11.Capitalisme
cognitif, et cætera. A propos du n° 2 de Multitudes.
La
revue Multitudes reprend, dans un style radical-universitaire, le même
type de filiation intellectuelle que l'ex "Futur Antérieur".
On n'est pas obligé d'adhérer à cette orientation générale pour trouver
passionnant le numéro deux, consacré à la Nouvelle Économie Politique,
c'est-à-dire aux théories qui tentent d'intégrer la réalité de la nouvelle
économie.
Multitudes est loin de partager les analyses d'un S. Shepard, rédacteur
en chef de Business Week, quasiment devenu, après les ratés de Wired,
l'organe officieux de la nouvelle économie. Pour Shepard- mais c'était
le cas de la plupart des commentateurs, avant qu'ils aient été dégrisés
par la succession récente de crashs - la globalisation et les technologies
de l'information entraînent une restructuration radicale de l'économie
qui se manifeste par une croissance rapide sans inflation, associée
à une augmentation de la productivité.
Si vous regardez la télévision, ou lisez les journaux, vous connaissez
ce genre de thèses: c'est, en gros, l'idéologie dominante.
Les rédacteurs de Multitudes critiquent ces théories, sans pour autant
remettre en cause l'importance et la réalité des phénomènes rassemblés
sous l'appellation de "nouvelle économie" ou de "net-économie". Une
de leurs principales propositions (Paulré, Cosani) s'appelle le "capitalisme
cognitif". On passe d'une période historique - la société industrielle
fordiste- où la richesse provient de la production de biens homogènes
et reproductibles, à une autre, où ce sont le changement et l'innovation
qui sont à l'origine de la valeur. Le capitalisme cognitif repose sur
l'innovation. La logique d'un management financier doit s'articuler
avec celle de l'exploitation de la valorisation et de la connaissance.
C'est ici qu'interviennent les technologies de l'information.
D'autre
part, dans un article consacré à Gabriel Tarde, Maurizio Lazzarato présente
une nouvelle approche des lieux de création de valeur, qui ne se limiteraient
plus à la seule entreprise, pôle de production dans un monde de dépenses
(vision partagée par les libéraux et les marxistes). Avec la net économie,
la création de richesses s'étendrait à l'ensemble de la société, la
communication en réseau, les formes d'organisation qui "hybrident marché,
entreprise et société".
C'est ce qui s'appelle résumer une thèse sur un timbre-poste. Mais si
ces sujets vous intéressent, et si vous êtes prêts à vous accrocher,
lisez le numéro 2 de Multitudes, qui comprend aussi une présentation
de la Zelig Conférence 2000.
Edgar Lulle (edgar.lulle@caramail.com)
Source:
"Multitudes" Numéro 2. Mai 2000. Directeur de publication: Yann Moulier
Boutang. Exils éditeur.
Prix: 100 FF.