Sommaire
EDITORIAL
1.E
Finita la Multimania!
ENJEUX
2.Brevetabilité.
3.La
poste en ligne : du meilleur et du pire.
4.La
chute de Priceline : quand la nouvelle économie jouait avec les
prix.
5.L'ADSL
ou le second souffle ...court.
6.Libertysurf
avoue.
LES
CONTENUS
7.Libre
pour les libres : Nietzche source ouverte.
CULTURE WEB
8.
Public Netbase.
9.
Epatra.com, épatante messagerie multilingue indienne.
VU
D'AILLEURS
10.La
Nouvelle économie des idées selon john Perry Barlow.
ON
A LU
11.Capitalisme
cognitif, et caetera.
A propos du n°2 de Multitudes.
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EDITORIAL
1.E
Finita la Multimania!
Le camp des groupies
de Multimania s'est brusquement réduit après l'annonce, début novembre,
de son rachat par Lycos.
Si ZDNet et Transfert persistaient obstinément dans leur admiration, les
médias financiers n'ont pas caché leur mépris: l'interview de Michel Meyer
sur Bloomberg TV a été un moment fort de rude vérité capitaliste.
Le reproche formulé par les financiers est assez simple.
L'Offre Publique d'Échange de Lycos valorise l'action Multimania en dessous
du cours d'introduction en bourse au printemps dernier.
Michel Meyer et ses associés devront attendre six mois de "lock-upperiod"
avant de pouvoir revendre leurs nouvelles actions Lycos. Mais, à ce moment
là, ils pourront réaliser définitivement leur investissement personnel
dans leur société (avant l'introduction en bourse). Bref, ils échangent
du papier contre du Lycos. Les autres actionnaires qui ont payé cash se
voient imposer de revendre leur titre moins cher.
Michel Meyer a violé un tabou financier. Il n'était certainement pas responsable
des coups de yoyo de son action. Mais le niveau du cours d'introduction
devait correspondre aux perspectives de développement de son activité,
par elle même, indépendamment de la bourse. L'échange avec Lycos, que
les actionnaires du marché ne sont pas en mesure de repousser puisque
l'OPE a été organisée avec les gros actionnaires traduit ce qu'il faut
bien appeler une entourloupe aux détriments des petits actionnaires. Meyer
avoue d'ailleurs lui même que garder le titre est une mauvaise idée!
Dans ces conditions, le débat sur la permanence de la marque Multimania
est tout bonnement de la poudre aux yeux.
Multimania souligne qu'il rejoint Tripod, Caramail, Spray, marques européennes
toutes plus sympathiques les unes que les autres, qui vont lui donner
la "dimension critique". Vous avez le droit d'y croire.
Mais Lycos Europe c'est surtout Bertelsmann et Lycos USA, c'est aussi
Terra Networks, opérateur espagnol de télécoms. Il ne faudra pas être
trop regardant sur l'indépendance des contenus. Depuis The Virtual Baguette,
le rachat de la communauté indépendante Mygale, et le financement de son
activité par la publicité, la stratégie de Multimania reste la même: acquérir,
pour rien, l'indépendance du web, et la revendre sur le marché.
Il n'est pas certain que cela puisse passer encore longtemps pour un vrai
"business model".
Dans "le train rentrant de Londres où il est allé présenter l'OPE aux
analystes financiers", Michel Meyer répond à la question de Christophe
Agnus (Transfert): "De l'esprit de The Virtual Baguette au giron de Bertelsmann,
Multimania n'a-t-il pas perdu son âme? Non, je ne pense pas. Lycos est
une société culturellement proche de nous. L'aventure continue. " L'âme
de Michel Meyer, qui utilise le mot "deal" toutes les trois phrases, est
un organe étonnant.
C' est une machine à retraiter les illusions pour fabriquer du cash. Elle
cauchemarde sur la lock-up period (encore six mois!), mais elle continue
mécaniquement à parler de culture et d'aventure.
En mars dernier, Multimania s'adressait à ses abonnés ainsi: "Devenir
actionnaire de MultiMania c'est franchir un pas de plus dans la communauté".
La communauté des quoi?
Edgar
Lulle
Clic officiel:
[http://www.multimania.fr] flash
spécial du 07/11/2000
Sources:
Les Chroniques du Menteur du 07/03/00 par Pierre Lazuli, "Un
déficit en forte croissance": [http://www.menteur.com/chronik/000307.html]
Zdnet:
[http://www.zdnet.fr/actu/busi/a0016627.html]
[http://www.zdnet.fr/actu/busi/a0016608.html]
Transfert.net:
[http://www.transfert.net/fr/net_economie/article.cfm?idx_rub=86&idx_art=2396]
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ENJEUX
2. Brevetabilité.
On attend la position du gouvernement français sur la question
de la brevetabilité des logiciels d'ordinateur.
En effet, si la Commission européenne organise, du 19 octobre au 15 décembre
2000, une consultation sur le sujet, via l'internet, par ailleurs, l'Office
Européen des Brevets (qui gère les demandes et les dépôts) devrait, fin
novembre, proposer purement et simplement l'annulation de la non brevetabilité
des logiciels dans le cas où, et toute la subtilité est là, ils contribueraient
à la résolution d'un problème technique.
L'OEB ne s'est d'ailleurs pas privé de cet argument que d'aucun qualifie
de "dérive jurisprudentielle tout à fait contestable du droit communautaire"
(le sénateur du Rhône R.Tregouet) pour enregistrer ainsi près de 20.000
brevets de logiciels dans ces dernières années.
On peut se demander, dans un tel contexte, à quoi et à qui vont bien pouvoir
servir les réponses à la consultation de la CE.
Le principe de non brevetabilité des logiciels est inscrit dans la Convention
de Munich et dans le droit français. Au contraire, les droits américains
et japonais établissent la protection des logiciels par le brevet.
L'Alliance EuroLinux, en partenariat avec des entreprises européennes
et des associations d'utilisateurs de logiciels libres, a lancé une pétition
pour prévenir les autorités des dangers des brevets logiciels. Cette campagne
de sensibilisation a été notablement renforcée par le soutien de parlementaires
français de tous bords et a déjà recueilli plus de 54 700 signatures.
Deux théories s'opposent sur l'approche du logiciel. Il peut être considéré
soit comme une suite d'instructions écrites, soit comme une succession
d'étapes conduisant à la réalisation d'une opération réalisée par l'ordinateur.
Dans le premier cas le logiciel est protégé par le droit d'auteur, dans
le second il est protégé par le droit des brevets.
L'enjeu économique est fondamental. Les grands éditeurs de logiciels,
américains pour la plupart, s'efforcent de "construire un mur de brevets"
pour asseoir de manière artificielle leur monopole économique sur un fondement
juridique.
Le processus est remarquablement expliqué dans le document de travail
de Jean-Paul Smets, porte parole d'EuroLinux, intitulé "stimuler la concurrence
et l'innovation dans la société de l'information"
L'auteur soutient de façon tout à fait convaincante, études et comparaisons
à l'appui que le système de brevets en vigueur aux États-Unis, " a eu,
de façon inattendue, des effets contraires aux objectifs généraux recherchés
de stimulation de l'innovation, de partage de la connaissance et de renforcement
de la concurrence…" et que "la protection des logiciels aux États-Unis
et au Japon par le brevet s'est étendu rapidement aux méthodes intellectuelles".
Paradoxalement, les partisans du droit des brevets, après l'avoir justifié
par la nature spéciale, technique, des logiciels, s'efforcent de l'étendre
bien au delà, par exemple en déposant, comme Price Line et Amazon ont
essayé de le faire, des brevets sur "les idées". La brevetabilité des
logiciels est un des vecteurs les plus menaçants de la privatisation de
l'internet.
Catherine
Ficat
Clics
officiels:
[http://petition.eurolinux.org/reference/agenda.html]
Sources:
le document de Jean-Paul Smets: [http://www.pro-innovation.org/rapport_brevet/brevets_plan.pdf]
l'intervention de René Trégouët: [http://www.tregouet.org/lettres/rtflash.asp?theLettre=90]
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3. La poste en
ligne: du meilleur et du pire.
La Poste est elle en train de devenir un des acteurs importants
de la nouvelle économie?
A priori, dans le partage de l'ancienne administration des postes et télécommunications,
la Poste semblait avoir hérité du rôle de Cendrillon: une spécialisation
dans le transport et la distribution physiques; des ressources para-fiscales;
pas de perspectives de franche privatisation; des employés fonctionnaires.
C'était apparemment de la vieille économie, et de la pire espèce, publique.
FRENCH POSTMAN IS BACK AGAIN
Mais voilà qu'une suite de décisions prises par le patron de la Poste,
Martin Vial, ont fait tendre l'oreille aux observateurs.
Je les énumère dans l'ordre chronologique. Accord avec la Sagem, pour
devenir le principal certificateur électronique français. Alliance de
Chronopost avec l'américain Fedex pour les activités colis et logistique,
sur l'Europe. Achat de 40% de l'américain Brokers Worldwide, dans le domaine
de l'éditique (factures, fichiers). Achat récent, pour 327 millions d'euros,
des activités de logistique de l'australien Mayne Nickless en Angleterre
et Italie. Négociation en cours pour acquérir le français Geodis (actionnaire
principal:la SNCF), toujours dans le domaine de la logistique. Ajoutons
à cela que la Poste va récupérer la trésorerie des chèques postaux, aujourd'hui
gérée par le Trésor (une bagatelle de 130 milliards de francs) et qu'elle
nargue les banques en multipliant les produits bancaires, comme Bagoo
pour les jeunes.
S'agissant d'internet, la Poste a lancé, dans les six derniers mois, l'adresse
électronique pour tous, le portail Illiclic, "bureau de poste virtuel",
et les 1000 bornes internet mises à disposition dans les vraies postes.
135 000 adresses auraient été distribuées.
La Poste veut placer Illiclic dans les dix premiers sites français.
Tout tourne autour du courrier. Pourquoi continuer à passer par la Poste,
puisque le courrier électronique est le service standard de l'internet,
et qu'il fait déjà l'objet de nombreuses offres?
Examinez
les points suivants:
-le courrier électronique est un marché énorme,
qui peut encore être élargi à ceux qui ne sont pas connectés, pour autant
qu'un opérateur ait les moyens de faire le pont, par exemple en croisant
cyberposte et poste classique,
- pour le commerce, le courrier électronique se heurte à l'instabilité
des adresses électroniques et à la faiblesse des annuaires: pourquoi
ne pas imaginer un opérateur universel et stable qui saurait gérer une
adresse pivot, immuable, placée au cœur du trafic électronique?
- pour le courrier électronique à haute valeur contractuelle (commandes,
recommandés, factures, etc.) les fonctions de certification s'ajoutent
à celles de distribution. De nombreux systèmes ne s'occupent que de
la distribution; la poste fait les deux.
- Le commerce électronique bute aujourd'hui sur la livraison (le dernier
kilomètre, le dernier mètre), quand, aux problèmes de gestion numérique
se substituent d'autres problèmes, bien différents: la rue qui bouchonne,
le concierge absent, le chien dans l'appartement. Qui fait ce travail
sur l'ensemble du territoire? French postman.
- Et un bureau de poste virtuel, qui gérera les CCP, est ce que ça ne
ressemble pas un peu à une banque en ligne?
Bref, tout se passerait comme si, dans le partage France
Télécom/ La Poste, France Télécom avait hérité des couches basses, les
réseaux au sens matériel, et la Poste, des couches hautes, les services
d'usage autour du courrier électronique, celles qui dépendent le plus
du bouclage avec le réel.
Il est certainement trop tôt pour dire "bien joué".Mais, au moins, la
stratégie adoptée par Martin Vial ne donne pas l'habituelle impression
d'inertie ou de déjà vu. Dans Jour de fête, Tati mettait en scène un postier
sidéré par les exploits modernissimes d'"American Postman". C'est peut
être le tour du postier français.
Une fois ce coup de chapeau donné à la stratégie, que penser de ces projets,
du point de vue de l'internet citoyen? Là, je dois dire que j'ai été un
peu moins épaté.
VERS LA NOV-POST?
Courrier, correspondance, messagerie, poste, adresse électronique, adresse
permanente, adresse réelle: de quoi parle-t-on?
En droit, la communication, en France, est de deux sortes: la communication
publique (des meetings au web, en passant par les journaux et la télé),
et la correspondance privée. La liberté de communication publique est
organisée, c'est à dire limitée; sur le net, c'est tout le débat de l'amendement
Bloche. En ce qui concerne la correspondance privée, elle est couverte
par le secret (art 187 du Code pénal). Le "secret" et le "privé" s'imbriquent
étroitement.
Il serait donc hautement souhaitable que le Service public de la Poste,
précisément responsable du secret de la correspondance, propose pour le
courrier électronique une solution plus sécurisée que les opérateurs habituels.
Malheureusement, il fait pire.
Le plus souvent, la messagerie électronique est de la correspondance privée.
Parfois, par exemple, avec les listes de diffusion, elle peut relever
de la communication publique. Or, la Poste a calé ses règles sur le seul
cas de la communication publique. Cette solution calamiteuse revient (1)
à ne donner aucune garantie de confidentialité sur le contenu du message;
et (2) à lui imposer le respect de toutes les lois qui encadrent l'expression
publique, même dans le cadre d'un échange purement privé. A ce compte,
dans le monde "réel", la poste pourrait, à la fois, ouvrir les lettres
et refuser de servir le courrier qui dénigrerait, diffamerait, etc.
La réponse apportée aux questions de défense des données privées n'est
pas plus satisfaisante, puisque la Poste s'autorise à les utiliser ou
à les communiquer à ses partenaires. Or, il est assez évident qu'à la
différence des adresses réelles (au fait, données privées ou publiques?),
l'adresse électronique peut se trouver facilement rattachée à toute une
série d'autres données personnelles. Comme la poste s'efforce de jouer
le rôle de certificateur (pensez aux recommandés), le spectre d'une Nov-Post
n'est pas loin.
Edgar
Lulle
Clics
officiels:
[http://www.illiclic.com/]
[http://www.laposte.fr/decouvre/presse/981104.htm]
Sources:
[http://www.adminet.com/comp/LaPoste.html#top]
[http://www.journaldunet.com/it_david.shtml]
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4.
La chute de Priceline: quand la nouvelle économie jouait avec les prix.
Pour qu'il y ait nouvelle économie, il faut qu'il y ait
du numérique.
Au fond, il n'y a que deux formes d'économie numérique. Premier cas: le
produit ou le service lui-même est directement numérisé. C'est le cas
des textes, de la musique, de l'argent. Il ne reste plus qu'à vendre….
Voyez Napster. Mais une vache, un coiffeur, ou une cantatrice, comme nombre
d'autres acteurs de l'économie réelle, continuent à manifester une sourde
réticence à la numérisation directe.
Dans ce cas, la numérisation revient à traiter l'information liée à la
marchandise. Les technologies de l'information peuvent être appliquées
à la transaction (commande et paiement). C'est à cela que se réduit souvent
le commerce électronique, type Amazon, qu'on ferait mieux d'appeler commerce
direct assisté par le réseau.
Le numérique peut traiter aussi l'histoire du produit (la fameuse traçabilité),
le profil du client en particulier (l'"individualisation"), ou en groupe
(les "communautés"), et bien d'autres informations. Le principe est toujours
le même: identifier une information rentable, peu exploitée dans le monde
réel, et qui peut l'être, efficacement avec l'aide des technologies du
numérique.
S'il y a une information décisive pour le commerce, c'est bien le prix.
L'utilisation du réseau et du numérique pour jouer sur les prix est souvent
présentée comme une des hypothèses naturelles de la nouvelle économie,
au centre des plus fameux "business models" des années 98-99.
En gros, il s'agissait de donner un bon coup de fouet à la vieille pratique
du marchandage, rebaptisée "dynamic pricing " ou "fixation dynamique des
prix", et érigée au rang de valeur cardinale de la nouvelle économie.
Un prix, ça se discute, et dans tous les sens. Ebay (ou ibazar en France)
ont repris la notion d'enchères. Mais c'est Priceline.com qui a proposé
le business model le plus innovant, aujourd'hui en voie d'effondrement:
le "name-your-own-price", ou contre-enchère.
Jay Walker, le fondateur de Priceline, débuta avec les billets d'avion.
Le consommateur annonce le prix qu'il est prêt à payer pour un voyage;
le distributeur qui percevra le prix "normal", avant rabais, accepte de
transmettre l'offre au transporteur; celui-ci prend en charge le rabais
et même un peu plus pour financer Priceline. Évidemment, l'opération est
plus simple quand le consommateur affiche un prix supérieur au prix normal
du distributeur. En cas de rabais, le transporteur était sensé compenser
son manque à gagner par la publicité, la possibilité de gagner une nouvelle
clientèle, et dans le cas des billets, l'assurance d'une occupation maximale
des places.
Walker a été présenté aux États-Unis comme un visionnaire, un nouveau
Edison.
Il se définit lui-même comme un "serial entrepreneur". Il créa Priceline,
sa 13ème entreprise, en 1997, et la fit entrer en bourse en 99. En 2000,
il décide d'élargir ses activités à l'épicerie et à l'essence autour du
Priceline Web House Club. L'échec de cet élargissement signe la faillite
du business model. Le Web House fut fermé.
La cote de Priceline, considéré maintenant par les boursiers comme un
simple agent de voyage sur l'internet, est aujourd'hui (1/11/2000) à 6.69
dollars après être montée jusqu'à 85 dollars. Au delà des erreurs de management,
le patron de PepsiCola, que Walker avait voulu embarquer dans l'aventure
du Web House, a donné son point de vue sur l'innovation du dynamic pricing:
" pour nous, producteurs, Priceline revient purement et simplement à un
rabais permanent".
Mais un spécialiste du commerce électronique, Michael Mappa, a fait remarquer
que le modèle de Priceline devenait efficace quand le prix mentionné par
le consommateur était substantiellement plus haut que celui consenti par
le transporteur. (Là, on comprend mieux). Et Mappa ajoute "en fait, l'information
est l'ennemie numéro un du modèle de Priceline". C'est sur l'ignorance
des prix par les consommateurs que reposait le modèle, ignorance difficile
à maintenir sur le net. D'ailleurs des consommateurs de Priceline s'étaient
regroupés pour créer un contre-site d'information!
Une mésaventure assez similaire vient de se produire avec Amazon.com qui
s'amusait à vendre à des prix différents les mêmes produits pour tester
les réactions de ses consommateurs au dynamic pricing. L'histoire de Priceline
éclaire bien le caractère hautement parasitaire de certains "business-models".
C'est très logiquement qu'on a pu retrouver Walker dans le camp des maniaques
de la brevetabilité, et notamment du brevet d'idées: il avait voulu empêcher
Microsoft de reprendre l'idée du dynamic pricing pour son site hôtelier.
Loin d'être innovantes, ces stratégies, opposées au modèle d'ouverture
du net, sont autant de freins au développement de la nouvelle économie.
Edgar Lulle
Sources:
Wall Street Journal des 16 et 18 Octobre.
Articles de Thomas E Weber, de Julia Angwin et Nick Wingfield.
5.L'ADSL
ou le second souffle... court.
En quelques jours, les opérateurs ont multiplié les annonces
de déploiement de leur offre "haut débit", à vrai dire, des offres ADSL.
Il n'est pas anodin que ces annonces ont été faites au moment du salon
du MIPCOM, le salon des programmes audiovisuels à Cannes en septembre
dernier. L'ADSL, c'est la promesse d'un second souffle pour l'internet
en France... à la condition que des programmes adaptés soient disponibles.
C'est aussi un confort meilleur pour l'utilisateur.
Quelles sont les offres qui ont été annoncées: Mangoosta,
alliée à Yahoo-France, sera le premier opérateur à louer l'infrastructure
à France Télécom, et propose une offre intégrant à la fois l'installation
de l'équipement ADSL et l'accès à l'internet. Mangoosta annonce que son
offre sera disponible sur la quasi totalité du territoire d'ici la fin
2001 et espère " 6 millions d'internautes ADSL d'ici à 5 ans ". Il vous
en coûtera 330 F par mois, équipement compris, soit une centaine de francs
moins cher que la concurrence.
Club-internet (Lagardère, T-Online) veut aussi concurrencer
France Télécom sur ce marché. Il compte aussi sur les contenus vidéo du
groupe Lagardère (Canal J, MCM) pour alimenter son offre et créer un portail
complet proposant services, contenus et applications téléphoniques en
2001. Pour conquérir de nouveaux abonnés, Club-internet a repris la formule
de l'offre "anniversaire ". Le forfait ADSL est proposé à 63 francs par
mois contre 130 francs, hors coût d'installation France Télécom.
Face à ses nouveaux challengers, France Télécom ne reste
pas inactif. Jusqu'en janvier 2001, il garde le monopole sur la boucle
locale et compte bien profiter de cette avance jusqu'au dernier moment.
Afin d'être en mesure de lancer en 2001 un portail haut débit appelé à
ce jour "Wanadoo TV", l'opérateur historique regroupe ses activités audiovisuelles
au sein d'une même entité: Wanadoo Audiovisuel sera producteur de programmes
et le laboratoire de nouveaux contenus construits avec de nouvelles écritures.
L'objectif est de faire de Wanadoo, aujourd'hui premier fournisseur d'accès
en France, "un média d'audience" selon son PDG, Marc Welinski.
Wanadoo Audiovisuel regroupe les sociétés suivantes: Ideale Audience (documentaires
musicaux), Fit Production (fictions TV, sitcoms, et documentaires), Chaman
Production (jeux en ligne et films d'animation en 3D) et France Animation
(dessins animés). Wanadoo Audiovisuel pilote aussi les participations
dans quatre chaînes thématiques : "histoire" (15%), "Mezzo" (50%), "Régions"
(40%) et "Computer Channel" (chaîne sur internet). Wanadoo Édition, autre
filiale, alimente les contenus de loisirs et de jeux on-line et off-line.
Bénéfice secondaire de ces regroupements: ces filiales, présentées comme
des entités cohérentes, pourront être introduites progressivement en bourse
pour financer la croissance du groupe.
Qu'en penser? Toutes ces offres concurrentes sont construites
à partir du même présupposé. Le haut débit demande des contenus adaptés,
alliant vidéo et technologies animées. Ces contenus, placés sur des plates-formes
intermédiaires et organisés en portails plus ou moins propriétaires, doivent
être assez riches et variés pour intéresser la clientèle et générer une
économie de média. Cela reste un pari. Ce schéma se rapproche en effet
au plus près de celui de la télévision interactive. Il suffit de regarder
les dernières publicités pour le bouquet satellitaire Canalsat. Or, l'offre
de télévision interactive est disponible partout sur le territoire, à
partir d'un équipement de base, le poste de télévision, présent dans tous
les foyers, sur une base de clientèle identifiée, analysée et choisie.
On peut donc faire aussi le pari inverse. Si l'internet
haut débit, privilégiant la voie descendante pour diffuser, ne sert qu'à
faire en moins bien ce qu' on peut avoir sur son téléviseur, les opérateurs
vont échouer comme ont échoué ceux qui ont cru que de la mauvaise vente
par correspondance sur l'internet pouvait remplacer l'épicier du coin.
A suivre, donc.
Pierre
Bastogne
6.
Libertysurf avoue.
Il y a quelques semaines, l'action Libertysurf, fournisseur
gratuit d'accès à l'internet a connu un gros coup de mou: baisse, baisse,
baisse. Alors, le groupe a multiplié les déclarations propres à rassurer
les investisseurs et s'est même fendu de pleines pages de communication
publicitaire dans les principaux quotidiens.
La page interpellait l'actionnaire sur le mode: "vous
vous demandez comment Libertysurf va bien pouvoir rentabiliser ses investissements?".
Et Libertysurf nous donnait enfin la réponse, pas en faisant payer les
abonnés, pas en devenant opérateur de télécommunication, pas en devenant,
comme Amazon, bazar en chef mondial, non. En étant ce qu'il a toujours
voulu être, un média... Et la page de publicité déclinait le modèle économique
des médias audiovisuels, surtout le financement par la publicité.
On apprend ainsi que la " pertinence " du modèle économique se matérialise
dans l'évolution des centres de profits : désormais les revenus dits "internet"
(publicité, e-commerce, etc.) dépassent les 50 %, alors que les revenus
"télécoms" (générés par les minutes de téléphone consommées par les abonnés)
sont passés en dessous de 50 %"
Soit. Cela dit, il ne suffit pas de se déclarer média pour
être un média. Il ne suffit pas d'adopter le modèle économique d'un média
pour devenir un média. Aujourd'hui, Libertysurf est un média comme M6
est un fournisseur d'accès: un peu.
Pierre
Bastogne
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LES CONTENUS
7.
Libre pour les libres: Nietzche source ouverte.
"Que tout soit libre pour les libres"
Cet extrait d'un aphorisme de Nietzche pourrait être adopté comme maxime
par les partisans du libre qu'il s'agisse de logiciels ou de publication.
Elle figure d'ailleurs logiquement au début
de l'ouvrage qu'une équipe animée par Paolo D'Iorio consacre au projet
HyperNietzche.
L'invention de l'hypertexte ne doit rien aux groupes économiques, ni aux
programmes publics. Elle provient exclusivement de la communauté des chercheurs
et des universitaires qui a su fusionner, avec l'invention du web au CERN
par Tim Berner Lee, des pistes d'innovation d'origines diverses. On ne
peut pas dire que les "industries de la convergence", les gouvernements
ou la commission européenne en aient été reconnaissants envers les chercheurs.
Il est toujours plus difficile de publier
sous les formes traditionnelles, sans que, pour autant, de nouveaux instruments
de communication scientifique aient été réellement rendus disponibles.
Au contraire, la tendance à la privatisation des archives et des données,
la volonté de supprimer le droit de copie privée numérique, voire le droit
de citation, l'extension de la brevetabilité, l'hégémonie des portails
et moteurs commerciaux forment autant de limitations de l'espace public
de la recherche.
Dans ces conditions, l'utilisation du web tel qu'il est, sans attendre
un nouveau pallier d'innovation, ni d'éventuel grand programme de financement
public, est devenue la seule piste réaliste pour les chercheurs.
Le projet de l'HyperNietzche est intéressant
parce qu'il dépasse la seule problématique de la publication, ou pré-publication,
telle que la pratique par exemple le Los Alamos National Laboratory.
L'HyperNietzche est à la fois un média de prépublication, d'archives partagées
et un instrument de travail scientifique en réseau.
Le projet a deux volets: d'un côté l'hypertexte
(l'instrument intellectuel), de l'autre, l'open source (les règles d'usage
de cet instrument).
L'hypertexte comprend les matériaux "primaires" (textes de Nietzche, avec
leurs différentes variantes), les auteurs (philosophes travaillant ou
ayant travaillé sur Nietzche), et les contributions. Les contributions
sont organisées selon leur proximité au texte de Nietzche: transcriptions
de ses cours, chemins (parcours de lecture), commentaires (courts textes
rapportés à des extraits de Nietzche), essais (commentaires plus généraux).
Il est ainsi possible de suivre une interprétation de Deleuze, en la rapportant
aux différentes éditions, ou archives du texte.
L'open source fonctionne de la manière suivante. L'Association HyperNietzche
ne reprend que des textes dont les auteurs lui ont concédé le droit de
publier en ligne. Autrement dit, l'auteur ne renonce qu'à une chose: donner
l'exclusivité de son texte à un éditeur en particulier.
L'auteur choisit aussi la licence d'utilisation de sa contribution.
Free Knowledge: l'auteur cède à tout utilisateur tous ses droits, y compris
celui d'exploitation commerciale, évidemment à titre non exclusif.
Open Knowledge: l'utilisation est libre seulement à des fins d'enseignement
et de recherche.
L'exploitation commerciale doit être autorisée.
Limited Knowledge: l'utilisateur ne dispose que des droits classiques
de citation et de copie privée à usage personnel. Dans tous les cas, le
droit moral de l'auteur doit être respecté.
L'ouvrage publié par les P.U.F présente de
manière détaillée les aspects intellectuels, et juridiques du projet.
Francis
Linart
Source:
"HyperNietzche", Paolo D'Iorio, Presses Universitaires
de France, 2000,
Collection Ecritures Electroniques, dirigée par Béatrice Didier et Nathalie
Ferrand.
Prix: 157FF.
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CULTURE
WEB
8.Public Netbase.
Le gouvernement autrichien s'en prend à l'organisation
Public Netbase, centre viennois pour les nouveaux médias.
Cette affaire rappelle le combat de Gérard Paquet, et du Théâtre National
de la Danse et de l'Image de Châteauvallon contre la stratégie de destruction
des lieux culturels par le Front national.
Nous publions ici de larges extraits de la "Lettre ouverte au Public autrichien".
"Le Gouvernement de Droite s'attaque à Public Netbase.
Les personnes, initiatives et organisations soussignées demandent que
Public Netbase, ne soit, ni forcé à fermer ses portes, ni contraint de
quitter définitivement ses locaux actuels dans le "Museumquartier".
Les soussignés demandent instamment au gouvernement autrichien de reconnaître
le rôle pionnier de Public Netbase dans le domaine des nouveaux médias
et de la culture en général …
Depuis sa création en 1994, Public Netbase a joué un rôle primordial dans
le développement d'une culture électronique en mutation rapide. …
Public Netbase propose …un mélange unique en son genre de ressources communautaires,
mettant à disposition formation technique, accès public au Réseau, et
une programmation artistique sophistiquée.
Public Netbase organise également des expositions, des conférences, appuie
de façon concrète de nombreuses initiatives citoyennes, tout en contribuant
significativement au développement de la culture des nouveaux médias et
des nouvelles technologies par le biais de théories et de pratiques innovantes….
Malheureusement, depuis le changement de gouvernement, Public Netbase
est victime d'accusations déraisonnables, de machinations obscures, et
d'attaques dénuées de fondements.
La suppression pure et simple de tous les subsides fédéraux, accompagnée
de tentatives de la part du gouvernement de mettre fin aux soutien de
la région, ainsi qu'une mise en examen tout aussi approfondie qu'infructueuse
sous le prétexte de malversations financières constituent autant de mesures
visant à faire taire toute voix critique dans la société civile en Autriche.
Nous insistons auprès du gouvernement autrichien pour qu'il reconsidère
et clarifie sa position à l'égard de Public Netbase et qu'il reconnaisse
ses mérites….
…Ces projets démontrent que les pratiques des arts et des médias en réseau
ont déjà une histoire respectable et qu'il représentent un effort de réflexion
de la diversité créative et de l'ampleur du discours critique qui est
d'une importance cruciale pour l'émergence d'une culture mondialisante
digne de ce nom. Trop souvent, les médias en réseau et en temps réel sont
considéré s comme étant marginaux, fragmentés, voire étrangers au débat
sur la créativité dans l'art contemporain. Rien ne peut être plus éloigné
de la vérité..
Telle est donc la responsabilité, et le devoir, du gouvernement autrichien,
en tant que garant et gardien de la culture nationale, de restaurer le
soutien financier à Public Netbase et de faciliter la perpétuation de
sa présence au "Museumquartier".
Moins que cela représenterait un déni aux attentes du public et une démission
face a l'héritage culturel européen.".
Rose
Hermitage
Clics
officiels:
[http://www.t0.or.at/]
traduction française de la pétition:
[http://free.netbase.org/english/texts/openletter/french.html]
Source:
[http://www.nettime.org/]
9.Epatra.com, épatante messagerie
multilingue indienne.
Nombreux logiciels et sites se vantent d'être multilingues,
et quelle déception chronique de tomber toujours sur l'allemand, l'espagnol,
l'italien, bref... des caractères latins. Dès qu'il s'agit de langues
plus corsées telles que les langues asiatiques, les outils se font plus
rares.
Pourtant, informaticiens arabes, chinois, israéliens développent à tour
de bras des versions locales de toutes sortes de logiciels.
Malgré leurs efforts, les utilisateurs multilingues s'arrachent bien souvent
les cheveux et il leur faut souvent installer sur leur ordinateur deux
systèmes d'exploitation qui entrent bien évidemment en conflit.
Dans cette situation, lorsque vous êtes arabe, indien ou cambodgien et
que vous habitez en occident, le moyen le plus simple pour envoyer un
message électronique à vos parents et amis restés au pays est de transcrire
avec des caractères latins vos mots arabe, indien ou cambodgien. La lourdeur
de ce procédé a au moins le mérite de vous apprendre à contenir vos émotions
en étant bref et concis.
A charge de vos interlocuteurs de décrypter ce message qui semble être
du français ou de l'anglais mais qui est de l'hindi ou de l'hébreu.
Et la lecture est bien plus fastidieuse que l'écriture car parsemée de
polysémie. Les acrobaties des internautes se multiplient pour trouver
des raccourcis et ponts entre les caractères latins et leur langue natale.
Webdunia, une entreprise indienne, a trouvé une solution
facilitant aux pratiquants de langues indiennes la communication par messagerie
électronique:Epatra.com, une boîte aux lettres en ligne, type Caramail.
Vous choisissez votre dialecte indien (une dizaine pour le moment). A
gauche vous tapez votre message en caractères latins, à droite vous voyez
apparaître la transcription en caractères sanscrits.
Ainsi, votre correspondant pourra lire, moyennant le téléchargement de
la police, votre message dans son alphabet familier. Par ailleurs, les
messages de toutes vos autres boîtes aux lettres disposant d'un Pop peuvent
être lus sur votre boîte Epatra. Symétriquement, vous pouvez être avertis
sur votre boîte aux lettres habituelle de l'arrivée d'un message sur votre
messagerie Epatra.
Ce système permet de coordonner astucieusement les outils qui permettent
de communiquer avec les utilisateurs de caractères latins et les autres;
ceux du pays d'émigration et ceux du pays d'origine.
Plus étonnant encore: un expatrié indien peut voir son message imprimé
tout là-bas en Inde et envoyé par courrier postal au destinataire qui
n'est pas connecté à internet.
Et tout cela gratuitement.
Dans la même veine, pour les porteurs de la langue arabe
cette fois-ci, un service de boîte aux lettres, maktoob.com, permet de
rédiger des messages en caractères arabes grâce à un clavier en ligne.
Mais ce procédé est moins ouvert qu'epatra.com. Et l'on se prend à rêver
d'un jumelage de ces deux procédés qui s'appliquerait à toutes les langues.
En attendant le fameux Unicode (code universel qu'on nous
concocte depuis Toutankamon), on pourra alors peut-être dire qu'internet
est un outil de communication universel et que ces langues parlées par
des millions d'êtres ne sont pas numériquement négligeables pour ne pas
dire négligées.
Elsa
Zakhia
Clics officiels:
[http://www.epatra.com]
[http://www.maktoob.com]
|
VU
D'AILLEURS
10.La Nouvelle économie des idées selon John Perry Barlow.
Dans le magazine "Wired" du mois d'octobre 2000, John Perry
Barlow, co fondateur de "l'Electronic Frontier Foundation", signe un long
article sur la façon dont il imagine les évolutions et la mort du système
de propriété intellectuelle dans le cyberespace.
Si l'on peut partager avec lui, sans grande difficulté, les termes de
son constat, les conclusions - et les prophéties - qu'il en tire ne suscitent
pas la même adhésion. Qu'on en juge.
Barlow interprète l'affaire "Napster" comme le facteur
déclenchant de la guerre culturelle annoncée. Familier de comparaisons
puisées aux sources de l'histoire des États-Unis, il compare les jeunes
tribus d'échangeurs de musique, les "Napsteriens", aux premières colonies
américaines, luttant pour secouer le joug d'une puissance coloniale devenue
inefficace et incompétente à assurer leur développement économique et
culturel. Et d'opposer de façon systématique et filée, les pauvres "Napsteriens"
luttant pour la libre expression aux nantis roulant en Porsche des compagnies
de disque.
Pour Barlow, l'affaire Napster montre comment "l'internet
réel", réseau instantané au pouvoir distribué dépasse en puissance les
détenteurs de "contenus". Il prédit la faillite de toutes les actions
entreprises en faveur du cryptage. Il rappelle les luttes infructueuses
de la Motion Pictures Association of America contre les magnétoscopes
et les tentatives de commercialisation de logiciels protégés, il doute
du presque mort-né "SDMI" et souligne l'impuissance des juges à arrêter,
voire même freiner, la divulgation du programme permettant de "craquer"
les DVD. Pour lui, l'économie des idées ne se fonde pas, au contraire
de l'économie des biens, sur la rareté mais sur l'abondance. Gagne celui
qui est le mieux et le plus diffusé. "Fame is Fortune", la célébrité rend
riche. Pour Barlow, c'est certain, les usagers vont gagner cette révolution
culturelle.
Mais, comme il le mentionne dans son article, il est très
différent de gagner une bataille et d'en gérer les conséquences. Barlow
sait bien qu'un des principaux arguments de ses détracteurs est que le
système qu'il décrit ne permet pas la rémunération des créateurs et va
donc assécher la création. Alors, sur la dépouille du copyright, il bâtit
un nouveau système qu'il fonde sur quelques grands principes: la relation,
le côté pratique, l'interactivité, le service et l'éthique.
Pour Barlow, l'art est un service, pas un produit. Créer
de la beauté, c'est créer de la relation. Alors, il propose de revenir
au système qui prévalait avant la propriété littéraire et artistique,
le mécénat. Sans ignorer le caractère provocateur de cette proposition,
il remarque que le CERN a été le mécène du Web, le DARPA, celui de l'internet
et de Vint Cerf et qu'IBM a nourri en son sein la géométrie fractale à
travers Mandelbrot.
Le côté pratique est son deuxième pilier. De la même façon
qu'il est plus facile de louer une vidéo que de la copier. Il est plus
rentable sur le long terme d'acheter un logiciel pour lequel on pourra
avoir un service en ligne que de le pirater, surtout si l'on n'est pas
expert en informatique. Il sera donc plus simple de rémunérer les artistes
que de les voler. Barlow appelle de ses vœux une gigantesque entreprise
d'industrialisation et de contractualisation de la création artistique.
Il y a ensuite l'interactivité. Plus je suis dans le monde
réel, plus la relation est individualisée, plus elle est chère. Barlow
est mieux payé, dit-il, comme consultant que comme écrivain.
Enfin, il y a l'éthique.
Il est bien évidemment plus facile de faire la critique de l'article de
Barlow depuis que Bertelsmann a racheté Napster et l'on attend avec impatience
comme Barlow va faire entrer cette nouvelle donnée dans son système. En
effet, Barlow a raison quand il prédit la fin de la propriété. Il rejoint
en cela Rifkin et ses théories sur l'accès. Mais rien ne dit que l'accès
sera gratuit et ouvert. On peut suivre Barlow quand il dit que le piratage
n'a pas affaiblit Microsoft, mais il l'a conduit à une fuite en avant
pour acquérir une position dominante. Son système d'exploitation et ses
principaux logiciels installés sur la grande majorité des ordinateurs
vendus au monde, avant même l'achat de ces ordinateurs, peu lui importait
qu'ils soient copiés.
Ainsi, on peut tout aussi bien conclure des constats de
Barlow que, sans mécanisme équitable de rémunération et de protection
de la propriété intellectuelle, sans régulation assurant la diversité
et le pluralisme, régulation qui ne passe pas obligatoirement, certes,
par les procès et le cryptage, nous allons assister à la plus formidable
période de concentration de la consommation culturelle que nous aurons
jamais connue.
Le cyberespace sauvage et libre qui hante les visions de Barlow pourrait
bien devenir la simple juxtaposition de parcs à thèmes, d'univers clos
où l'on pourrait copier ce que l'on veut puisqu'on serait enfermé.
Napster devenu ce parc à thèmes de Bertelsmann où les Napsteriens en réserve
se font gentils animateurs du catalogue de BMG, on attend les initiatives
de Vivendi Universal pour proposer d'autres thèmes, d'autres parcs, d'autres
prisons...
Pierre
Bastogne
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ON A LU
11.Capitalisme cognitif, et cætera. A propos du
n° 2 de Multitudes.
La revue Multitudes reprend, dans un style radical-universitaire,
le même type de filiation intellectuelle que l'ex "Futur Antérieur".
On n'est pas obligé d'adhérer à cette orientation générale
pour trouver passionnant le numéro deux, consacré à la Nouvelle Économie
Politique, c'est-à-dire aux théories qui tentent d'intégrer la réalité
de la nouvelle économie.
Multitudes est loin de partager les analyses d'un S. Shepard, rédacteur
en chef de Business Week, quasiment devenu, après les ratés de Wired,
l'organe officieux de la nouvelle économie. Pour Shepard- mais c'était
le cas de la plupart des commentateurs, avant qu'ils aient été dégrisés
par la succession récente de crashs - la globalisation et les technologies
de l'information entraînent une restructuration radicale de l'économie
qui se manifeste par une croissance rapide sans inflation, associée à
une augmentation de la productivité.
Si vous regardez la télévision, ou lisez les journaux, vous connaissez
ce genre de thèses: c'est, en gros, l'idéologie dominante.
Les rédacteurs de Multitudes critiquent ces théories, sans pour autant
remettre en cause l'importance et la réalité des phénomènes rassemblés
sous l'appellation de "nouvelle économie" ou de "net-économie". Une de
leurs principales propositions (Paulré, Cosani) s'appelle le "capitalisme
cognitif". On passe d'une période historique - la société industrielle
fordiste- où la richesse provient de la production de biens homogènes
et reproductibles, à une autre, où ce sont le changement et l'innovation
qui sont à l'origine de la valeur. Le capitalisme cognitif repose sur
l'innovation. La logique d'un management financier doit s'articuler avec
celle de l'exploitation de la valorisation et de la connaissance. C'est
ici qu'interviennent les technologies de l'information.
D'autre part, dans un article consacré à Gabriel Tarde,
Maurizio Lazzarato présente une nouvelle approche des lieux de création
de valeur, qui ne se limiteraient plus à la seule entreprise, pôle de
production dans un monde de dépenses (vision partagée par les libéraux
et les marxistes). Avec la net économie, la création de richesses s'étendrait
à l'ensemble de la société, la communication en réseau, les formes d'organisation
qui "hybrident marché, entreprise et société".
C'est ce qui s'appelle résumer une thèse sur un timbre-poste.
Mais si ces sujets vous intéressent, et si vous êtes prêts à vous accrocher,
lisez le numéro 2 de Multitudes, qui comprend aussi une présentation de
la Zelig Conférence 2000.
Edgar
Lulle
Source:
"Multitudes" Numéro 2. Mai 2000. Directeur de publication: Yann Moulier
Boutang. Exils éditeur.
Prix: 100 FF.
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