le Nasdaq comme l'exemple même d'une anticipation correcte des difficultés actuelles. La démonstration de Monsieur Shepard est brillantissime : si le numéro spécial de Février 2000 s'intitulait " The Boom ", c'est, évidemment, parce qu'il prévoyait " The Crash "...


Messieurs, pourquoi se gêner ? Bon courage, tout de même ; vous allez vous sentir un peu seuls, parce que, visiblement, la plupart des commentateurs ont plutôt décidé d'entonner le De Profundis, dans le genre : le BtoB est enterré, le PtoP racheté, et moi même, je ne sais pas si je vais pouvoir continuer mon supplément multimédia.
Adieu, individualisation du consommateur, dynamic pricing, cash burning, business angels et stock options !

C'est le triomphe du mortar, du bon vieux capitalisme pas très cognitif, mais très physique. D'ailleurs Wired, qui n'en est pas à son premier infanticide, délaisse la nouvelle économie, pour la " network economy ". Comment distingue-t-on une société de la network economy d'une société de la nouvelle économie ? La première fait de la publicité dans Wired. Et la deuxième ? Elle n'existe pas, puisqu'elle ne fait pas de publicité dans Wired.
Il serait pourtant préférable de ne pas tourner la page trop vite, et d'interroger cette faillite de la nouvelle économie, sans aucun doute le trait marquant de l'année 2000 pour l'internet.

Car la faillite est bien là. Faillite générale derrière les faillites particulières. Affirmer que l'économie et la bourse, d'un côté (thèse de la correction), ou l'internet, d'un autre côté (thèse de l'économie en réseau) vont continuer de se développer, c'est plutôt inconsistant. Nous venons bel et bien de vivre l'échec du capitalisme à construire un modèle économique réaliste de fonctionnement de l'internet. Là où les universitaires, les administrations militaires ou civiles, les simples citoyens avaient réussi, le capitalisme a échoué.
C'est à dire que nous ne savons toujours pas à quoi va ressembler l'économie réelle de l'internet, quel que soit le nom qu'on lui donne.


Je ne voudrais pas gâcher le plaisir, mesquin, mais légitime, que procure l'actuelle déconvenue de certains qui, vraiment la méritaient, la correction. Mais je ne suis pas sûr que la faillite générale de la nouvelle économie en 2000 soit tout à fait une bonne nouvelle.

Le capitalisme avait fait un certain effort. Il avait simulé une tentative d'innovation du côté des modèles de consommation, ou des stratégies de développement des entreprises. Il était assez difficile de comprendre pourquoi Monsieur Arnault espérait gagner de l'argent en vendant, avec Boo.com, des produits inconnus à une fraction de la population, minuscule et dispersée, et sensée être, de surcroît innovatrice aussi bien pour la technologie que pour la consommation. La démarche semblait inspirée d'Alphonse Allais; mais justement, par son côté baroque, elle ressemblait à de l'innovation. Cet effort du capitalisme pour devenir internaute a plongé les vrais internautes dans la perplexité. Au moment même où il se décidait à faire comme tout le monde (expérimentation, interconnexion, innovation), le capitalisme engendrait des monstres inouïs comme Boo.com ou Priceline.

La nouvelle économie bluffait. L'actuel retour de bâton, en comparaison, fait assez vulgaire. A nouveau, le capitalisme ressemble au capitalisme. Messieurs Arnault et Meyer, s'ils n'ont pas créé beaucoup de valeur, ont su faire leur propre pelote sur le dos des petits porteurs. Les monopoles triomphent discrètement. Les rentiers font un retour remarqué du côté de la propriété intellectuelle. Le capitalisme fainéant succède peut être au capitalisme délirant.
Trop de capitalistes et pas assez d'entrepreneurs, trop de consensus et pas assez d'innovation, trop d'intox et pas assez d'information, l'année 2000 aura été un mauvais cru pour l'internet.
Il n'est certainement pas très rassurant de constater que la majeure partie de la presse spécialisée, ou des " suppléments ", a nourri le bluff de la nouvelle économie. " Immature " est le mot poli que l'on emploie pour la presse comme pour la bourse. Mais le manque d'indépendance de la plupart des médias, papier et électronique, est la cause véritable de cette immaturité.


A 19Clics, nous sommes convaincus que cette indépendance est primordiale, et qu'elle doit résulter, d'abord, du soutien des lecteurs.

Edgar Lulle

 


© 19clics -25 janvier, 2001
Les pictos sont d'Agnès Lanchon