7.Libre
pour les libres: Nietzche source ouverte.
"Que
tout soit libre pour les libres"
Cet extrait d'un aphorisme de Nietzche pourrait être adopté comme maxime
par les partisans du libre qu'il s'agisse de logiciels ou de publication.
Elle
figure d'ailleurs logiquement au début de l'ouvrage qu'une équipe animée
par Paolo D'Iorio consacre au projet HyperNietzche.
L'invention de l'hypertexte ne doit rien aux groupes économiques, ni aux
programmes publics. Elle provient exclusivement de la communauté des chercheurs
et des universitaires qui a su fusionner, avec l'invention du web au CERN
par Tim Berner Lee, des pistes d'innovation d'origines diverses. On ne
peut pas dire que les "industries de la convergence", les gouvernements
ou la commission européenne en aient été reconnaissants envers les chercheurs.
Il est toujours plus difficile de publier sous les formes traditionnelles,
sans que, pour autant, de nouveaux instruments de communication scientifique
aient été réellement rendus disponibles.
Au contraire, la tendance à la privatisation des archives et des données,
la volonté de supprimer le droit de copie privée numérique, voire le droit
de citation, l'extension de la brevetabilité, l'hégémonie des portails
et moteurs commerciaux forment autant de limitations de l'espace public
de la recherche.
Dans ces conditions, l'utilisation du web tel qu'il est, sans attendre
un nouveau pallier d'innovation, ni d'éventuel grand programme de financement
public, est devenue la seule piste réaliste pour les chercheurs.
Le projet de l'HyperNietzche est intéressant parce qu'il dépasse la seule
problématique de la publication, ou pré-publication, telle que la pratique
par exemple le Los Alamos National Laboratory.
L'HyperNietzche est à la fois un média de prépublication, d'archives partagées
et un instrument de travail scientifique en réseau.
Le projet a deux volets: d'un côté l'hypertexte (l'instrument intellectuel),
de l'autre, l'open source (les règles d'usage de cet instrument).
L'hypertexte comprend les matériaux "primaires" (textes de Nietzche, avec
leurs différentes variantes), les auteurs (philosophes travaillant ou
ayant travaillé sur Nietzche), et les contributions. Les contributions
sont organisées selon leur proximité au texte de Nietzche: transcriptions
de ses cours, chemins (parcours de lecture), commentaires (courts textes
rapportés à des extraits de Nietzche), essais (commentaires plus généraux).
Il est ainsi possible de suivre une interprétation de Deleuze, en la rapportant
aux différentes éditions, ou archives du texte.
L'open source fonctionne de la manière suivante. L'Association HyperNietzche
ne reprend que des textes dont les auteurs lui ont concédé le droit de
publier en ligne. Autrement dit, l'auteur ne renonce qu'à une chose: donner
l'exclusivité de son texte à un éditeur en particulier.
L'auteur choisit aussi la licence d'utilisation de sa contribution.
Free Knowledge: l'auteur cède à tout utilisateur tous ses droits, y compris
celui d'exploitation commerciale, évidemment à titre non exclusif.
Open Knowledge: l'utilisation est libre seulement à des fins d'enseignement
et de recherche.
L'exploitation commerciale doit être autorisée.
Limited Knowledge: l'utilisateur ne dispose que des droits classiques
de citation et de copie privée à usage personnel. Dans tous les cas, le
droit moral de l'auteur doit être respecté.
L'ouvrage
publié par les P.U.F présente de manière détaillée les aspects intellectuels,
et juridiques du projet.
Francis Linart
(francis.linart@caramail.com)
Source:
"HyperNietzche", Paolo D'Iorio, Presses Universitaires de France, 2000,
Collection Ecritures Electroniques, dirigée par Béatrice Didier et Nathalie
Ferrand.
Prix: 157FF.
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