1.E Finita la
Multimania!
Le camp des
groupies de Multimania s'est brusquement réduit après l'annonce, début
novembre, de son rachat par Lycos.
Si ZDNet et Transfert persistaient obstinément dans leur admiration, les
médias financiers n'ont pas caché leur mépris: l'interview de Michel Meyer
sur Bloomberg TV a été un moment fort de rude vérité capitaliste.
Le reproche formulé par les financiers est assez simple.
L'Offre Publique d'Échange de Lycos valorise l'action Multimania en dessous
du cours d'introduction en bourse au printemps dernier.
Michel Meyer et ses associés devront attendre six mois de "lock-upperiod"
avant de pouvoir revendre leurs nouvelles actions Lycos. Mais, à ce moment
là, ils pourront réaliser définitivement leur investissement personnel
dans leur société (avant l'introduction en bourse). Bref, ils échangent
du papier contre du Lycos. Les autres actionnaires qui ont payé cash se
voient imposer de revendre leur titre moins cher.
Michel Meyer a violé un tabou financier. Il n'était certainement pas responsable
des coups de yoyo de son action. Mais le niveau du cours d'introduction
devait correspondre aux perspectives de développement de son activité,
par elle même, indépendamment de la bourse. L'échange avec Lycos, que
les actionnaires du marché ne sont pas en mesure de repousser puisque
l'OPE a été organisée avec les gros actionnaires traduit ce qu'il faut
bien appeler une entourloupe aux détriments des petits actionnaires. Meyer
avoue d'ailleurs lui même que garder le titre est une mauvaise idée!
Dans ces conditions, le débat sur la permanence de la marque Multimania
est tout bonnement de la poudre aux yeux.
Multimania souligne qu'il rejoint Tripod, Caramail, Spray, marques européennes
toutes plus sympathiques les unes que les autres, qui vont lui donner
la "dimension critique". Vous avez le droit d'y croire.
Mais Lycos Europe c'est surtout Bertelsmann et Lycos USA, c'est aussi
Terra Networks, opérateur espagnol de télécoms. Il ne faudra pas être
trop regardant sur l'indépendance des contenus. Depuis The Virtual Baguette,
le rachat de la communauté indépendante Mygale, et le financement de son
activité par la publicité, la stratégie de Multimania reste la même: acquérir,
pour rien, l'indépendance du web, et la revendre sur le marché.
Il n'est pas certain que cela puisse passer encore longtemps pour un vrai
"business model".
Dans "le train rentrant de Londres où il est allé présenter l'OPE aux
analystes financiers", Michel Meyer répond à la question de Christophe
Agnus (Transfert): "De l'esprit de The Virtual Baguette au giron de Bertelsmann,
Multimania n'a-t-il pas perdu son âme? Non, je ne pense pas. Lycos est
une société culturellement proche de nous. L'aventure continue. " L'âme
de Michel Meyer, qui utilise le mot "deal" toutes les trois phrases, est
un organe étonnant.
C' est une machine à retraiter les illusions pour fabriquer du cash. Elle
cauchemarde sur la lock-up period (encore six mois!), mais elle continue
mécaniquement à parler de culture et d'aventure.
En mars dernier, Multimania s'adressait à ses abonnés ainsi: "Devenir
actionnaire de MultiMania c'est franchir un pas de plus dans la communauté".
La communauté des quoi?
Edgar
Lulle (edgar.lulle@caramail.com)
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